4ème édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2002)
ouvrage en
compétition |
Le grand livre du
bagne : en Guyane et Nouvelle-Calédonie / Eric
Fougère. - Sainte Clotilde (La
Réunion) : Éd. Orphie, 2002. -
254 p. : ill. ; 24 cm. - (Le grand
livre).
ISBN 2-87763-150-8
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Le bagne est né des
galères. Il s'est fixé dans les ports. Il a
repris la mer. Il est allé replonger ses racines outre-mer.
De bout en bout, c'est une institution maritime. Une prison mouvante
entourée par le vide [...].
☐ p. 15
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Eric Fougère questionne
méthodiquement la réalité du bagne,
son histoire, les motivations qui président à sa
mise en œuvre, les règles qui l'assujettissent,
les routines de survie qui s'y instaurent. L'analyse est
fondée sur un ensemble de documents et de
témoignages éclairant sans complaisance une
« institution totale » pervertie
dans ses fondements : « Les camps
centraux de Guyane et de Nouvelle-Calédonie sont moins une
manière de synthèse entre bagne de terre et
pénitencier d'outre-mer qu'ils ne représentent la
forme hybride, en même temps logique et monstrueuse, de camps
de concentration dont les quartiers seraient autant de maisons
centrales » (p. 243).
Dans le cas particulier du bagne insulaire
(îles du Salut, Nouvelle-Calédonie), l'horreur
s'accroît graduellement (on est plus loin, plus
isolé, plus rigoureusement surveillé, les
conditions de survie sont plus précaires) ; mais,
surtout, l'enfer concentrationnaire se trouve implanté au
plus près du paradis — deux utopies
fondamentales semblent coexister, mais la pression de l'ordre social,
formel ou consenti, garantit le triomphe de l'utopie du
désespoir radical.
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TÉMOIGNAGES CITÉS PAR
L'AUTEUR
- CHARLES DELESCLUZES : “ Le
jour était sur son déclin lorsque nous
rangeâmes les îles du Salut : le soleil
inondait de ses derniers rayons le paysage enchanteur qui se
développait sous mes yeux, et, devant ce magnifique
spectacle, je ne pus me défendre d'un mouvement
d'admiration. Si peu rassurante que fût la perspective sous
laquelle je devais envisager la résidence qui
m'était imposée, si triste que fût la
légende dont les feuillets se rouvraient pour moi, j'oubliai
tout, préoccupations personnelles, souvenirs lamentables,
pour céder à des impressions opposées.
En effet, à contempler ces îlots jetés
comme autant d'oasis au milieu de l'Océan, et livrant
à la brise du soir une végétation
luxuriante, était-il possible de résister tout
d'abord au charme tout-puissant que respirent les beautés de
la nature ? Mais bientôt,
hélas ! le sentiment de la
réalité m'arracha aux premières
illusions de la surprise. […] A l'aspect de ces lieux
charmants, on se prend à songer que les esprits
fatigués ne sauraient demander un lieu plus propice au
repos, et voilà qu'après avoir
commencé par en faire un désert, la civilisation
en fait maintenant un bagne ! ”
— De Paris à Cayenne : journal
d'un transporté (Paris, 1869) ;
cité p. 60.
- FRANÇOIS ATTIBERT : “ Notre
traversée fut longue, ce ne fut qu'au bout de 49 jours que
du fond de la batterie nous entendîmes le canon de
l'île de l'Enfant Perdu qui saluait le drapeau de notre
prison. On ne tarda point à nous faire monter sur le pont et
nous pûmes apercevoir quelques points des lieux de terreur
auxquels nous étions destinés. […] Les
îles présentaient un coup d'œil
charmant. Nous en comptions trois principales. Nous voyions
à l'est une partie de l'île du Diable,
l'îlet de la Mère, l'îlet Royal, qui est
le plus proche du continent et l'îlet Saint-Joseph.
[…] Plus d'un d'entre mes malheureux amis, qui alors
répondit à ce sourire d'un climat inconnu, devait
quelques jours plus tard — dans des souffrances
inouïes — y exhaler le dernier
soupir. ” — Quatre
ans à Cayenne (Bruxelles, 1859) ;
cité p. 62.
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Soleils
amers, fragments insulaires »,
Nouméa : Éd. Grain de sable,
1995
- « Les voyages et
l'ancrage : représentation de l'espace insulaire
à l'âge classique et aux Lumières »,
Paris : L'Harmattan, 1995
- « Îles, autres
terres (carnets de route) »,
Nouméa : Éd. Grain de sable,
1997
- « La peine en littérature et
la prison dans son histoire : solitude et servitude »,
Paris : L'Harmattan, 2001
- « Île-prison, bagne et
déportation », Paris :
L'Harmattan, 2002
- « Escales en
littérature insulaire, Îles et balises »,
Paris : L'Harmattan, 2004
- « Le
malheur insulaire : une géographie de la
peine », in Îles funestes,
îles bienheureuses, textes
réunis et présentés par Gaële
de La Brosse,
Paris : Transboréal (Chemins d'étoiles, 12), 2004
- « Insularité
politique et politique insulaire : le cas des voyages
imaginaires et des utopies », in L'insularité,
études rassemblées par Mustapha Trabelsi,
Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal, 2005
- « Des indésirables
à la Désirade »,
Matoury (Guyane) : Ibis rouge (Espace outre-mer), 2008
- « La
prison coloniale en Guadeloupe (îlet à Cabrit,
1852-1905) », Matoury (Guyane) : Ibis rouge
(Espace
outre-mer),
2010
- « La
littérature au gré du monde : espace et
réalité de Cervantes à Camus »,
Paris : Classiques Garnier (Géographies du monde, 17), 2011
- Eric
Fougère (éd.),
« Île, état du
lieu », Paris :
Téraèdre (Cultures &
sociétés, 40), 2016
- « Les îles malades : léproseries et lazarets de
Nouvelle-Calédonie et Guadeloupe », Paris : Classiques Garnier, 2018
- « L'île des sables », Bordeaux : L'Ire des marges (Majuscules, 46), 2019
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mise-à-jour : 6 juillet 2020 |
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