Les yeux de l'océan
— Mata nu Wawa / Syaman Rapongan ; traduit du chinois
(Taïwan) par Damien Ligot ; préface de Gwennaël
Gaffric ; photographies de Véronique Arnaud. - Paris :
L'Asiathèque, 2022. - 358 p.-[12] p. de pl. :
ill., carte ; 18 cm. ISBN 978-2-36057-304-2
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NOTE DE L'ÉDITEUR :
Une frontière inconnue, emplie du bruit et de la mémoire
des vagues, où souffle le vent d'humilité et de droiture
des premiers temps : voilà la genèse de ce livre
émouvant sur la relation d'amour intime que les Tao, peuple de
l'océan, entretiennent avec ce dernier.Syaman Rapongan
est lui-même un Tao et qui plus est, il excelle à
dégager le caractère intrinsèque de ce peuple de
l'océan, de ces enfants de la petite île des Orchidées. Ses écrits
sont remplis de vie, qu'il décrive les anciens toujours heureux
de raconter leurs innombrables aventures en mer, les jeunes et leurs
attentes infinies à l'égard de l'océan ou encore
les adultes et leur relation à jamais intime avec la vaste
étendue d'eau. Syaman Rapongan le dit lui-même :
“ L'océan est mon église, il est aussi ma
salle de classe et l'inspirateur de mes écrits. Quant aux
êtres qui peuplent l'océan, ils resteront à jamais
mes mentor ”.L'auteur a opté pour une
écriture délibérément intimiste pour nous
donner accès à l'héritage et aux pratiques de la
culture Tao, et montrer l'interdépendance et le respect qui relient ce peuple à l'océan qui
l'entoure, nous faisant à notre tour pénétrer dans
ce magnifique, mystérieux et immense domaine
azuré. ❙ | Né
en 1957, Syaman Rapongan (chinois 夏曼·藍波安, pinyin
Xiàmàn Lánbōān) est issu de l'ethnie tao qui vit
sur l'île des Orchidées
(Lanyu, pongso no Tao) — au large du sud de Taïwan. Non sans
difficulté, il parvient à faire des études, au
département de français de l'université Yamkang
puis à l'Institut d'anthropologie de l'université
Tsing-hua. Après avoir couru le monde, curieux de
découvrir d'autres peuples et d'autres cultures, il rentre dans
son île pour se consacrer à ce qu'il appelle la
“ littéature de l'océan ”, ayant
compris que sa vocation était de témoigner de la richesse
des coutumes des siens. |
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GWENNAËL GAFFRIC : […]
Au-delà du reportage ethnographique, un livre comme Mata nu Wawa
vaut également pour sa signification politique et
poétique. La question de la subjectivité à travers
le regard est ainsi au centre
du roman, et lui donne son titre. Cet élément est souvent
central dans les littératures dites
“ postcoloniales ”, où le regard est
utilisé comme symbole de la relation établie entre
puissances colonisatrices et peuples colonisés. Le fait de
placer le colonisé dans la position de celui qui est
regardé et non de celui qui regarde revient à
établir une relation de sujet à objet, […].
Dans
ce récit à forte couleur autobiographique, c'est
incontestablement à travers les yeux d'un colonisé (ou du
moins d'un individu dont le peuple a été marqué
par plusieurs strates de colonisation) que nous observons
l'évolution de la société taïwanaise dans les
années 1970 et 1980, période ô combien
charnière dans l'histoire de l'archipel. C'est à travers
le regard du narrateur que l'on voit se projeter rêves,
désirs, colères, hésitations et
incertitudes … Ce n'est ni un regard de touriste ni un
regard d'ethnologue — approches qui ont longtemps
déterminé la façon de percevoir l'île natale
de l'auteur dans l'imaginaire taïwanais — mais le
récit d'une expérience individuelle qui prend toute sa
signification dans l'histoire collective des insulaires de pongso no
Tao.
