Le testament
des solitudes / Emmelie Prophète. -
Montréal :
Mémoire d'encrier, 2007. - 119 p. ;
18 cm.
ISBN
978-2-923153-68-1
|
9ème
édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007 |
livre
en compétition |
ROBENSON
BERNARD : [...]
Le
Testament des solitudes
[…] est fortement marqué par les
thématiques de
l'errance, de la solitude et de l'exil. Osmoses obscures, violentes et
lucides de réalités culturelles, sociologiques et
spirituelles. C'est peut-être Emmelie Prophète qui
a le
mieux cursivement arpenté ces derniers jours, comme une
préoccupation intérieure, ce territoire
géographique. Elle y était d'ailleurs
suffisamment
prédisposée. Lavée aux eaux lustrales
et
transparentes de l'écriture, la narratrice se donne
à
lire avec plaisir.
Elle
évoque la souffrance ininterrompue ou presque de trois
générations de femmes jugées sans
parole et sans
témoin. Ayant échoué dans leur
quête de
bonheur, elles se racontent au miroir d'un pays meurtri et
endeuillé. Ici, la vision de l'existence est
plutôt
sombre. […]
L'auteur du Testament des solitudes
rapporte des événements en les inscrivant dans le
cadre
spatio-temporel du réel. Les noms des lieux
(l'Amérique,
Cuba, les aéroports …), les focalisations et les
descriptions chronologiques donnent l'illusion de la
réalité. Et l'univers symbolique ?
Disons qu'il
renvoie à l'enfermement, l'angoisse et le
désenchantement
qui suscitent l'émotion. On ne peut en effet rien isoler
dans la
trame serrée de ce récit passionnant. A chaque
page,
c'est une observation d'une vérité
criante :
« Notre lieu commun de naissance (…)
offre quelque
fois des images qui restent sur la vie comme de la mauvaise
huile » (p.54).
La
force du livre vient justement de ceci qu'un monde très
sensible
et foisonnant est lié à cette voix qui se fait
voix pour
déverser le trop-plein d'un univers secret.
[…]
☐ Le Nouvelliste, 5
juin 2007 [en
ligne]
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EXTRAIT |
Chère
mère, j'ai peur de vous voir aujourd'hui. J'ai honte de vous
expliquer des choses qui ne s'expliquent pas. Cela veut sans doute dire
qu'il ne faut pas me regarder ni me comprendre. Chère
mère aux yeux étranges et tristes, j'aurais
été si belle si je vous avais
ressemblé. Je ne
ressemble à personne au fond. Même pas
à
moi-même. J'ai trop souvent changé de peau et de
convictions, trop souvent changé d'épaule et
d'amour.
Je suis
une porteuse de nouvelles. J'ai peur. Je refuse votre
héritage de corvées, de servitudes, de solitudes
séculaires. Je refuse vos regards tristes, vos
résignations, vos peurs.
Je revois
cette ville défigurée, sans chant, sans vous.
Vous n'avez peut-être même pas existé,
les cahiers
de l'état civil se souviennent-ils de vous ? Cette
ville
sans mémoire, blanchie, délavée par
les pluies.
J'ai
gardé l'amitié de certains chemins
enfermés
dans l'odorat de la nuit, poison irréel
disséminé
dans le regard des passants. Je reviens en silence, pour raconter entre
passion et désespoir, pour coller une route floridienne
à
un sentier de la province bleue, à une route
dégradée d'un quartier de Port-au-Prince. Moi qui
ne suis
ni magicienne ni alchimiste, moi qui n'ai pas de talent.
☐
pp. 39-40 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Des
marges à remplir [suivi de] Mes amours du mois de
mai », Port-au-Prince : Mémoire,
2000
- « Sur
parure d'ombre », Port-au-Prince :
Mémoire, 2004
- « Je
Te cherche », in Haïti parmi les
vivants, Arles : Actes Sud,
Paris : Le Point, 2010
- « Le reste du temps »,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2010
- « Impasse
Dignité », Montréal :
Mémoire d'encrier, 2012
- « Le
désir est un visiteur silencieux »,
Pétion-Ville : C3 éditions (Zuit),
2014
- « Le
bout du monde est une fenêtre »,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2015
- « Un ailleurs à soi », Montréal : Mémoire d'encrier, 2018
- « Les villages de Dieu », Montréal : Mémoire d'encrier, 2020
|
- [collectif],
« En amour avec Marie » [textes en hommage
à Marie Vieux-Chauvet réunis par Emmelie
Prophète], Port-au-Prince : Communication plus, 2016
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Sur le site
« île en
île » : dossier Emmelie Prophète |
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mise-à-jour
: 7 juillet 2021 |
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Prix Littéraire
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ADELF
2009 |
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