La Réunion / Roger
Vailland ; préface de Christian Petr. - Paris,
Pondichéry : Kailash, 1998. -
150 p. ; 18 cm. - (Les Exotiques).
ISBN 2-84268-030-8
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: Roger Vailland est un plaisant voyageur. Aux ruines,
aux
musées, aux statues, il a toujours
préféré
les alcools forts et les belles de nuit. Sur l'île de La
Réunion, sur cette île qui ressemble à
un
œuf, il traque le plaisir, poursuit le concret, le singulier,
le
vivant. Sitôt arrivé à Saint Denis, il
part en
quête de la belle créole qui connaît le
secret des
baisers savants et qui, en lui ouvrant son cœur, l'initiera
à la créolité. Et, quand il visite, au
centre de
l'île, le volcan, le mortifère Enclos, c'est
encore de la
vie qu'il cherche sur le minerai nu, et qu'il trouve sous la forme de
mousses et de lichens cachés dans des fissures de lave.
Roger
Vailland n'aura jamais voyagé, jamais écrit que
pour tuer
l'ennui, chasser et attraper le bonheur.
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SERGE
MEITINGER et J.-C. CARPANIN MARIMOUTOU : Le
récit de voyage de Roger Vailland […] montre la
lente dégradation de l'Eden et sa transformation en enfer du
fait de la présence de l'homme. En même temps
Vailland met en lumière une angoisse qui est au
cœur de la littérature insulaire depuis ses
débuts, à savoir qu'à l'habiter,
l'île devient inhabitable. Ou, plus
précisément encore, l'île est
inhabitable parce qu'elle a paru trop habitable : le paradis
cesse de l'être dès que l'homme y met les pieds.
☐ « Océan Indien »,
Paris : Omnibus, 1998 (Introduction, pp. XII-XIII)
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EXTRAIT |
Pour l'amant
de l'Histoire, la Réunion est un lieu
privilégié. Tout est rassemblé
là dans une île, isola, parfaitement
isolée : le passé le plus
éloigné encore présent et le
présent déjà en train de se
décomposer dans un avenir de peu d'espoir. Le premier homme
débarqua en 1646 ; on envisage aujourd'hui
d'organiser l'émigration des Réunionnais, parce
que la Réunion ne peut plus nourrir ses trois cent
quatre-vingt mille habitants.
Mais, avant
l'homme, il y eut ce bloc de volcans surgi des plus grands fonds de
l'océan et solidifié en forme d'œuf. Au
flanc de cet œuf, un groupe de cratères demeure en
activité, vers le haut, vers la pointe. Nous commencerons
donc la visite de la Réunion par le haut qui est aussi
l'origine.
L'ensemble
des cratères encore en activité est
groupé dans un district dénommé
l'Enclos. C'est en effet un endroit clos, non qu'il soit
entouré de murs ou de palissades, mais bordé de
tous côtés de profonds précipices
(comme un parc entouré de fossés).
L'accès en est difficile : trois heures de voiture
et deux jours de marche.
L'Enclos est
un plateau bossué, de forme carrée, d'une dizaine
de kilomètres de côté. Entre deux mille
et deux mille six cents mètres d'altitude. Une fois
à l'intérieur, on ne voit donc rien d'autre,
sinon dans le lointain, les pics des anciens cratères, mal
distincts car toujours enveloppés de nuages. L'Enclos est
caractérisé par l'absence presque totale de vie
animale ou végétale.
Le monde
originel, comme dans la cosmogonie d'Aristote. Les mélanges,
les conflits les plus simples des quatre
éléments : le feu, la terre, l'eau et
l'air, et rien d'autre, ou à peu près.
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La
Réunion » (photographies
d'André Sarfati), Lausanne : Éd.
Rencontres (Atlas des voyages, 34), 1964
- « Boroboudour
(suivi de) Choses vues en Egypte (et de) La
Réunion » préface de Claude
Roy, Paris : Gallimard, 1981
- « La
Réunion » in Océan Indien,
textes réunis et présentés par Serge
Meitinger et J.-C. Carpanin Marimoutou, Paris : Omnibus, 1998
- «
La Réunion » avec une préface de
Marie-Noël Rio, Paris : Éd. du Sonneur, 2013
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→ Maéva Bovio, « La Réunion de Roger Vailland (1958) », Viatica, 6 | 2019 [en ligne] |
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mise-à-jour : 3 janiver 2022 |
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