Journal
de bord [Diary] du voyage du Beagle (1831-1836) / Charles
Darwin ;
trad. de l'anglais par Christiane Bernard et
Marie-Thérèse Blanchon ; coordination
par Michel
Prum ; sous la dir. de Patrick Tort ;
préface (Un
voilier nommé désir) de Patrick Tort avec la
collaboration de Claude Roquette. - Paris : Honoré
Champion, 2012. - 816 p. : ill., cartes ;
19 cm. -
(Classiques : essais).
ISBN
978-2-7453-2449-8
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| The
voyage of the Beagle
has been by far the most important event in my life and has determined
my whole career
(…)
I have always felt that I owe to the voyage the first real training or
education of my mind.
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Charles
Darwin, The autobiography |
Charles Darwin a vingt-deux
ans quand il embarque, comme naturaliste, à bord du Beagle.
L'expédition, sous les ordres du capitaine Robert FitzRoy,
devait renrichir et compléter l'étude des
côtes
orientale et occidentale de l'Amérique du Sud et,
au-delà, effectuer diverses observations autour du monde.
Parti
de Devonport (Plymouth) le 27 décembre 1831, le Beagle est
de retour à Falmouth le 2 octobre 1836, après
plus de
quatre ans et neuf mois dont une moitié environ
passés en
mer, l'autre moitié ayant été
consacrée aux
observations géographiques et naturalistes lors des escales
à terre. Les îles 1
tiennent une place remarquable dans ce programme
— par le
temps et l'attention qui leur sont accordés, par la vivacité des
impressions qu'y éprouve Darwin, par la qualité
des informations qu'il y recueille et par le rôle
déterminant que ces impressions et informations devaient au
fil
du temps exercer sur le cours de sa pensée et sur la
gestation
de son œuvre 2.Le Journal de bord (Diary) qui
paraît sous la direction de Patrick Tort est la
première
traduction française d'un document
édité en 1933
par Nora Barlow, petite-fille de Darwin. C'est un texte à
usage personnel destiné à alimenter la future
rédaction du Journal
de recherches qui sera officiellement
publié en 1839 (Voyages
of the Adventure and Beagle,
vol. III) ; il se compose de notations saisies au
jour le
jour, très souvent sous le coup d'une puissante
émotion,
ce qui n'exclut ni la perspicacité de l'observateur prompt
à relever l'essentiel, ni le recul du doute ; soit,
pour
reprendre les termes exacts de Darwin commentant l'œuvre de
son
prédécesseur Alexander von Humboldt,
« la
fusion rare de la poésie & de la
science » 3. Ces deux qualités
contribuent à l'intérêt autant qu'au
plaisir du lecteur.La
préface éclaire l'évolution de la
pensée de
Darwin, des premières observations menées
à bord
du Beagle
jusqu'à la publication de l'Origine des espèces
en 1859 4 ;
elle réfute l'idée simpliste selon laquelle
« toute la théorie darwinienne [se
serait]
constituée à bord du Beagle » 5,
mais souligne « les occasions de doute et les
ferments d'une
remise en cause ultérieure du
créationnisme » 6
et relève de fulgurantes intuitions, toujours
formulées
sur le mode interrogatif. Les années qui suivront le retour
en
Angleterre seront consacrées à l'examen
scientifique
rigoureux des données collectées et à
un long
effort pour se dégager de croyances religieuses auxquelles
il
souscrivait sans réserve quand il s'est embarqué
et qui,
par ailleurs, constituaient l'un des socles fondamentaux du milieu
social auquel il appartenait.Il faut
enfin rappeler que, tout
au long du voyage, Darwin ne s'est pas consacré à
la
seule observation des minéraux, des
végétaux et
des animaux. Les peuples rencontrés et leurs cultures n'ont
cessé de retenir son attention ; de ces incursions
dans le
domaine de l'anthropologie, on retiendra surtout la vigueur avec
laquelle il condamne, chaque fois que l'occasion s'en
présente,
l'esclavage et le racisme sous toutes leurs formes, et la
priorité qu'il accorde au rôle de
l'éducation dans une société
civilisée.
1. | En
particulier : L'archipel du Cap-Vert (Santiago ou St Jago dans
la
graphie de Darwin), la Terre de Feu, les Falklands, Chiloé,
les
Galápagos, Tahiti, la Nouvelle-Zélande, les
îles
Cocos (Keeling), Maurice, Sainte-Hélène,
Ascension. | 2. | Darwin indique dans son autobiographie avoir
ouvert le travail préparatoire en vue de la
rédaction de l'Origine
des Espèces en juillet 1837, soit moins d'un
an après le retour du Beagle
en Angleterre ; la première édition de
l'ouvrage paraîtra en 1859, vingt-deux ans plus tard. | 3. | 28 février [1832], p. 309. Darwin fait
référence à la traduction anglaise du Voyage aux régions
equinoxiales du Nouveau Continent qui lui avait
été remise avant son embarquement. | 4. | «
On the origin of species by means of natural selection, or the
preservation of favoured races in the struggle for
life »,
London : John Murray, 1859 | 5. | Préface,
p. 76 | 6. | Ibid., p. 79 |
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SOMMAIRE |
- Préface
de Patrick Tort avec la collaboration de Claude Roquette : Un voilier nommé
Désir
- Annexe 1
(P. Tort) : Équipage et passagers du H.M.S. Beagle au
départ de Devonport (Plymouth)
- Annexe 2
(P. Tort) : Chronologie abrégée du voyage
- Annexe 3
(P. Tort) : La bibliothèque du bord
- Préface
de Nora Barlow
- Dramatis personae
(N. Barlow)
- Bibliographie
(N. Barlow)
- Charles
Darwin : Journal de
bord du voyage du bâtiment de sa majesté le Beagle
[pp. 263-786]
- Notes (N.
