L'avènement de la
littérature haïtienne / Maximilien Laroche. -
Port-au-Prince : Éd. Mémoire, 2001. -
170 p. ; 23 cm. - (Rupture).
ISBN 99935-34-19-5
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : L'avènement
de la littérature haïtienne …
ouvrage-bilan qui retrace les modes, formes, langues,
écritures d'une littérature. Interrogations,
ruptures et recoupements … montrent la
diversité et aussi la richesse de la littérature
haïtienne. L'auteur Maximilien Laroche nous dit :
“ Si l'on
considère le chemin parcouru entre la date de sa
première parution : 1987, l'année du
début du post-duvaliérisme et celle de cette
réédition : 2001, on
s'aperçoit que certains enjeux se sont
précisés. Il est bien moins question aujourd'hui
de savoir dans quelle langue écrire pour le lecteur
haïtien mais sur quoi et quand le faire dans l'une ou l'autre
langue. ”
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EXTRAIT |
[…]
Sur la nature de l'écrit, il s'est
peut-être installé dans les
sociétés occidentales un malentendu
qu'expliquerait l'évolution globale du monde. Quand on
entend parler de sous-développement de la lecture dans les
pays qui sont de gros producteurs de livres et où se
trouvent les sièges des multinationales de
l'édition et de la distribution cela semble un paradoxe. On
est porté à penser que le
sous-développement de la lecture, dans ces pays, est
rééquilibré par un
sous-développement de l'édition ailleurs.
Autrement dit, le malthusianisme imposé aux autres servirait
de contrepoids à la surfécondité des
uns. On lirait peut-être plus dans les pays
développés si on lisait davantage de livres
écrits dans les pays en développement.
Mais, il n'y a pas que le rapport à la
production. Il y a aussi l'évolution de l'image du livre et
de l'écrit dans les sociétés
occidentales qu'il faudrait comparer à celles que l'on peut
avoir dans le Tiers-Monde.
[…]
L'idée que l'on se fait de
l'écrit, dans une civilisation de tradition orale,
là où le livre est à venir, ne
correspond donc pas à celle qui a cours en Europe ou en
Amérique du Nord, pays où sans doute l'on a
dépassé le stade de l'accumulation du capital (en
livres), où il ne s'agit plus de stocker, de constituer des
bibliothèques, mais d'assurer plutôt
l'écoulement des stocks, autrement dit de liquider les
vieillards.
Dans des pays, ceux de la Caraïbe
créolophone par exemple, où
l'alphabétisation des masses se fait dans une
langue : l'haïtien, le martiniquais, le
guadeloupéen, le guyanais, le papiamento, le saramacan, que
l'on commence à peine à écrire, ceux
qui sont les premiers à écrire doivent, il me
semble, le faire avec le sentiment d'une responsabilité
accrue. Ils ont pour tâche en effet de fournir des
modèles, et pas seulement des contenus, à la fois
à la pensée et à l'expression de leurs
compatriotes. À moins de faire preuve
d'irresponsabilité, ils ne peuvent écrire qu'avec
le sentiment d'une commande et d'une urgence sociale puisqu'ils sont
chargés d'exploiter le réel sous sa double
facette et d'en rendre compte à des lecteurs qui attendent
leur rapport pour progresser dans la découverte de leur
univers aussi bien intérieur qu'extérieur.
C'est là, dira-t-on, le rôle
ou la fonction de l'écrivain partout. Je dirai alors que la
liberté, sinon même la distance, pour ne pas dire
le détachement ou l'indifférence que dans
certains pays, les écrivains croient possible et
même nécessaire d'avoir à
l'égard de cette fonction ne sont pas de mise dans ces pays
où le livre naît.
Si la littérature est le moyen
privilégié de construire la
réalité, une réalité
d'ailleurs qui ne saurait jamais être uniquement individuelle
ou personnelle, puisque pour cette construction l'écrivain a
besoin du lecteur, il n'y a pas de littérature sans lecteur,
l'écrivain des pays du livre à venir peut
dire : j'écris, vous m'achetez mais je ne me vends
pas. Car le texte littéraire ne peut pas être
simplement le lieu d'un négoce, mais l'espace d'une
négociation et de l'édification d'une
réalité commune et à venir.
Dans la Caraïbe, dans le Tiers Monde,
c'est la voie unique et royale, par laquelle la littérature
passera ou hors de laquelle elle ne sera tout simplement pas.
☐ L'avenir de la littérature ?
Des lecteurs à venir, pp. 168-170
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'avènement
de la littérature haïtienne »,
Sainte-Foy (Québec) : GRELCA, 1987
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- « Le
miracle et la métamorphose : essai sur les
littératures du Québec et
d'Haïti »,
Montréal : Éditions du Jour, 1970
- « L'image
comme écho : essai sur la littérature et
la culture
haïtiennes »,
Montréal : Nouvelle optique,
1978
- « La
littérature haïtienne :
identité, langue, réalité »,
Ottawa : Leméac
(Les Classiques de la francophonie), Bruxelles : Louis Musin,
1981 ; Port-au-Prince :
Éd. Mémoire, 2002
- « Idem de Villard
Denis » in [coll.], Littérature et
société en Haïti : Davertige,
Philoctète, Phelps, Montréal :
CIDIHCA, 1987 ; Port-au-Prince : Henri Deschamps, 1991
- « Le
patriarche, le marron et la dossa : essai sur les figures de
la
gémellité dans le roman
haïtien », Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA
(Essais, 4), 1988
- « Dialectique
de l'américanisation », Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA (Essais, 10), 1993
- « Bizango :
essai de mythologie haïtienne », Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA (Essais, 14), 1997
- « La double scène de la
représentation : oraliture et
littérature dans la Caraïbe »,
Port-au-Prince : Éd. Mémoire, 2000
- « Mythologie
haïtienne », Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA, 2002
- « Littérature
haïtienne comparée », Sainte-Foy (Québec) : GRELCA (Essais, 19), 2007
- « Prinsip
Marasa » texte en créole et en
français,
Sainte-Foy (Québec) : GRELCA (Essais, HS1), 2004
- « Se
nan chimen jennen yo fé lagé »
texte en
créole et en français, Sainte-Foy
(Québec) :
GRELCA (Essais, HS2), 2007
- « Nan
kalfou espastan, sa k ap pase ? » texte en
créole haïtien, Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA
(Essais, HS3), 2013
- « Le
poids des mots », Sainte-Foy
(Québec) : GRELCA (Essais, 20), 2013
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mise-à-jour : 16
août 2017 |
Maximilien
Laroche,
né en 1937 au
Cap-Haïtien, est mort le 16 juillet 2017
au Québec
— où il a enseigné pendant
plus de 40 ans. |
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