Je
te salue, vieil océan / Henri Queffélec. -
Monaco :
Ed. du Rocher, 2006. - 399 p. : ill. ;
21 cm.
ISBN
2-268-05867-0
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… ici
arrive, accourt, tel un message que rien n'arrête, l'onde
implacable de la houle du grand large. (…) Mouettes qui
tourbillonnez dans les remous de l'air et qui voyez et entendez le
déroulement de l'épuisante
cérémonie, vous
savez que toutes ces îles restent sauvages. Mortelles autant
que
les civilisations.
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p. 96 |
La
première édition de Je te salue, vieil
océan 1
paraît en 1968, un an après que le Torrey Canyon
en s'éventrant sur un haut-fond aux abords des
îles
Scilly, ait libéré « un
lâche poison
boueux, bouseux, qui allait contaminer le bel océan,
souiller
les rivages les plus purs et qui se croyaient inaccessibles,
détruire la flore et la faune marines »
(p. 19).
Les marées
noires qui
s'échappent du pétrolier frappent par leur
extension : « après avoir
joué la
comédie entre une mort lente dans les eaux atlantiques et
une
descente brutale sur les îles anglo-normandes et les rivages
du
Cotentin, voire sur la côte picarde, elles se rabattaient
vers
Perros-Guirec et les Sept-Iles, souillaient avec force des paysages
célèbres, puis promenaient leurs pattes au
jugé
sur les falaises, les grèves et les plages du
Finistère
du Nord et de l'Ouest, effleurant pour finir le cap de la
Chèvre, Molène, l'île de Sein, Morgat,
les
Blancs-Sablons, la Pointe du Van, une grande partie des hauts lieux,
candides et sauvages, de la vénérable
Armorique » (pp. 20-21). Pour Henri
Queffélec,
cette catastrophe sonne « un long et très
lugubre
signal d'alarme » (p. 297).
Le temps est donc
venu de rappeler la connivence immémoriale de l'homme et de
l'élément marin. Vulnérables l'un et
l'autre,
l'homme et la mer ont à jamais partie liée. Le
témoignage interpelle, l'histoire est convoquée
au nom
d'un avenir à partager. L'or noir du Torrey Canyon a
sali la mer et les côtes de Manche et d'Atlantique ;
c'est
là qu'Henri Queffélec porte son regard, depuis
les vagues
de dunes de la Flandre jusqu'à la baie de
Saint-Jean-de-Luz : eaux, caps et presqu'îles,
îles,
villes, et grèves, et falaises, et rades, et
brisants, … Ici, où chacun
peut encore espérer « retrouver les
premiers matins,
les premières nuits du monde »
(p. 108) ;
ici, où
« un cri de cormoran, le son d'une cloche,
reprennent leur
valeur d'événements »
(p. 109).
Au
plus intime de la rencontre entre éléments,
flore, faune
et hommes, les îles exaltent le propos d'Henri
Queffélec,
empreint d'émerveillement et
d'inquiétude :
« nulle part autant que là, paysages
touchés
par l'homme n'avaient un air d'ailleurs et d'autrefois, de
recommencement ou d'éternité »
(p. 244).
Mais à la spendeur des îles correspond un haut
degré d'exposition au danger 2,
une extrême vulnérabilité :
Ouessant,
Molène, comme le Mont Saint-Michel, et plus encore Sein,
toutes
sont « au péril de la
mer » (p. 240)
; heureusement, « le pire n'est pas toujours
sûr » (p. 242).
