Riccardo Pineri

Adriaan Herman Gouwe, peintre de Polynésie

Avant et après

Taravao (Tahiti), 1998

bibliothèque insulaire
   
peintres des îles
édité à Tahiti
Outre-Mer 98
parutions 1998
Adriaan Herman Gouwe, peintre de Polynésie / Riccardo Pineri. - Taravao (Tahiti) : Éd. Avant et Après, 1998. - 118 p. : ill. ; 27 cm. - (Permanence de l'art).
ISBN 2-907716-16-6
Riccardo Pineri a participé (2000-2005) au jury du « Prix du Livre Insulaire » d'Ouessant.
NOTE DE L'ÉDITEURDepuis la découverte des îles de Polynésie, à la fin du XVIIIe siècle, s'est noué un jeu de relations et d'échanges entre cet orient extrême et la culture occidentale, un tropisme amoureux fait de projections et de confrontations réelles, de fascination et de rejet. Entre l'île et l'œuvre d'art il existe un longue complicité faite d'évidences éclatantes et de mystérieuses pudeurs, d'unicité et d'ouverture infinie.

Après Gauguin, Adriaan Herman Gouwe est le peintre qui a su traduire le choc de la rencontre de la culture occidentale et de la civilisation polynésienne, sans complaisance ni regards de survol.

La peinture de Gouwe nous montre comment la découverte d'une autre culture est indissociable de la pudeur qui en respecte le secret ; elle fait apparaître les signes lumineux et les nervures secrètes qui forment, au-delà des particularités locales et des différences culturelles, la permanence de l'art dans la création et la construction d'un monde commun.

TAHITI PACIFIQUE MAGAZINE, n° 87, juillet 1998 : [Riccardo Pineri] vient de publier un magnifique ouvrage consacré à [Adriaan Herman Gouwe], cet artiste qui fascine tant nos dirigeants (cf. les collections de Francis Sanford et de Gaston Flosse) ; il traite en détail la vie de Gouwe, rare peintre de Polynésie à avoir des faux qui circulent […]. L'écriture précieuse de Riccardo Pineri analyse avec enthousiasme l'art de Gouwe, qui « comme tout peintre véritable (…) interprète un rythme sensible, et donne comme tâche au tableau d'être une harmonie parallèle … ».
Le mouvement de la peinture de Gouwe est dans l'attrait pour quelque chose qui se retire, toujours un peu plus loin de l'image spéculaire et d'une forme anodine, entre apparition et passage. Ce n'est qu'en restant à distance que, pour le peintre, la Polynésie demeure elle-même.

p. 44

A
driaan Herman Gouwe découvre la Polynésie en décembre 1927 ; il a cinquante-deux ans et, sauf le temps d'un retour de quelques mois en Europe, il y demeurera jusqu'à son décès en 1965. A cette époque, Gauguin semblait avoir figé pour longtemps les échos que les mers du Sud pouvaient éveiller dans une âme occidentale. On est surpris donc de la confrontation avec une œuvre singulière ; s'il fallait évoquer une filiation, van Gogh serait plus approprié : même appétit, chez ce fils du Nord né à Alkmaar, pour la lumière du Sud …

“ Pendant trente-quatre ans j'ai vécu en solitude, travaillé dans une pièce donnant sur la mer et constamment médité. La plupart des gens n'en savent rien, mais il faut bien en passer par là pour pouvoir faire la distinction entre réalité et apparence ” 1. Cette quête obstinée, les yeux rivés sur le lagon de Raiatea, charge d'une densité palpable l'œuvre polynésienne de Gouwe ; à la splendeur du motif répondent comme de plain-pied l'intensité du regard et la détermination du geste qui anime le pinceau. Dans les dernières pages du livre, Riccardo Pineri a regroupé quelques photos du peintre ; on y devine, derrière d'épaisses lunettes, l'éclat fervent d'un œil cherchant inlassablement à capter le déploiement du visible.
       
1.Extrait de Levensbeschrijving, manuscrit autobiographique inédit, cité par Riccardo Pineri (p. 105).
EXTRAIT    C'est à Bora Bora que naît Le Grand Morne, (…). Au-dessus de la montagne, le ciel d'orage concentre ses nuages sombres sillonnés d'éclairs rouges et violets, tandis que dans la partie inférieure du tableau éclate la lumière sur les tourbillons de la mer qui s'engouffre dans la passe. La violence des éléments trouve sa traduction dans le choc des couleurs, dans l'opposition des lignes tourbillonnantes et des traits hachés. Dans cet instant de bascule où le ciel et la mer semblent inverser leurs places, dans le vertige qui prend le regard du spectateur, il y a dans le côté gauche du bas du tableau une mouette qui plane, le regard rivé sur les tourbillons créés par l'orage. Porté par le déchaînement des éléments et pourtant libre par rapport à eux, l'oiseau a trouvé un point d'équilibre et le tableau traduit cet instant où la présence se déploie là même où tout semble se précipiter dans l'indifférencié, dans le chaos. Portrait de la peinture, la mouette marque l'équilibre précaire, le rythme atteint au moment du danger lorsque l'appel fascinant vers le pur attrait de la couleur veut prendre possession du peintre. Le désespoir d'embrasser les phénomènes dans leur globalité et le devenir lumière de la forme qui caractérisent toute une partie de l'art du XXe siècle, depuis Kandinsky et Mondriaan, font place à cette saisie d'un rythme à travers lequel la « figure » et l' « abstraction » sont rendues au jeu d'apparition et de retrait du monde, au figural, réponse de la part de l'imagination à la perception sensible.

p. 82 
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE

mise-à-jour : 5 février 2015

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