Passage de Vénus
/ Rowan Metcalfe ; trad. de l'anglais (Nouvelle-Zélande)
par Henri Theureau. - Papeete : Au Vent des îles,
2006. - 406 p. ; 21 cm. - (Littératures
du Pacifique).
ISBN 2-915654-02-6
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Le 25 octobre 1788, la Bounty
sous les ordres du capitaine Bligh arrive à Tahiti pour
y prélever des plants d'arbre à pain destinés
à être acclimatés aux Indes occidentales ;
le séjour dure cinq mois. Sur la route du retour, au large
des îles Tonga, une partie de l'équipage se mutine
à l'initiative de l'officier en second Fletcher Christian :
Bligh et dix-neuf de ses marins sont abandonnés sur une
chaloupe, et la Bounty se tourne à nouveau vers
les îles, Tubuai d'abord puis Tahiti au début du
mois de juin 1789. Le 23 septembre, la Bounty quitte
Tahiti pour un voyage sans retour ; elle atteindra Pitcairn le 15
janvier 1790 avec à son bord Fletcher Christian, huit marins
britanniques, six Polynésiens et douze
Polynésiennes … dont un bébé. En 1808,
le chasseur de phoques Topaz
fait escale à Pitcairn où il découvre une
petite communauté de femmes et d'enfants regroupés
autour d'Alexander Smith (qui se fait appeler John Adams), le
dernier survivant mâle de l'ultime croisière de
la Bounty ; ce n'est qu'en 1815 que les frégates
britanniques Briton et Tagus viennent officiellement
constater ce qu'il est advenu des mutins.
On a beaucoup écrit 1
sur cette aventure aux multiples et riches péripéties,
que ce soit pour en tenir a posteriori la chronique, pour pallier
les témoignages manquants ou défaillants, éclairer
les zones d'ombre, tenter d'expliquer, ou plus simplement
pour se saisir d'une histoire exceptionnelle qui se prête,
suivant les époques, au roman (Jules Verne 2)
comme au poème (Lord Byron 3).
Rowan Metcalfe (1955-2003) renouvelle
avec bonheur cette matière aussi abondamment traitée ;
descendante directe de Mautaua — une des vahine embarquées
sur la Bounty — et de Fletcher Christian, elle renverse
la perspective ayant présidé à la quasi-totalité
des récits antérieurs en adoptant le point de vue
des protagonistes polynésiens et, plus précisément
des femmes. L'aventure y prend un relief saisissant tandis que
sont mis en lumière les enjeux et les tensions qu'atténuait
ou brouillait la prééminence trop souvent —
et indûment — accordée aux seuls marins européens.
Ce faisant, Rowan Metcalfe propose une passionnante illustration
de la fascination et du risque inhérents au premier « contact »
entre deux groupes humains aussi distincts. 1. | En 1982, Glynn Christian (un
descendant de Fletcher Christian) note que la bibliographie consacrée
à la Bounty et à l'île de Pitcairn
compte plus de 2 500 références (« Fragile
paradise : the discovery of Fletcher Christian, Bounty mutineer »,
London : Hamish Hamilton, 1982) ; aujourd'hui, la National
Library of Australia dénombre 10 000 documents relatifs
à la seule île de Pitcairn. | 2. | Jules Verne, « Les
cinq cents millions de la Bégum [suivi de] Les Révoltés
de la Bounty », Paris : Hetzel, 1879 | 3. | George Gordon Byron, « The
island, or Christian and his comrades », London :
John Hunt, 1823 ; « L'île, ou Christian
et ses compagnons », in Œuvres de Lord Byron,
tome 8, Paris : Ladvocat, 1825 |
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EXTRAIT |
Oui, elle était apparue
comme une promesse de lendemain, silhouette dans les dernières
lueurs du couchant. Hiti a Reva Reva ! « Terre ! »
criait McCoy en haut du grand mât, et quelle impatience
à bord cette nuit-là, pas moyen de dormir. Le matin,
l'île a surgi de l'aurore, hérissée de rayons
de soleil comme une vision ; elle était si belle,
Hiti a Reva Reva, certaines d'entre nous se sont mises à
pleurer. Et nous étions toutes impatientes de descendre
à terre pour goûter sa douceur.
Bientôt nous nous sommes
allongées dans l'herbe et la brise sur ses sommets. À
remplir nos poumons de son air et de son parfum.
À travers les troncs et
les branches des bosquets nous avons aperçu la Bounty
en bas, qui dansait sur la houle au bout de son ancre. Titiriano
avait commandé à quelques hommes de rester à
bord pour commencer à décharger, mais les trois
Tahitiens étaient montés avec nous. Et maintenant
nous étions là à contempler notre nouvelle
demeure. Le fenua maita'i, la bonne terre.
C'est Manari'i qui a dit, comme
pour plaisanter : « Voilà une bonne occasion
de tuer les Blancs, quand ils grimperont la pente. »
« Ne sois pas stupide,
dit Teraura. Ils auront leurs mousquets prêts à
tirer, même en grimpant. Crois-tu vraiment qu'ils te font
confiance ? Tu devrais être en train de décortiquer
des cocos pour leur repas. » Elle était elle-même
déjà en train de plumer un poulet.
Ce soit-là, les hommes
ont mangé avec les hommes, selon notre coutume. Et nous
les femmes, on a mangé à part.
☐ pp. 336-337
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Transit of Venus »,
Wellington : Huia publishers, 2000 ; Canberra :
Pandanus books, 2004
- Bengt
Danielsson, « Que s'est-il vraiment passé sur le
Bounty ? », Papeete : Haere po, 2013
- Dominique Le Brun (éd.), « La vérité sur la Bounty : les mutins témoignent », Paris : Omnibus, 2015
- Donald A. Maxton, « The mutiny on H.M.S. Bounty : a
guide to nonfiction, fiction, poetry, films, articles, and
music », Jefferson (North Carolina) : McFarland, 2008
- Robert Merle, « L'île », Paris :
Gallimard (Folio, 583), 1994
- James Morrison, « Journal de James Morrison, second
maître à bord de la Bounty », Paris :
Société des Océanistes, 1966 ; Rennes :
Ed. Ouest-France (Bibliothèque de la mer E.M.O.M.), 2002
- Anne
Salmond, « Bligh : William Bligh in the South
seas », Berkeley : University of California press, 2011
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mise-à-jour : 17 juin 2015 |
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