“ L'enthousiasme
pour la beauté du monde qui conduit tous les chapitres de ce
livre n'est-il pas encore, à sa façon, une mise
en
garde ? ” — En
guise
d'introduction, p. 13
1. |
Je te
salue, vieil océan
— emprunt à Lautréamont (Les
Chants de Maldoror, I). Dans
une interview pour le journal télévisé
du 25 juin
1966, Henri Queffélec avait posé des
nuances :
« je n'arrive pas à voir ce que serait la
vieillesse
de la mer » et « je mets un peu
de
féminité dans la
mer » ; mais il lisait
dans cette apostrophe « un sens un peu humoristique
et
tendre ». Source : archives
de l'I.N.A. |
2. |
Un danger multiforme :
« La pollution par les
hydrocarbures n'est qu'une des grandes sources de l'avilissement subi
par la mer. S'y ajoutent les pollutions bactériologique,
chimique, atomique … »
(p. 10) ; et
c'est sans parler des risques naturels (submersion) ou des
conséquences d'un progrès mal
maîtrisé : « faire
fructifier ne se
traduit pas prostituer ou détruire »
(p 8). |
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EXTRAIT |
L'archipel dérisoire qui gravite avec ses courants
et ses
récifs autour de Molène, la seule terre un peut
haute et
qui abrite une paroisse, justifie l'Evangile des Béatitudes.
La
beauté, un des attributs du divin comme l'unité
ou la
vérité, a choisi de s'établir
à demeure
dans ces paysages perdus qui gardent une souveraine innocence. Heureuse
les petites îles basses et sauvages, elles reposeront le
cœur des hommes. Haarlem a les tulipes, Grasse le jasmin,
Nice
les œillets, mais Bannec et Bannalec, Litiry et
Quéménès, ont les algues marines.
Nulle part
ailleurs qu'ici, sauf aux Glénans, les goémons ne
peuvent
atteindre à cette luxuriance, à cette
fraîcheur de
teintes. Les jours de grandes marées, le
dévoilement des
grèves et des platures par le jusant se déroule
dans une
atmosphère de festival, alors que du coffre des eaux vertes
surgit peu à peu dans sa masse et son étendue
l'extraordinaire tapisserie polychrome. Le Damas et le Kairouan des
fonds littoraux qu'une providence a dévolus à
tous ces
paradis naïfs.
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p. 240 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Henri
Queffélec, « Je te salue, vieil
océan », Paris : Plon, 1968 ;
Paris : Ed.
du Gerfaut, 2004
|
- Henri Queffélec,
« Aimer les îles
bretonnes »,
Rennes : Ouest-France, 1991
- Henri Queffélec,
« Bretagne des îles », Paris : Hachette, 1959
- Henri
Queffélec, « Ils étaient
six marins de
Groix … et la tempête »,
Paris :
Pocket (Pocket, 17511), 2019
- Henri
Queffélec, « Le
phare », Paris : Pocket (Pocket, 17918),
2020
- Henri
Queffélec, « Les
enfants de la mer », Paris, 1980
- Henri
Queffélec, « Les
îles de la Miséricorde »,
Paris, 1975
- HHenri
Queffélec, « Lettres à
Gérard Le Gouic
(1964-1991) »
éditées et annotées par Eric Auphan,
Brest : Centre
d'étude des correspondances et journaux intimes (Cahier,
13), 2018
- Henri Queffélec, « Romans
maritimes [contient] Un feu s'allume sur la mer, Le voilier qui perdit
la tête »,
Etrepilly : Christian de
Bartillat, 1993
- Henri Queffélec,
« Un Breton bien tranquille », Paris : Stock, 1978
- Henri Queffélec, « Un homme d'Ouessant »,
Paris,
Paris : Gallimard (Folio, 541), 1974
- Henri
Queffélec, « Un
recteur de l'île de Sein », Paris :
Bartillat, 2007
- Henri Queffélec, « Visages de l'île de
Sein, peintures de R.L. Dufour »,
[Langoiran], 1975
- Henri Queffélec et Peter Anson,
« Marins de
Bretagne »,
Saint Malo : L'Ancre de marine, 1994
|
- Pierre Dufief (dir.) et Eric Auphan,
« Henri
Queffélec écrivain humaniste »,
Rennes :
Presses universitaires de Rennes, 2001
- Eric
Auphan et Marie-Josette Le Han (éd.), « Henri
Queffélec, un Breton écrivain »
actes du Colloque du centenaire, Brest : Centre
d'étude des
correspondances et journaux intimes, Association des amis d'Henri
Queffélec, 2012
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mise-à-jour : 30
septembre 2020 |
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