Shim
Chong, fille vendue / Hwang Sŏk-yŏng ; traduit du
coréen
par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet. - Paris :
Zulma, 2009.
- 557 p. ; 19 cm.
ISBN
978-2-84304-499-1
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Hwang
Sok-yong est aujourd'hui sans conteste le meilleur ambassadeur de la
littérature asiatique.
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Oe
Kenzaburo |
Hwang Sŏk-yŏng s'est
inspiré
d'une légende de son pays, la Corée, pour tisser
la trame
d'un roman qui dénonce la prostitution qui fleurissait en
Asie
du sud-est à la fin du XIXe
siècle et dont s'accomodaient fort bien les
représentants de l'Occident, marins ou
commerçants.
Très jeune, Sim Chong est arrachée au
petit village
coréen où elle a grandi. Plusieurs fois vendue,
elle se
retrouve successivement concubine d'un riche négociant
chinois,
employée dans une maison close à Nankin puis
à
Formose, maîtresse d'un agent de la Compagnie anglaise des
Indes
à Singapour. Après avoir ouvert sa propre maison
sur
l'île d'Okinawa (royaume du Ryūkyū),
elle épouse un prince de l'archipel avant un nouveau
départ vers le Japon cette fois. Une dernière
escale lui
permettra de revenir en Corée pour y mourir.
En toile de fond, se déroulent les
manœuvres des
impérialismes locaux et internationaux : l'Angleterre usant
de
la force pour écouler en Chine l'opium de son empire, les
Etats-Unis forçant avec l'escadre de bateaux noirs du
commodore Perry l'ouverture commerciale du Japon, le Japon sortant de
la féodalité et prenant le contrôle de
l'archipel
du Ryūkyū. ❙ | “ Né
en 1943 en Mandchourie, où sa famille s’était
réfugiée pour fuir les Japonais, Hwang Sŏk-yŏng
se retrouve quelques années plus tard à Pyongyang, la
cité rouge repeinte aux couleurs soviétiques, puis
à Séoul, où il est surpris par la guerre de
Corée. Avant de partir combattre au Vietnam, de rentrer au pays,
et de se lancer dans d’autres luttes, au nom de la
démocratie. De 1993 à 1998, il est expédié
en prison pour avoir osé se rendre à Pyongyang, afin de
soutenir les artistes du Nord. Lorsque j’étais en détention, raconte-t-il, on
n’avait pas le droit d’avoir un stylo bille. On m’a
mis au cachot pendant deux mois pour avoir gardé
secrètement un stylo. Je me suis battu énergiquement.
J’ai fait dix-huit fois la grève de la faim. Certaines ont
duré jusqu’à vingt jours. Hwang Sŏk-yŏng
est un écrivain du défi. Un idéaliste dans un
monde privé d’idéal. ” —
André Clavel |
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EXTRAIT |
C'est à bord d'une barque que Dame Wenji et Chong
gagnèrent le bâtiment, bien plus imposant qu'une
jonque.
Sur la proue était peint un dragon, gueule grande ouverte.
Sur
la poupe figurait l'inscription « Bon vent, bonne
traversée ». Tout cela semblait assez
familier
à Chong, laquelle se souvenait de l'arrachement à
son
pays natal.
Les membres de l'équipage
avaient des pantalons et des vestes jaunes. Le capitaine et les
marchands portaient, eux, un haori de drap,
ou un nagagi,
sorte
de manteau léger à amples manches. Marchands et
passagers
prirent place dans les cabines. De jour, tout le monde restait sur le
pont supérieur pour regarder les archipels et respirer l'air
du
grand large.
Au bout d'une journée et d'une
nuit, des îles apparurent sur l'horizon. Elles appartenaient
au
royaume du Ryūkyū : Yæyama et Amami d'abord, puis
Iriomote,
Haterma, Ishigaki. La mer était tantôt verte,
tantôt
rougeoyante au-dessus des récifs coralliens, et parfois
écumeuse sur de vastes étendues. Des heures
durant, on ne
vit plus de terres. Puis surgit une petite île
hérissée de rochers saillants. Dame Wenji croisa
les
mains sur sa poitrine :
— Là-bas, c'est Tarama. Quand
je partais avec
mon père dans son bateau de pêche, je voyais cette
île du côté du soleil couchant. J'ai
l'impression
d'entendre encore sa voix …
Des
îles minuscules apparaissaient et disparaissaient sur
l'horizon.
En approchant de son pays natal, Dame Wenji redevenait Fumiko.
Exaltée, elle disait :
— À partir d'ici, c'est mon
pays natal !
« Lenhwa », maintenant,
ça se prononce
« Lenka » !
— Comme vous voulez, moi je veux
bien …
Les îles Miyako dont Fumiko était
originaire se
situaient au centre du vaste archipel du Ryūkyū. À l'autre
extrémité du chapelet d'îles se
trouvait la
capitale du royaume, Naha, avec son château de Shuri. Le
bateau
fit une brève escale à Miyako. Quelques passagers
montèrent ou descendirent tandis qu'une partie de la
cargaison
était déchargée. Depuis le pont,
Fumiko montrait
le port :
— Lenka, regarde :
là-bas, c'est le marché où mes parents
vendaient
leur poisson !
On appareilla avant le soir.
Deux jours plus tard, le bateau abordait à Naha. Le soleil
se
couchait, colorant de sa pourpre les voiles, les vêtements
des
gens, même leur visage. Les bateaux rentraient dans la rade
en
forme d'arc. Le cargo vira de bord, de petites barques
effilées
avec des têtes de dragons à la proue s'en
approchèrent. Une baie profonde et resserrée
comme une
rivière s'ouvrait devant le navire. Dans les rues
animées
du port, des lampes s'allumaient avec la tombée de la nuit.
Sur
les hauteurs, on apercevait un château aux toits rouges.
— Le château de Shuri, dit
Fumiko. C'est là que le roi réside.
Chong ouvrait des yeux étonnés. Dans la
pénombre envahissante, le bois, la colline, la ville de
Naha,
lui parurent d'une grande beauté. À rebours des
autres
villes où elle avait dû se rendre, elle eut
l'impression
d'être la bienvenue, comme si elle revenait dans son pays
natal.
Nulle inquiétude n'effleurait plus son cœur. Elle
regardait la fumée s'élever des toits, l'heure
était venue de préparer le dîner.
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pp. 394-396 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Shim
Chong, fille vendue », Paris : Points (Points, P2715),
2011
- « Shim
Chong, fille vendue », Paris : Zulma (Z/a),
2018
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- « L'étoile
du chien qui attend son repas », Paris :
Serge Safran, 2016 ; Paris : Points (Points, 4928), 2019
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mise-à-jour : 1er
mars 2021 |
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