Les Fleurs du mal / Charles
Baudelaire ;
édition établie par John E. Jackson ;
préface d'Yves Bonnefoy. - Paris : Librairie
générale française, 1999. -
374 p. ; 17 cm. - (Livre de poche classique,
677).
ISBN
2-253-00710-2
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Entrevues
ou rêvées, les îles sont
présentes, éparses, dans les Fleurs du
mal : îles de
Méditerranée
— Cythère, Lesbos —
vers
lesquelles Baudelaire projette rêves ou hantises ; îles de
l'océan Indien,
jamais nommément désignées mais dont
le souvenir imprègne l'Hymne à la
beauté, Parfum exotique ou encore La
Chevelure …
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EXTRAITS |
CYTHÈRE
[…]
Quelle
est cette île triste et noire ? — C'est
Cythère,
Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons,
Eldorado banal de tous les vieux garçons.
Regardez, après tout, c'est une pauvre terre.
—
Île des doux secrets et des fêtes du
coeur !
De l'antique Vénus le superbe fantôme
Au-dessus de tes mers plane comme un arome,
Et charge les esprits d'amour et de langueur.
Belle
île aux myrtes verts, pleine de fleurs écloses,
Vénérée à jamais par toute
nation,
Où les soupirs des cœurs en adoration
Roulent comme l'encens sur un jardin de roses
Ou
le roucoulement éternel d'un ramier !
— Cythère n'était plus qu'un terrain
des plus maigres,
Un désert rocailleux troublé par des cris aigres.
J'entrevoyais pourtant un objet singulier !
[…]
Dans
ton île, ô Vénus ! je n'ai
trouvé debout
Qu'un gibet symbolique où pendait mon image …
[…]
☐ Un voyage à
Cythère,
pp. 173-175
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Ici
flottent échos et réminiscences de Watteau
— Le
Pélerinage à Cythère,
1717 et L'Embarquement
pour Cythère, 1718 —, de
Nerval, mais aussi
d'Arsène Houssaye, Théophile Gautier ou
Théodore de Banville. |
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Un
siècle et demi plus tard, le romancier irlandais John
Banville orchestre, dans « Le Monde d'or »
(« Ghosts » dans
l'édition originale) de nouvelles variations
inspirées de Watteau et du voyage à
Cythère. |
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LESBOS
[…]
Qui
des Dieux osera, Lesbos, être ton juge
Et condamner ton front pâli dans les travaux,
Si ses balances d'or n'ont pesé le déluge
De larmes qu'à la mer ont versé tes ruisseaux ?
Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge ?
Que
nous veulent les lois du juste et de
l'injuste ?
Vierges au cœur sublime, honneur de l'archipel,
Votre religion comme une autre est auguste,
Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel !
Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?
[…]
☐
Lesbos,
p. 209
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Lesbos
est un des six poèmes censurés par un jugement du
tribunal
correctionnel de la Seine, le 20 août 1857 :
« L'erreur du poète dans
le but qu'il voulait atteindre et dans la route qu'il a suivie, quelque
effort de style qu'il ait pu faire, quel que soit le blâme
qui
précédède ou suit ses peintures, ne
saurait détruire l'effet funeste
des tableaux qu'il présente aux lecteurs et qui, dans les
pièces
incriminées, conduisent nécessairement
à l'excitation des sens par un
réalisme grossier et offensant pour la
pudeur ». |
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Emmanuel Pierrat 1
retrace l'histoire de ce procès dérisoire, et
rappelle opportunément
que les effets de cette condamnation n'ont été
levés que le 31 mai
1949, quatre-vingt-douze ans plus tard :
« les poèmes faisant l'objet
de la prévention ne renferment aucun terme
obscène ou même
grossier … ». |
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1 |
« Les Fleurs
du mal » réhabilité, Le
Monde, 6-7 juin 1999. |
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MASCAREIGNES
Quand,
les deux yeux fermés, en un soir
chaud d'automne,
je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la
nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants
climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
☐ Parfum exotique,
pp. 71-72
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Baudelaire
a, mieux que tout autre, traduit les effets de sa rencontre avec
l'univers insulaire de l'océan Indien :
« Si (…) je prends un homme du
monde, un intelligent, et si je le transporte dans une
contrée
lointaine, je suis sûr que, si les étonnements du
débarquement sont
grands (…) la sympathie sera tôt ou tard si vive,
si pénétrante,
qu'elle créera en lui un monde nouveau d'idées,
monde qui fera partie
intégrante de lui-même, et qui l'accompagnera,
sous la forme de
souvenirs, jusqu'à la mort » 1.
Quant au parfum exotique qui émane de ces rivages heureux,
il est
indissociable des femmes aperçues, rencontrées et
connues lors du
voyage initiateur 2. |
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1 |
Exposition
universelle, 1855, cité par Gérard
Nirascou, « Les
enfants terribles de l'île Maurice
Baudelaire et Bernardin de Saint-Pierre »,
Paris : Éd. Deville, 2003 (p. 122). |
2 |
Cf.
Elvire Maurouard, « Les beautés
noires de Baudelaire », Paris :
Karthala (Lettres du Sud), 2005. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Les fleurs du
mal », Paris : Poulet-Malassis et de Broise, 1857
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- « Les fleurs du
mal » éd. par Antoine Adam, Paris : Classiques
Garnier (Classiques jaunes, 453), 2018
- « Les fleurs du
mal » [poèmes choisis et]
illustrés par Henri Matisse, Paris : Hazan, 2016
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- « Petits poëmes en prose » suivis des Paradis artificiels, Paris : Michel Lévy (Œuvres complètes, IV), 1869
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- Jannick Alimi, « Baudelaire amoureux »,
Vanves : Éditions Rabelais, 2016
- Elvire Maurouard, « Les beautés
noires de Baudelaire », Paris :
Karthala (Lettres du Sud), 2005
- Gérard Nirascou, « Les enfants terribles de
l'île Maurice : Baudelaire et Bernardin de
Saint-Pierre », Paris :
Éd. Deville, 2003
- Jean Urruty,
« Le voyage de
Baudelaire aux Mascareignes »,
Port-Louis (Maurice) : Vizavi, 2007
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mise-à-jour : 25 mars 2021 |
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