L'homme
aux yeux à facettes / Wu Ming-yi ; traduit
du chinois
(Taïwan) par Gwennaël Gaffric. - Paris :
Stock, 2014. -
355 p. ; 20 cm. - (La Cosmopolite).
ISBN
978-2-234-07472-9
|
Ecrivain
connu pour son engagement écologique, Wu Ming-yi croise les
destins de deux îles confrontées à des
forces qui
les dépassent — Wayo-Wayo et Taïwan.
Wayo-Wayo
dérive sur un océan immémorial
et semble vivre dans une rude harmonie avec son environnement. Pour
prix de cet équilibre fragile, seuls les
aînés des
garçons peuvent rester sur l'île tandis que les
cadets
doivent prendre la mer sans espoir de retour.
A
Taïwan, gagnée par la modernité,
les habitants prennent conscience chaque jour un peu plus de leur
vulnérabilité face à une nature qu'ils
n'ont pas
songé à ménager : les
montagnes du cœur
de l'île sont forées pour en extraire les
richesses ou
pour créer de nouveaux axes de circulation, quant au
littoral il
est exploité et défiguré sans mesure.
Wayo-Wayo
et Taïwan jouent leur existence face aux assauts de
l'océan
— une fable ancrée dans le mythe autant
que dans le
monde contemporain, et dont la portée s'accroît au
lendemain de la catastrophe de Fukushima en 2011 (soit la
même
année que la parution de l'édition originale du
roman).
→ Lettres
de Taïwan : Traduire Wu Ming-yi,
entretien avec Gwennaël Gaffric (13 nov. 2013) [en
ligne]
|
EXTRAIT |
Cet été restera longtemps
gravé dans la
mémoire des habitants de Taïwan. Tout a
commencé au
point du jour quand la grêle a commencé
à tomber
sur la petite bourgade côtière de H. À
cette
heure-là, la plupart des habitants viennent juste
d'émerger de leurs rêves, partent travailler ou se
tiennent debout à leurs fenêtres et regardent,
perplexes,
un monde qui semble avoir rétréci. Dans la
lumière
des réverbères, les grêlons frappent le
littoral
comme des mini-astéroïdes bleu argent.
Malgré le
vacarme inouï qu'ils font en s'abattant sur les toits de
tôle, l'asphalte des routes, les perrons, les lampadaires et
les
voitures stationnées, la scène qui se grave dans
les
mémoires semble sortie d'un film muet.
(…)
La
tempête de grêle s'arrête aussi
brusquement qu'elle a
commencé, mais, à cause d'elle, tous ont
manqué
l'instant où le vortex de déchets,
emporté par des
vagues géantes, est venu percuter le littoral. C'est aussi
à cause d'elle que les journalistes ont quitté la
plage
pour se réfugier plus haut sur la route. Peu
après
qu'elle a cessé de tomber, le ciel se fait soudain
capricieux,
des nuages gris plomb et violacé s'amassent
jusqu'à
former un seul nuage monumental, digne de figurer dans un
récit
mythique ou un poème sinistre. En se remémorant
l'épisode, de nombreux aborigènes des villages
côtiers raconteront que jamais ils n'avaient vu un tel nuage,
un
nuage plus impressionnant encore que ciel vibrant à
l'approche
d'un typhon. Tandis que la foule de caméras enregistre ce
spectacle incroyable, une gigantesque vague roule droit vers le rivage,
dans la faible lueur de l'aube. Certains expliquent qu'ils ont tout
oublié du vacarme produit par la grêle, parce
qu'il n'est
rien en comparaison de la déflagration annoncée
par la
vague. Cette vague porte la voix du ciel et de la terre, elle semble
contenir tous les sons accumulés depuis le début
des
temps … Au moment où les gens
comprennent que le
bruit provient de la mer, la vague est déjà sur
eux.
☐ pp. 158-159 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Les
lignes de navigation du sommeil », Paris :
You Feng, 2013
- « Le
magicien sur la passerelle », Paris :
L'Asiathèque, 2017
|
Taiwan sur le site des
littératures insulaires
En l'absence d'une sélection suffisamment
développée, la liste qui suit regroupe des
références dispersées sur l'ensemble
du
site ; y figurent des ouvrages de fiction, des
récits de
voyage, des essais et études. |
- Elliot Ackerman and James Stavridis, « 2034 : a novel of the next world war », New York : Penguin press, 2021
- Véronique
Arnaud, « Ancêtres extraordinaires,
phénomènes et rites (Botel Tobago,
Taiwan) »
in Imagi-Mer :
créations fantastiques, créations mythiques,
éd. par Aliette Geistdoerfer, Jacques Ivanoff et Isabelle
Leblic, Paris : CETMA, 2002
- Maurice Auguste Beniowski, « Mémoires et
voyages », Paris :
Phébus, 2010
- Melissa J. Brown, « Is Taiwan
Chinese ? The impact of culture, power, and migration on
changing identities », Berkeley :
University of California press, 2004
- Jean-Pierre Cabestan, « Le système
politique de Taïwan : la politique en
République de Chine aujourd'hui »,
Paris : Presses universitaires de France, 1999
- Christine Chaigne, Catherine Paix et Chantal Zheng
(éd.), « Taïwan :
enquête sur une identité »
Paris : Karthala, 2000
- Gwennaël
Gaffric (éd. et trad.),
« Taipei : histoires au
coin de la rue », Paris :
L'Asiathèque, 2017
- Hwang Sok-yong, « Shim Chong, fille vendue »,
Paris : Zulma, 2009
- Gilles Laurendon, « Les buveurs d'infini »,
Paris : Belfond, 2003
- Qiu Miaojin, « Les carnets du crocodile », Paris : Noir sur blanc, 2021
- Syaman
Rapongan, « Les yeux de l'océan — Mata nu
Wawa », Paris : L'Asiathèque, 2022
- Shih Shu-Ching, « Elle s'appelle Papillon »,
Paris : L'Herne, 2004
- Scott Simon, « Sadyaq Balae ! L'autochtonie
formosane dans tous ses états »,
Québec : Presses de l'université Laval,
2012
- Guo Songfen, « Récit de lune »,
Paris : Zulma, 2007
- Wang Wenxing, « La fête de la
déesse Matsu »,
Cadeilhan : Zulma, 2004
|
|
|
mise-à-jour : 10 octobre 2022 |
|
|
|