Le
voyage de Baudelaire aux Mascareignes / Jean Urruty. - Port-Louis
(Maurice) : Vizavi, 2007. - 158 p. ;
21 cm.
978-99903-52-5
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En écrivant son livre — dont
l'édition
originale remonte à 1968 —, Jean Urruty
souhaitait
rappeler quelques faits historiques et suggérer leur
influence
sur l'œuvre du poète :
« Le voyage que fit
Baudelaire aux Mascareignes en 1841 resta longtemps peu connu. On n'en
avait du moins que des idées vagues et des
aperçus
fantaisistes (…). De plus, le séjour de
Baudelaire
à Maurice et à La Réunion n'avait pas
une grande
importance aux yeux des critiques et des historiens
littéraires
de France » (Introduction,
p. 9).
Jean Urruty éclaire successivement les mobiles du voyage, les
circonstances remarquables de la
traversée — à
bord du Paquebot des
Mers du Sud —, l'arrivée et
le
séjour à l'île Maurice (1er-18
septembre 1841),
l'arrivée et le séjour à Bourbon
(19 septembre-4 novembre 1841), le
retour en France, enfin l'inventaire du voyage. Le
bilan pourrait sembler mince : les données
précises
fiables sont aussi rares dans les archives et la mémoire des
insulaires que dans l'œuvre ou la correspondance de
Baudelaire ; mais les enseignements que Jean Urruty
dégage
de son enquête méritent de retenir l'attention
— « on ne peut refuser aux deux
Îles
sœurs de l'océan Indien l'honneur d'avoir
façonné, en Baudelaire, tout au moins en partie,
(1°) le poète
des parfums, des sons et des couleurs
(2°) le poète
des thèmes de la mer
(3°) le poète
des évasions lointaines
(4°) le poète
des paysages radieux où frémit
l'éternelle chaleur » (L'inventaire de ce voyage,
p. 77).
Plus que le rappel de faits attestés, mais qui
trop
souvent relèvent de l'anecdote, ce sont les traces vives
éparses dans l'œuvre poétique qui
soutiennent
efficacement l'argumentation ; Jean Urruty ne manque
pas,
comme plusieurs de ses prédécesseurs mauriciens
ou
réunionnais 1,
de citer Parfum
exotique, La Chevelure, L'Invitation au Voyage, Le Cygne, A une
Malabaraise ou encore, parmi d'autres, La Vie antérieure. On
ne peut qu'être incité à poursuivre
au-delà
des précieux jalons posés par l'auteur. Ainsi,
quand
Baudelaire évoque la mer et les dangers de la navigation,
« un vaisseau qui souffre ; / le
bon vent, la
tempête et ses convulsions » 2,
peut-on oublier qu'il parle en connaisseur pour avoir subi, peu
après l'entrée du Paquebot des Mers du Sud dans
l'océan Indien, une tempête épouvantable,
« simple tornade par l'étendue, mais
véritable typhon par la violence » 3 ?
Rehaussée par l'expérience, l'image est ici plus
qu'un lieu commun poétique.
À la lumière des informations
présentées par Jean Urruty, l'œuvre de
Baudelaire
gagne une profondeur et des couleurs
insoupçonnées. Loin
des effets d'exotisme immédiatement transcrits qui abondent
dans
la littérature
de voyage, la
distance prise avec les évènements d'un voyage,
entrepris
contre son gré alors que le poète avait
à peine
vingt ans, a permis l'expression d'un regard neuf sur un monde divers.
1. |
Hippolyte
Foucque, Raoul de Rosnay, Léoville L'Homme, Emile Daruty de
Grandpré, Robert Edward Hart, … |
2. |
« La
Musique » |
3. |
Rapport
d'Henry Piddington à la Cour de Marine de Calcutta,
cité p. 33 |
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EXTRAIT |
Si [Baudelaire] n'était pas venu aux Mascareignes,
aurait-il pu infuser du sang nouveau à la poésie
française de son temps ? Certainement pas. Ce sont
les
paysages mascareignais qui l'ont ébloui à
l'extrême
et l'ont mis sur la voie poétique nouvelle. Et n'est-ce pas
dans
nos îles qu'il a découvert cette correspondance
des sons,
des parfums et des couleurs qui est, si je ne me trompe, à
la
base de l'esthétique baudelairienne ? Et n'est-ce
pas
durant son long voyage dans l'océan Indien qu'il a fait
connaissance avec la mer dont la présence, calme ou
menaçante, s'étale amoureusement dans toute son
œuvre et donne à celle-ci un charme qu'elle
n'aurait pu
avoir si l'auteur était resté à
Paris ? Et
n'est-ce pas ce voyage encore qui a donné au
poète le
goût des évasions lointaines que certains
considèrent comme l'un des thèmes les plus
importants de
sa poésie.
☐
L'inventaire de ce voyage,
p. 76 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Le
voyage de Baudelaire aux Mascareignes », Port-Louis
(Maurice) : [Jean Urruty], 1968
|
- Charles
Baudelaire, « Les
fleurs du mal », Paris :
Librairie générale française (Livre de poche classique, 677), 1999
- Charles
Baudelaire, « Les fleurs du
mal » [poèmes choisis et]
illustrés par Henri Matisse, Paris : Hazan, 2016
|
- Jannick
Alimi, « Baudelaire
amoureux », Vanves :
Éditions Rabelais, 2016
- Elvire
Maurouard, « Les
beautés noires de Baudelaire »,
Paris : Karthala (Lettres
du Sud), 2005
- Gérard
Nirascou, « Les
enfants terribles de l'île Maurice : Baudelaire et
Bernardin de Saint-Pierre »,
Paris : Éd. Deville, 2003
- Emmanuel
Richon, « Le voyage de Baudelaire
à l'île Maurice et à La
Réunion (île Bourbon), 1841 »,
Sainte-Clotilde
(La Réunion) : Sham's, 2000
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mise-à-jour
: 8 avril 2019 |
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