JEANNE GERVAL AROUFF : […]
Œuvre épique au rythme
nouveau […], le Grand chant Hakka est mémoire de migration
d'une minorité chinoise persécutée par le
premier Empereur.
[…]
« Nous sommes donc
d'ici (…)
en terre de rescapés
où les derniers venus (…)
devinrent par dérision
depuis mille ans Hakkas
c'est-à-dire invités visiteurs. » — Chant I
La différence ne supprime
guère la succulence des images […] qui hantent le lecteur
de Tsang Mang Kin. Constante de l'ère prométhéenne
de ce fils d'île, nourri d'affinités quotidiennes
avec cette autre âme îlienne, Saint-John Perse. Souci
du mot juste surgi d'inlassables remaniements, pierre brute taillée
et polie jusqu'à l'ascèse de la parole purifiée,
sonorité savante dans la simplicité.
« Anglais et Macaos
vous prirent en tenaille
taillèrent en pièces vos femmes et la marmaille
(…)
La défaite fit perdre au peuple la mémoire
notre peuple humilié oublia son histoire. » — Chant XII
Autre langage, délibérément
simple, d'accès direct, dicté par un besoin irrépressible
de communiquer, de communier, d'être traduit. Besoin né
d'une situation d'homme sino-mauricien, Hakka des mers autrales
[…] : être compris à tout prix.
[…]
Si le Grand Chant Hakka est appropriation
de la mémoire, mémoire apprivoisée, tourmente
migratoire du peuple de Moï-Yène, il est aussi souffrance
universelle, insécurité des peuples face à
la guerre, qui fuient leurs terres, exil de tous les déracinés
de la Terre. Incantatoire, la révolte sublimée
en gloire est espoir. Fuites, défaites, errances, mémoire
transmuée souffle qui glisse, lisse rejoindre la Source
de vie.
« Hakkas ! Hakkas
!
C'est fini votre errance
vous faites partie du monde ! » — Chant XLVII
☐ Notre Librairie, 114, juillet-septembre1993 — “ Littérature Mauricienne ” (dans ce même numéro, Josiane Fievez
présente un entretien avec Joseph Tsang Mang Kin sur la
littérature chinoise à l'île Maurice).
|