Jean-Jo Scemla

Les Cahiers Morillot, ou la vie très exotique du boucher Poncelet

L'Harmattan

Paris, 1999

bibliothèque insulaire

 
peintres des îles

parutions 1999

Les cahiers Morillot, ou la vie très exotique du boucher Poncelet / Jean-Jo Scemla ; préface de Gilles Manceron. - Paris : L'Harmattan, 1996. - 174 p. ; 22 cm. - (Mondes océaniens).
ISBN 2-7384-8396-8
Jean-Jo Scemla a présidé le jury du 6e Prix du Livre Insulaire (Ouessant, 19-22 août 2004)

Ouvrir ce livre, c'est ajouter un étage à un riche édifice. Précédant le lecteur, l'auteur, Jean-Jo Scemla, scrute l'étrange passion de Fernand Poncelet, lui-même dévoué toute sa vie à une analyse opiniâtre de la vie et de l'œuvre d'Octave Morillot, officier de marine en rupture de ban devenu peintre pour mieux interroger le mystère du monde des îles d'Océanie.

Comme le note Jean-Jo Scemla, Morillot privilégie dans sa peinture la recherche du détail seul capable de recréer l'intensité de sa vision ; Poncelet au contraire tente une approche presque encyclopédique, ne négligeant aucune piste pour cerner l'objet de sa quête. Jean-Jo Scemla enfin tend vers la synthèse, élaguant dans la profusion des sources collectées par Poncelet pour mieux souligner les lignes de force d'un étonnant parcours.

En marge de cette aventure, et selon leurs inclinations, les lecteurs pourront encore découvrir, une curieuse galerie de portraits (Victor Segalen, Jean Dorsenne, Claude Farrère, Titaÿna, l'amiral Decoux, le R.P. Patrick O'Reilly, Léonce Jore, …), les clivages du monde des océanistes entre les deux guerres, les arcanes de la bibliophilie, une réflexion sur les mérites du voyage immobile ou, au contraire, une invite à gagner les antipodes … Tous pourront ajouter une strate au long parcours qui, du lagon de Raiatea, conduit à ce livre heureusement déroutant et inclassable.

EXTRAIT

Comme si l'évidence du monde l'avait frappé de sa netteté, le jeune Morillot pensa que celle-ci passait par l'indissociabilité de ses éléments, le respect de la proportion et des relations. Si l'exote segalénien sait qu'il ne peut jamais rien assimiler — et s'en réjouit — il n'en cherche pas moins l'exactitude. Morillot resta longtemps fidèle à cette démarche de ses débuts, née alors qu'il ne savait pas encore peindre et voulait capter toute la présence. Son esthétique provenait de sa pure intention initiale : tout apprendre de Tahiti et, puisqu'il était désormais seul et sans maître, loin de toute influence, se mettre aussitôt à son école. Pour recréer Tahiti, pour « faire œuvre profonde, a-t-il écrit, il faut l'avoir longuement, minutieusement démonté, approfondi et surtout aimé ».

Sauvage donc, Morillot en méritait bien le titre comme Gauguin, « l'oviri », à la suite de ce travail d'effacement personnel devant la profusion insulaire. C'était là le premier précepte à l'exote de Segalen, que Morillot adopta, un temps, à la lettre. C'est pourquoi son projet se donne d'abord comme une version picturale et candide des thèses de Segalen sur l'exotisme. Morillot concevra l'exotisme comme l'exactitude même jusqu'à ce qu'il acquière la pleine technique de son art. Dès lors il ne s'effacera plus, mais existera enfin devant son sujet et, mieux encore, saura être excessif.

C'est cette évolution de Morillot qui fascine particulièrement l'autodidacte Poncelet. Il se dit « saisi en pensant à son point de départ et aux résultats qu'il finit par obtenir ». Plus Morillot apprenait dans la naïveté, plus sa libération était forte et son expression originale. C'est pourquoi Poncelet comprend que Morillot, cohérent ici avec lui-même, ait commencé par rejeter, contre l'avis de Segalen, l'œuvre de Gauguin. Cette résistance momentanée à Gauguin était nécessaire à sa détermination naissante.

pp. 154-155

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE

mise-à-jour : 19 novembre 2020

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