Grandeur des îles /
Odette du Puigaudeau ; préface de Monique
Vérité. - Paris : Payot, 2004. -
233 p. : ill. ; 17 cm. -
(Petite bibliothèque Payot/Voyageurs, P286).
ISBN 2-228-89854-6
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
[…]
C'est en Bretagne, parmi les marins
et la population des îles, que l'aventure avait
commencé pour la fille de Ferdinand du Puigaudeau, peintre
de l'école de Pont-Aven et ami de Gauguin. En 1928, elle
avait réussi à embarquer pour des campagnes de
pêche avec des marins du Morbihan, sillonnant
l'océan jusqu'à ce qu'elle touche aux rivages
mauritaniens quelques années plus tard.
[…]
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L'ÉCHO
DES ÎLES, n° 111, septembre
1996 :
Complètement intégrée à la
communauté des insulaires, [Odette du Puigaudeau]
décrit avec piquant la vie de ces femmes, seules mais
solidaires, qui s'accrochent à leur sol
déshérité et luttent contre les forces
d'une nature impitoyable. […] Certaines de ses assertions
pourront paraître sujettes à caution ou
superficiellement observées : on peut
considérer que c'est la vision que pouvaient emporter de
notre île [Sein] les observateurs de passage au
début des années 1930.
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EXTRAITS |
Archipel de Molène — Mme Floc'h
est entrée dans la vie sous l'aile noire du malheur. Une
tempête lui vola père et mère, entre le
Conquet et Quéménez, et son destin amer s'ouvrit
d'un coup devant ses quinze ans. Elle reprit la ferme ; son
frère cadet et sa jeune sœur quittèrent
l'école pour venir l'aider. Trois enfants, face à
quarante-cinq ivrognes, sur une île perdue !
Elle se maria jeune, et pour peu de temps.
Successivement, elle tint aux îles trois fermes sur
quatre : Quéménez, Balanec où
une poutre de fer, en tombant, lui tua une petite fille,
Triélen que tient à présent son fils
aîné, où elle a retrouvé un
cimetière familial : une tante, ses enfants et ses
domestiques emportés par le choléra en 1893.
Maintenant, veuve depuis longtemps, elle est
revenue avec ses deux plus jeunes fils à la
Quéménez de son enfance.
Pourtant, au Conquet, elle pourrait avoir une
existence plus douce, près d'une fille et d'un petit-fils,
un repos bien gagné après quarante ans
d'épreuves. Ici, il n'y a que travail sans fin,
l'écœurement des saouleries hebdomadaires, la
gêne des courriers et du ravitaillement livrés au
hasard des bateaux, chance bien rare pendant les tempêtes
d'hiver. Le seul secours, c'est elle qui le donne, au
dénuement des pigouyers et des pêcheurs, aux
loques humaines qu'elle retient de sombrer tout à fait,
à tous ceux qui frappent à sa porte. C'est une
femme du bon Dieu.
Mme Floc'h ne quittera pas
Quéménez. Les îles ont cette
étrange puissance du tuer chez leurs proies le
désir d'évasion.
☐
pp. 146-147
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Ouessant — Les
Ouessantines n'ont pas eu de chance. C'était trop tentant de
lâcher le démon de la littérature dans
cette île peuplée de femmes. C'est lui qui les a
faites ainsi, méfiantes et rancuneuses. Peut-on leur en
vouloir ?
Savignon les a clouées une fois pour toutes au
pilori. « Filles de la Pluie »,
filles perdues ! Kellermann
nous a présenté Roseher la Folle, une bande de
dévergondées, les boniches de Joël.
Et les champs, alors ? Qui a donc
défriché les landiers, rejeté les
cailloux, nourri la terre nouvelle du gras fumier de mer, le
goémon brun aux âpres senteurs d'iode ?
Sûrement pas les hommes !
☐
p. 22
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Sein — Le sloop
vint se ranger le long de la cale de la Poste, près du Zénith, le
bateau-courrier qui, chaque semaine, quand il fait beau, relie Sein
à Audierne.
C'est alors que je vis la première
Îlienne. Elle était grande et souple, bien
moulée dans le corsage ourlé de velours de sa
longue robe, toute noire depuis les sabots jusqu'à la
capeline de drap aux ailes croisées sur le dessus de la
tête. Un petit col blanc dégageait son cou mince.
Elle s'était arrêtée en haut de la
cale, curieuse, une main sur la hanche, l'autre soutenant une grande
corbeille d'algues bien d'aplomb sur sa tête. Elle me regarda
approcher : deux aigues-marines luisaient dans son visage
étroit et grave. Lorsque je la questionnai, histoire de
demander mon chemin, elle me répondit vite, d'un mot, d'un
geste de sa longue main brune, et s'éloigna, soudain timide,
ou farouche, sa charge sur la tête, noble comme une
choéphore antique.
L'île m'épiait avec ses yeux
verts.
☐ pp. 157-158
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Grandeur
des îles », Paris : Julliard, 1945
- « Grandeur
des îles » préface de Monique
Vérité, Paris : Julliard, 1989
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mise-à-jour : 26
octobre 2011 |
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