Les îles
fortunées / George Lamming ; traduit de l'anglais par
Colette Audry et Henriette Étienne. - Paris : Julliard,
1954. - 339 p. ; 19 cm. - (Les Lettres nouvelles,
6).
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NELLY
SAINT-CLAIR
: […]
Le premier des six romans de George
Lamming traite des différents aspects de
l'expérience coloniale. C'est le roman de l'enfance d'un
Antillais inquiet mais lucide qui se pose des questions sous un air
innocent. C'est parallèlement l'histoire d'un village qui
vit dans un système féodal sous la
dépendance économique et psychologique d'un
“ lord ” et qui, après
de violentes émeutes, bascule vers de grands changements
sous la pression d'un mouvement ouvrier qui s'affirme. Lamming
d'ailleurs fait de l'épisode de l'inondation le symbole
d'une tension croissante entre le
“ landlord ” et le village.
[…]
Ce roman révèle un certain mal-être qui
témoigne de l'aliénation de beaucoup
d'écrivains caribéens qui se croyaient
obligés de s'expatrier pour mieux se découvrir.
Mais le paradoxe chez le narrateur est qu'il a peur d'être
reconnu même dans son île. Sa seule
défense est de se retrancher dans son moi qui est
caché quelque part dans la “ forteresse
de (sa) peau ”.
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« 150 romans antillais
», Sainte-Rose (Guadeloupe) : ASCODELA, 2001 —
pp. 30-31
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C'est
Maurice Nadeau qui a fait éditer une traduction française
du premier roman de George Lamming. Initiative remarquable
(accompagnée d'une publication d'extraits dans deux
numéros consécutifs des Temps modernes), restée malheureusement sans suite pendant plus de trente ans.
In the castle of my skin
— titre de l'édition originale en anglais semble plus
conforme au projet de l'auteur que la version française : Les îles fortunées.
Les
lecteurs britanniques ont, paraît-il, été
déstabilisés par le texte de George Lamming qui respecte
la langue mais mine de l'intérieur les normes et conventions du
récit romanesque telles qu'elles étaient
généralement admises à l'époque. Cette
atteinte délibérée au confort de lecture peut-elle
être analysée comme un essai de créolisation
de la démarche littéraire ? Interrogé sur la
langue du poète barbadien Edward Kamau Brathwaite, Edouard
Glissant refusait de l'appeler créole, avant d'ajouter “ il s'agit de la géniale et agressive déformation d'une
langue, la langue anglaise, à l'intérieur de cette
langue, par des pratiquants suberversifs de cette langue ”
— Introduction à une poétique du divers, Gallimard, 1996 (p 20).. | The
tickets came this morning, and I shall be leaving by plane early on
Wednesday. Until the tickets came I thought there might be a chance of
staying except I lose the tickets. But I don’t want to stay. That
is not altogether right. It would be more accurate to say I want to go.
I have been wondering what the other place will be like. As far as I
know no one knows me there, so I can start with a clean record and try
to make an impression. If you aren’t native to a place you have
an excellent chance of becoming a gentleman in it. My mother has been
packing for almost a week. One would think she was leaving too. Tonight
I shall be cock in the yard at a farewell party, and two days later I
see them for the last time.
I
don’t remember anything except the singing. They shouted
“ for he’s a jolly good fellow ” which, of
course, I have never been. When I review these relationships they seem
so odd. I have always been here on this side and the other person there
on that side, and we have both tried to make the sides appear similar
in the needs, desires, and ambitions. But it wasn’t true. It was
never true. When I reach Trinidad where no one knows me I may be able
to strike identity with the other person. But it was never possible
here. I am always feeling terrified of being known; not because they
really know you, but simply because their claim to knowledge is a
concealed attempt to destroy you. That is what knowing means. As soon
as they know you they will kill you, and thank God that’s why
they can’t kill you. They can never know you. Sometimes I think
the same thing will be true in Trinidad. The likenesses will meet and
make merry, but they won’t know you. They won’t know the
you that’s hidden somewhere in the castle of your skin.
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In the castle of my skin |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « In the castle of my skin », London : Michael Joseph, 1953
- « Les îles fortunées » extraits, Les Temps modernes, 100, mars 1954 - 101, avril 1954
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- « Age et innocence » — Of age and innocence — trad. de l'anglais par Claire-Lise Charbonnier, Paris : Éd. Caribéennes (Voix anglophones des Caraïbes), 1986
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mise-à-jour : 15 juin 2022 |
Né à La Barbade en 1927, George Lamming est mort dans son île le 4 juin 2022. |
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