Jean-Michel Racault

Robinson & compagnie : aspects de l'insularité politique de Thomas More à Michel Tournier

Pétra - Des îles

Paris, 2010
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utopies insulaires
îles désertes
Robinson & compagnie : aspects de l'insularité politique de Thomas More à Michel Tournier / Jean-Michel Racault. - Paris : Pétra, 2010. - 372 p. ; 22 cm. - (Des îles).
ISBN  978-2-84743-033-2
De L'Utopie de Thomas More (1516) à Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier (1967), Jean-Michel Racault étudie et questionne plusieurs grandes œuvres de la littérature occidentale où la figure de l'île tient une place centrale. Entre les deux axes principaux qui se dessinent dans cet ensemble — l'un tendant vers l'utopie, l'autre vers la robinsonnade —, l'auteur relève et met en lumière d'évidentes convergences : « l'écart s'estompe (…) si l'on met en parallèle le naufragé solitaire, occupé à reconstruire au sein de l'état de nature un substitut acceptable de la civilisation de son monde antérieur, et celui qui est véritablement son homologue fonctionnel, le héros fondateur et législateur de la société utopique » (Avant-propos, p. 11).

L'île, dans l'un et l'autre genre littéraire, est toujours présentée et mise en scène en référence au continent ; le récit est alors celui d'un périple en trois temps — départ, séjour insulaire, retour au point de départ — chaque temps s'agrémentant de circonstances complémentaires non moins signifiantes — motivations du départ (marquées par la culpabilité dans le Robinson Crusoé de Daniel Defoe), circonstances préludant au séjour insulaire (naufrage le plus souvent), enrichissement d'expérience et transmission d'un enseignement au retour (plus nettement marqué dans le cas des textes explicitement utopisants). Ce rapport dialectique entre l'île et le continent est encore rehaussé par le parallélisme entre le cours des événements sur le continent durant l'absence des protagonistes et les péripéties vécues ou observées par ces derniers durant la parenthèse de leur séjour insulaire : « on peut voir (…) dans l'aventure insulaire du ou des naufragés une représentation symbolique d'un processus historique de grande ampleur se déroulant au même moment, à une tout autre échelle, au sein de l'espace continental » (Avant-propos, p. 18). La relecture proposée de L'Utopie de Thomas More, du Robinson Crusoe de Defoe ou encore de L'île mystérieuse de Jules Verne confirme la proposition et en précise la portée.

Au cœur de la fable insulaire, l'intrigue qui se noue est donc politique. Mais dans le traitement qu'en proposent l'utopie et la robinsonnade, l'approche est renouvelée, voire rafraîchie, par un écart ironique et critique plutôt que militant. La confrontation de textes écrits au fil d'un demi-millénaire montre la constante actualité d'un questionnement du pouvoir et de la société, autant que l'efficacité du dépaysement insulaire pour porter ce questionnement à son plus haut degré d'intensité : « Même déserte l'île classique est un espace politique, site d'expérimentation imaginaire des types de gouvernement, ou lieu de restauration du pouvoir légitime, ou territoire d'une collectivité future à édifier » (p. 365).

Un ultime mérite de ce panorama critique est de souligner la densité et la richesse polysémique des œuvres concernées — et le risque encouru par qui serait tenté de les prendre trop rapidement au pied de la lettre (cf. le dernier chapitre consacré à la critique de Robinson Crusoé par Michel Tournier).
SOMMAIRE
(résumé)
Avant-propos

PREMIÈRE PARTIE
La possibilité d'une île. De quelques expériences imaginaires entre Renaissance et Lumières (XVIe-XVIIIe siècles)

  1. L'île de Thomas More ou l'invention d'un modèle
  2. Insularité et continentalité chez More. Langues, espaces et histoires dans L'Utopie
  3. Insularité, théâtralité et pouvoir dans La Tempête de Shakespeare
  4. Le dedans et le dehors, ou l'espace insulaire dans l'utopie narrative classique
  5. Aux origines de l'utopie pénitentiaire. Le Président De Brosses et les Terres Australes
  6. Cosmopolitisme des îles selon Bernardin de Saint-Pierre. De l'histoire de la Terre à l'union du genre humain
SECONDE PARTIE
Images à Crusoé. Ecriture et réécriture d'un mythe insulaire (XVIIIe-XXe siècles)
  1. La scène de l'origine
  2. Petite herméneutique insulaire. Récit littéral et récit allégorique dans Robinson Crusoé
  3. Politique de Robinson. Fiction de l'île déserte et philosophie du droit
  4. L'héritage de Crusoé. Bonheur et solitude de Defoe à Bernardin de Saint-Pierre
  5. Robinsonnade, utopie et Histoire. Le volcan dans l'île de Fenimore Cooper à Jules Verne
  6. L'île mystérieuse ou les avatars du territoire insulaire
  7. Le détournement d'un mythe littéraire. L'Ecole des Robinsons ou l'épreuve de la parodie
  8. Vendredi réécrit. Idéologie, intertextualité et interculturalité de Defoe à Tournier
Notes sur les textes
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, « Voyage à l'île de France » texte augmenté d'inédits avec notes et index par Robert Chaudenson, Rose Hill : Ed. de l'océan Indien, 1986
  • Feminore Cooper, « Le cratère, ou le Robinson américain » présentation de Michel Butor, trad. par Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret, Genève : Slatkine, 1980
  • Daniel Defoe, « Vie et aventures de Robinson Crusoe » traduit de l'anglais par Pétrus Borel, précédé de Les compagnons de Robinson, par Michel Butor, Paris : P.O.L (La Collection), 1993
  • Thomas More, « L'utopie » facsimile de l'éd. de 1518 éd. et trad. par André Prévost, Paris : Mame, 1978
  • William Shakespeare, « La Tempête » trad. de Pierre Leyris, Paris : Le Club français du livre, 1968
  • William Shakespeare, « La Tempête » trad. de François-Victor Hugo, Paris : RBA France, Le Monde, 2015

mise-à-jour : 4 mai 2015

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