Alexandre Dumas

Le comte de Monte-Cristo

Gallimard - Folio classique, 6831

Paris, 2020

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Méditerranée
île-prison

parutions 2020
Le comte de Monte-Cristo / Alexandre Dumas ; édition de Gilbert Sigaux ; préface de Jean-Yves Tadié. - Paris : Gallimard, 2020. - 1260 p. ; 18 cm.
ISBN 978-2-07-289564-7
NOTE DE L'ÉDITEUR : 1815 – Edmond Dantès est ce jeune marin à qui tout réussit. On lui promet le grade de capitaine ; il va pouvoir épouser sa fiancée. Mais, victime d’une machination, il est accusé d’être un conspirateur bonapartiste. Son bonheur et son ascension sociale sont brisés net.

Dans les geôles du château d’If, au large de Marseille, s’amorce le roman de sa vengeance. Après quatorze années d’enfermement, Edmond Dantès n’aura de cesse de punir ceux qui l’ont trahi. Puisque sa vie lui a été volée, autant en rêver d’autres. Il est temps de se réinventer : le simple marin devient comte de Monte-Cristo.

Entre liberté et justice, vengeance et métamorphose, voici le chef-d’œuvre du roman d’aventures.
Le château d'If – île sombre, l'île-prison …
Monte Cristo – île de lumière, l'île au trésor …

Le contraste de l'une à l'autre soutient, pour une part, la tension qui anime le long roman d'Alexandre Dumas. Mais un point commun unit les deux îles. Dans chacune, le cœur agissant est confiné à l'abri des regards inquisiteurs : les geôles du château d'If comme le trésor de Monte Cristo.

D'autres îles tiennent une place dans le déroulement du roman : Elbe, lieu du premier exil de l'empereur déchu, et la Corse, “ la patrie de Paoli et de Napoléon ” (p. 225) parfois aperçue à l'horizon et où sont nés plusieurs seconds rôles, où se sont nourries les passions qui les animent.

Reste une île très chère au cœur d'Alexandre Dumas : Haïti, évoquée en quelques lignes à plusieurs reprises, toujours à l'occasion de spéculations financières : “ Haïti, c'est l'écarté de l'agiotage français. On peut aimer la bouillote, chérir le whist, raffoler du boston, et se lasser cependant de tout cela ; mais on en revient toujours à l'écarté : c'est un hors d'œuvre. Ainsi M. Danglars a vendu hier à quatre cent six et empoché trois cent mille francs … ” (p. 594). Haïti qui venait d'arracher son Indépendance plongeait alors dans la misère sous le poids des prétentions extravagantes de l'ancienne puissance coloniale.

Croit-on s'écarter du fil conducteur du roman ? Au contraire. Dénoncer la cupidité et l'appât du gain dans la bourgeoisie de l'époque est le vrai sujet de Dumas. C'est ce qu'avait relevé Théophile Gautier : “ L'idéal [du roman moderne] qui émeut le plus vivement l'imagination des lecteurs … est la conquête d'une somme énorme, fabuleuse, au-dessus des désirs et des espérances ” (Histoire de l'art dramatique en France, tome V, 1856-1859, cité p. 1200).

ERIC FOUGÈRE : Le thème de la prison n'est pas nouveau dans l'œuvre de Dumas. Le Vicomte de Bragelonne met en scène Philippe, un frère jumeau de Louis XIV, que la jalousie du pouvoir tient au secret, sous un masque de fer, à la Bastille où ce roi légitime est séquestré. Pauline, mariée au comte de Beuzeval (qui par certains côtés préfigure Edmond Dantès), est emprisonnée par son époux dans les caves d'un château mortel. Un autre château, sicilien, recèle oubliettes et cages dans Pascal Bruno. […] L'archétype entre tous est la prison d'Etat du château d'If. Parce qu'il dresse une architecture fortifiée sur un socle insulaire, parce que les murs y sont construits sur la mer, le château d'If atteint la sombre poésie d'une prison presque parfaite. Erection géologique, sécrétion minérale, la prison s'incruste à l'horizon, du même élan pétrifié qu'elle enfouit ses racines dans les entrailles terrestres. Des lieux fossiles y dilatent un temps que l'oubli ramène à l'anonyme éternité du néant. 

« La peine en littérature et la prison dans son histoire : solitude et servitude », Paris : L'Harmattan, 2001 (p. 78)

ERIC AUPHAN : Ce roman très populaire ne concerne le thème insulaire que dans sa première partie, mais celle-ci suffit à faire de l'œuvre un modèle du genre. En effet, rarement une île (ou plutôt un îlot) n'a dû autant sa renommée à une aventure inventée de toutes pièces. En Méditerranée, à 2 km du port de Marseille, le château d'If, bâti de 1524 à 1531 sur l'ordre de François Ier pour protéger la cité phocéenne, pourrait n'être aujourd'hui qu'une simple curiosité touristique […].

