Les beautés noires
de Baudelaire / Elvire Maurouard ; préface de Jean
Poirier. - Paris : Karthala, 2005. -
217 p. ; 22 cm. - (Lettres du Sud).
ISBN 2-84586-651-8
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Je pense à la
négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, l'œil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard.
☐ Baudelaire, Le Cygne
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Née
au soleil sombre d'Haïti, Elvire Maurouard tente de
décrypter l'emprise des beautés noires
sur la poésie de Baudelaire. On savait l'impact des
premières rencontres à l'occasion de
brèves escales insulaires dans l'océan
Indien : elles ont inspiré directement 1
ou
indirectement 2 plusieurs pages des
« Fleurs du mal » ou des
« Petits poèmes en
prose » ; on savait encore la passion du
poète pour Jeanne Duval, Haïtienne de Jacmel dont
« la démarche de
reine » avait, aux yeux de Théodore de
Banville, « quelque chose à la fois de
divin et de bestial ». Mais, pour Elvire
Maurouard, cette ostensible prédilection désigne
et vise des qualités que ne borne pas seulement la couleur
de peau — ce qu'illustre par exemple la place
occupée par Madame Sabatier au sein de la galaxie des amours
du poète.
Arrachée
aux classifications étriquées qu'impose le
compromis social, la beauté noire réunit,
aux yeux de Baudelaire, la nostalgie tangible d'un passé
immémorial et l'espoir illusoire d'un rêve hors de
portée ; comme dans
« L'Invitation au voyage »
— des Petits poèmes en prose —
elle habite naturellement ce « pays superbe
(…) qu'on pourrait appeler l'Orient de
l'Occident ».
1. |
« À une
Malabaraise », « Bien loin
d'ici » dans Les
Fleurs du mal ; « La Belle
Dorothée » dans les Petits poèmes en
prose. |
2. |
« Hymne
à la Beauté »,
« Parfum
exotique », « La
Chevelure », … |
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EXTRAIT |
[…]
Tes
pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle
blanche ;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Dans cette
« mélodie » des
couleurs, le noir revient triomphant quand Baudelaire confie :
« Qu'ils cherchent, cherchent encore, qu'ils
reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces alchimistes de
l'horticulture ! Moi j'ai trouvé ma tulipe
noire … » 1
La Malabaraise avait définitivement
préparé la voie à
l' « Haïtienne »
transplantée en France. Parce qu'elle était pour
lui comme un vaisseau qui l'emportait, à travers les
tempêtes, vers le monde éclatant et noir de ses
souvenirs et de ses rêves ; mais parce qu'aussi elle
était un « vase de
tristesse » dont l'onde impure avait l'amertume du
sang, des larmes et de la mort, Jeanne Duval, « la
Vénus noire de Saint-Domingue, doit être
regardée comme la plus grande inspiratrice de
Baudelaire » 2. D'ailleurs, le poète défie
le Temps d'effacer de sa « mémoire celle
qui fut son plaisir et sa
gloire ! » :
Je
te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fair rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par un grand aquilon,
Ta
mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu'un tympanon,
[…]
☐ Conclusion, pp. 194-195
1. |
Baudelaire,
Petits
poèmes en prose,
« Invitation au voyage » |
2. |
Gonzague
de Reynold, Charles
Baudelaire, Genève, Éditions
Slatkine Reprints, 1933 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La femme noire dans le roman
haïtien », Paris :
Éd. des Écrivains, 2001
- « Contes des îles
savoureuses, suivi de L'Hymne des héros »,
Paris : Éd. des Écrivains, 2004
- « L'alchimie
des rêves », Paris : L'Harmattan,
2005
- « Haïti, le
pays hanté », Matoury
(Guyane) : Ibis rouge, 2006
- «
Jusqu'au bout du vertige », Paris : Ed. du
Cygne, 2007
- «
La Joconde noire », Paris : Ed. du Cygne,
2008
- «
Les Juifs de Saint-Domingue (Haïti) »,
Paris : Ed. du Cygne, 2008
- « Juifs
de Martinique et Juifs portugais sous Louis XIV », Paris : Ed. du Cygne, 2009
- « Aimé
Césaire et Haïti »,
Châtenay-Malabry : Acoria, 2009
- « Le
testament de l'île de la Tortue »,
Paris : Ed. du Cygne, 2011
- « Prélude
à l'après-midi d'une femme »,
Paris : Ed. du Cygne, 2012
- « Des
femmes dans l'émancipation des peuples noirs : de
Saint-Domingue au Dahomey », Paris : Ed. du
Cygne, 2013
|
- Jannick
Alimi, « Baudelaire
amoureux », Vanves :
Éditions Rabelais, 2016
- Charles
Baudelaire, « Les
fleurs du mal », Paris :
Librairie générale française (Livre de
poche classique, 677), 1999
- Charles
Baudelaire, « Les fleurs du
mal » [poèmes choisis et]
illustrés par Henri Matisse, Paris : Hazan, 2016
- Gérard
Nirascou, « Les
enfants terribles de l'île Maurice : Baudelaire et
Bernardin de Saint-Pierre »,
Paris : Éd. Deville, 2003
- Jean Urruty,
« Le
voyage de Baudelaire aux Mascareignes »,
Port-Louis (Maurice) : Vizavi, 2007
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Sur le site « île en île » : dossier Elvire Maurouard |
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mise-à-jour
: 8 avril 2019 |
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