Barlow)
- Index
- Liste des
illustrations
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EXTRAIT |
Lundi 16
janv. [1832]
(…)
Vue de la
mer, St Jago [São
Tiago. NdÉ]
est encore plus désolée que les alentours de
Santa Cruz.
Le feu volcanique des temps passés & la chaleur
torride du
soleil des Tropiques ont, en maints endroits, rendus le sol
stérile & impropre à la
végétation. Il
y a une succession de plateaux qui s'élèvent par
degrés, avec de-ci de-là quelques collines en
forme de
cône tronqué, & l'horizon est
borné par une
chaîne irrégulière de collines plus
hautes &
plus escarpées. La scène, vue à
travers
l'atmosphère particulière aux Tropiques,
présentait un grand intérêt, si du
moins quelqu'un
qui vient tout juste de débarquer & qui se
promène
pour la première fois dans un bosquet de cocotiers peut
mesurer
autre chose que son propre bonheur.
(…)
Avant de retourner
à notre navire, nous traversâmes la ville
&
arrivâmes à une vallée profonde.
Là je vis
pour la première fois la splendeur de la
végétation tropicale : Tamariniers,
Bananiers &
Palmiers s'épanouissaient à mes pieds. Mes
attentes
étaient fortes, car j'avais lu les descriptions de Humboldt,
& j'avais peur d'être
déçu : à quel
point une telle crainte est totalement vaine, nul ne peut le dire si ce
n'est celui qui a vécu ce que j'ai vécu
aujourd'hui. Ce
n'est pas seulement l'élégance de leurs formes ou
la
richesse singulière de leurs couleurs, ce sont les
innombrables
et confuses associations qui assaillent ensemble l'esprit &
produisent l'effet. Pour retourner sur le rivage, je marchai sur des
roches volcaniques, parmi les chants d'oiseaux inconnus, & je
voyais des insectes nouveaux qui voletaient autour de fleurs plus
nouvelles encore. J'ai vécu aujourd'hui une
journée
merveilleuse, c'est comme lorsque l'on rend la vue à un
aveugle,
il est confondu par ce qu'il voit & il ne peut le comprendre
exactement. Voilà ce que j'éprouve, &
puisse cela
durer.
☐
pp.
290-291 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Charles
Darwin's diary of the voyage of H.M.S. Beagle »
edited from
the MS by Nora Barlow, Cambridge : At the University press,
1933
|
- « Journal
de bord [Diary] du voyage du Beagle (1831-1836) »
éd.
sous la dir. de Patrick Tort, Genève : Slatkine
(Darwin : Œuvres complètes, 1), 2011
|
- Voyages of the Adventure and
Beagle, vol. III :
« Journal and remarks,
1832-1836 », London : Henry Colburn, 1839
- « Journal
of researches into the geology and natural history of the various
countries visited by H.M.S. Beagle, under the command of Captain
FitzRoy, R.N., from 1832 to 1836 », Charle Darwin,
London : Henry Colburn, 1839
- « Journal
of researches into the natural history and geology of the countries
visited during the voyage of H.M.S. Beagle round the world, under the
command of captain Fitz Roy, R.N. » (second
edition, corrected, with additions), London : John
Murray, 1845
|
- « Voyage
d'un naturaliste autour du monde fait à bord du navire le Beagle
de 1831 à 1836 » trad. de l'anglais par
M. Ed.
Barbier, Paris : C. Reinwald et Cie, 1875 ;
Paris : La
Découverte, 1992, 2003
|
- « The
autobiography of Charles Darwin 1809-1882, with original omissions
restored » edited with appendix and notes by his
grand-daughter Nora Barlow, London : Collins, 1958
- « L'autobiographie »
éd. par Nora Barlow, Paris : Seuil (Science ouverte),
2008 ; Paris : Points (S201), 2011
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d'autres
regards sur les îles Galápagos |
- Peter R. Grant and B. Rosemary
Grant, « 40
years of evolution : Darwin's finches on Daphne Major island »,
Princeton (New Jersey) : Princeton university press, 2014
- Christophe
Grenier, « Conservation
contre nature : les îles Galápagos »,
Paris : IRD Éditions (Latitudes 23), 2000
- Diane
de Margerie, « Isola,
retour des îles Galapagos »,
Paris : Pauvert, 2003
- Herman
Melville, « Les
îles enchantées »,
Paris : Éd. Mille et une nuits (Mille et une nuits,
148), 1997
- Herman
Melville, « Les îles
enchantées » suivies de L'archipel des
Galápagos de Charles Darwin,
Marseille : Le Mot et le reste, 2015
- Georges
Simenon, « Ceux
de la soif », Paris : Gallimard
(Folio policier, 100), 1999
- Kurt
Vonnegut, « Galapagos »,
Paris : Grasset (Les Cahiers rouges, 198), 1994
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mise-à-jour : 26
octobre 2017 |
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Coupe longitudinale du Beagle,
d'après un dessin de Philip Gidley King
(p. 277) |
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