[…]
☐ Préface, pp. 18-19 |
EXTRAIT |
[…]
ce dont il était convaincu, c'est que tant qu'il y aurait des
îles sur cette planète les humains fabriqueraient leurs
propres embarcations pour voguer sur l'océan, et qu'ils
continueraient à nommer les poissons, chacun dans sa propre
langue. En vérité mon nom de naissance est Si Cigewat,
mais le nom qui m'a été attribué par le
gouvernement taïwanais est Shi Nu-lai […] Ces gens venus
d'un ailleurs qu'on nous demandait d'appeler “ la
nation ” avaient changé le nom originel qui
désignait notre peuple, ils avaient aussi changé nos noms
propres, et la seule fête qui devait désormais compter
pour nous était la “ fête
nationale ”. Ils avaient également changé
l'appellation de notre terre, la désignant comme
“ réserve aborigène ”. Quand une
nation s'intéresse à une terre, c'est pour se
l'approprier. Cette nation avait aussi changé notre avenir. Mais
il m'était difficile de prédire à quoi cet avenir
ressemblerait.
☐ Disparaître deux fois du monde des humains, p. 119 |
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→ Gwennaël Gaffric, “ Parution du roman Les yeux de l'océan ”, 24 août 2022 [en ligne]→ Joëlle Garrus, “ The Eyes of the Ocean by Syaman Rapongan, social chronicle of Taiwan in the 1970s ”, Asialyst, 05th October 2022 [en ligne] |
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « 大海之眼 » — Mata nu Wawa, Taipei : Ink publishing Co., 2018
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- Syaman Rapongan, « La
mémoire des vagues » trad. du chinois (Taïwan)
par Marie-Paule Chamayou, Lyon : Tigre de papier, 2011
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Taiwan sur le site des
littératures insulaires
En l'absence d'une sélection suffisamment
développée, la liste qui suit regroupe des
références dispersées sur l'ensemble
du
site ;
y figurent des ouvrages de fiction, des récits de
voyage, des essais et études. |
- Véronique
Arnaud, « Ancêtres extraordinaires,
phénomènes et rites (Botel Tobago,
Taiwan) »
in Imagi-Mer :
créations fantastiques, créations mythiques,
éd. par Aliette Geistdoerfer, Jacques Ivanoff et Isabelle
Leblic, Paris : CETMA, 2002
- Maurice Auguste Beniowski, « Mémoires
et voyages », Paris :
Phébus, 2010
- Melissa J. Brown, « Is
Taiwan Chinese ? The impact of culture, power, and migration
on changing identities »,
Berkeley : University of California press, 2004
- Jean-Pierre Cabestan, « Le
système politique de Taïwan : la politique
en République de Chine aujourd'hui »,
Paris : Presses universitaires de France, 1999
- Christine Chaigne, Catherine Paix et Chantal Zheng
(éd.), « Taïwan :
enquête sur une identité »
Paris : Karthala, 2000
- Gwennaël
Gaffric (éd. et trad.),
« Taipei : histoires au
coin de la rue », Paris :
L'Asiathèque, 2017
- Hwang Sok-yong, « Shim
Chong, fille vendue », Paris :
Zulma, 2009
- Gilles Laurendon, « Les
buveurs d'infini », Paris :
Belfond, 2003
- Qiu Miaojin, « Les carnets du crocodile », Paris : Noir sur blanc, 2021
- Shih Shu-Ching, « Elle
s'appelle Papillon », Paris :
L'Herne, 2004
- Scott Simon, « Sadyaq
Balae ! L'autochtonie formosane dans tous ses états »,
Québec : Presses de l'université Laval,
2012
- Guo Songfen, « Récit
de lune », Paris : Zulma, 2007
- Wang Wenxing, « La
fête de la déesse Matsu »,
Cadeilhan : Zulma, 2004
- Wu Ming-yi,
« L'homme aux yeux à
facettes », Paris : Stock (La Cosmopolite),
2014
- Wu Ming-yi, « Le magicien sur la passerelle
», Paris : L'Asiathèque, 2017
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mise-à-jour : 10 octobre 2022 |
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