La légende prétend que, transformé rapidement en prison d'état, le fort aurait accueilli dans la seconde moitié du XVIIe siècle l'homme au Masque de Fer, et dans la seconde moitié du XVIIIe siècle le marquis de Sade. Nous savons en revanche que le jeune comte de Mirabeau y fut incarcéré pendant quelques mois en 1770, à la suite d'une lettre de cachet demandée par son père, désireux de mettre un terme aux dettes de jeux et aux amours tumultueuses de son fils. Pourtant, ce n'est pas leurs cachots que viennent voir les visiteurs, mais bien ceux des deux détenus les plus célèbres, l'abbé José Custidio Faria, personnage réel transfiguré par la fiction romanesque, et Edmond Dantès, personnage littéraire né d'une imagination fertile. Comment ne pas désirer reprendre à la trace le parcours de l'évasion du comte de Monte-Cristo ! Dumas a eu le mérite de développer toutes les possibilités de l'enfermement insulaire, sujet étrangement peu exploité par les romanciers. 

« Les îles de la mer d'Ouest », Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 1999 (pp. 91-92)

EXTRAITS Dantès se leva, jeta naturellement les yeux sur le point où paraissait se diriger le bateau, et à cent toises devant lui vit s'élever la roche noire et ardue sur laquelle monte, comme une superfétation du silex, le sombre château d'If.
Cette forme étrange, cette prison autour de laquelle règne une si profonde terreur, cette forteresse qui fait vivre depuis trois cents ans Marseille de ses lugubres traditions, apparaissant ainsi tout à coup à Dantès qui ne songeait point à elle, lui fit l'effet que fait au condamné à mort l'aspect de l'échafaud.
“ Ah ! mon Dieu ! s'écria-t-il, le château d'If ! Et qu'allons-nous faire là ? ”
Le gendarme sourit.

 p. 97
L'île de Monte-Cristo grandissait à l'horizon.
Edmond rendit le bâtiment à son maître, et alla s'étendre à son tour dans son hamac (…). Deux heures après il remonta sur le pont ; le bâtiment était en train de doubler l'île d'Elbe. On était à la hauteur de Mareciana et au-dessus de l'île plate et verte de la Pianosa. On voyait s'élancer dans l'azur du ciel le sommet flamboyant de Monte-Cristo.
(…)
Vers cinq heures du soir, on eut la vue complète de l'île. On en apercevait les moindres détails, grâce à cette limpidité atmosphérique qui est particulière à la lumière que versent les rayons du soleil à son déclin.
Edmond dévorait des yeux cette masse de rochers qui passait par toutes les couleurs crépusculaires, depuis le rose vif jusqu'au bleu foncé ; de temps en temps, des bouffées ardentes lui montaient au visage ; un nuage pourpre passait devant ses yeux.
Jamais joueur dont la fortune est en jeu n'eut, sur un coup de dés, les angoisses que ressentait Edmond dans ses paroxysmes d'espérance.
La nuit vint : à dix heures du soir on aborda (…). Dantès, malgré son empire ordinaire sur lui-même, ne put se contenir : il sauta le premier sur le rivage ; s'il l'eût osé, comme Brutus, il eût baisé la terre.


p. 230
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Le comte de Monte-Christo » (18 vol.), Paris, Baudry et Pétion, 1845
  • « Le comte de Monte-Cristo » (6 vol.), Paris, Michel Lévy, 1846
  • « Le comte de Monte-Cristo » (2 vol.) éd. par J.-H. Bornecque, Paris : Garnier (Classiques Garnier), 1962
  • « Le comte de Monte-Cristo » éd. présentée et annotée par Gilbert Sigaux, Paris : Gallimard (La Pléiade, 290), 1981
  • « Le comte de Monte-Cristo » éd. par Claude Schopp, Paris : Robert Laffont (Bouquins), 1993
  • « Le comte de Monte-Cristo » présentation et dossier historique par Claude Aziza, Paris : Omnibus, 1998
  • « Le comte de Monte-Cristo » (2 vol.) éd. présentée et annotée par Gilbert Sigaux, Paris : Gallimard (Folio, 3142-3143), 1998
  • « Le comte de Monte-Cristo » (2 vol.) éd. par Caecilia Pieri, Paris : Flammarion (GF, 2085-2086), 1998
  • « Le comte de Monte-Cristo » (2 vol.), Paris : Archipoche (Bibliothèque du collectionneur), 2012
  • « Le comte de Monte-Cristo » éd. par Samuel Sadaune, Rennes : Ouest-France, 2012
  • « Le comte de Monte-Cristo » (2 vol.), Paris : Pocket (Pocket classiques), 2019
  • « Le comte de Monte-Cristo » avec les gravures d'Edouard Riou et une introduction de Claude Aziza, Paris : Les Presses de la cité (Omnibus), 2020 
  • Italo Calvino, « Le comte de Monte-Cristo », in Temps zéro, Paris : Seuil, 1970, 1997

mise-à-jour : 23 novembre 2020
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