Le grand marin / Catherine
Poulain. - Paris : L'Olivier, 2016. -
372 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-8236-0863-2
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Peut-être
va-t-on toujours aller ainsi, jusqu'à la fin de tous les
temps,
sur l'océan roussi et vers le ciel ouvert, une course folle
et
magnifique dans le nulle part, dans le tout, …
☐ p. 70 |
Kodiak (1),
la plus grande île d'Alaska, est une importante base de
pêche ouvrant sur un domaine d'une grande richesse
— dont l'exploitation se paie au prix d'un
travail
harassant et risqué. Entre Arctique et Pacifique morues,
flétans et crabes géants s'offrent à
profusion
à qui accepte des conditions de vie et de travail qui
défient l'imagination.
De cet enfer, Catherine
Poulain
parle d'expérience. Dans un premier temps, elle
décrit
sans concession l'exigeant métier et les dangers auxquels il
expose : la mer violente et imprévisible, le froid,
l'humidité, les interminables journées de
travail,
l'obsession du rendement, la manipulation risquée des engins
de
pêche …
Le retour
à terre, après
le long effort coupé de sommeils toujours trop brefs, ne
marque
pas le terme de ces tourments ; en sortiant des
bars, le marin qui tente de
regagner son bord titube et, souvent, vacille dangereusement. Catherine Poulain dresse des portraits attachants
d'êtres venus aux confins du monde où certains
s'échouent, où d'autres poursuivent une errance
sans
véritable espoir, où d'autres affrontent leurs
raisons de
vivre, leurs peurs.
La romance
qui s'ébauche entre l'héroïne et le grand marin est
intense, et fatalement privée d'avenir. (1) | Explorateur,
pionnier de l'ethnologie et de la linguistique, Alphonse Pinart
(1852-1911) a recueilli de précieuses informations sur les
habitants et la culture de Kodiak lors d'un voyage en Alaska
(1871-1872) ; il a également constitué une
collection unique de masques en provenance de l'île qui sont
aujourd'hui conservés au Château-musée de Boulogne-sur-Mer. ➝
Emmanuel Désveaux (dir.), « Kodiak, Alaska : les masques
de la collection Alphonse Pinart », Paris : A. Biro, Musée
du quai Branly, 2002 |
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EXTRAIT |
Les
épaules de Joey s'affaissent. Le regard noir et triste
semble scruter le mien :
— Mais qu'est-ce que tu veux
toi pour finir ? (…)
—
D'abord je veux pêcher. Je veux m'épuiser encore
et
encore, que rien ne m'arrête plus,
comme … comme une
corde tendue, oui, et qui n'a pas le droit de se détendre,
tendue au risque de se rompre (…)
— La
pêche … Vous êtes tous les
mêmes, vous
qui arrivez ici comme des illuminés. Moi c'est mon pays,
j'ai
rien vu d'autre, pas voyagé plus loin que Fairbanks. Je
cherche
pas l'impossible. Je veux juste vivre et élever mes gosses.
C'est chez moi cette île ! Remarque moi je suis rien
qu'un
con, un sale négro d'Indien …
— Non
Joey, j'aime pas quend tu dis ça.
(…)
— Alors
t'as laissé ton pays pour venir pêcher l'aventure
…
— Je
suis partie c'est tout.
— Pfff !
Vous êtes des milliers comme ça, qui arrivez
depuis plus
d'un siècle. Les premiers étaient des
féroces.
Vous c'est pas pareil. Vous êtes venus chercher quelque chose
qui
est impossible à trouver. Une
sécurité ?
Enfin non même pas puisque c'est la mort que vous avez l'air
de
chercher, ou en tout cas vouloir rencontrer. Vous
cherchez … une certitude
peut-être …
quelque chose qui serait assez fort pour combattre vos peurs, vos
douleurs, votre passé — qui sauverait
tout, vous en
premier.
Il boit au
goulot de sa bouteille longuement, paupières mi-closes, la
repose sur le comptoir, rouvre les yeux :
— Vous
êtes comme tous ces soldats qui partent affronter le combat,
comme si votre vie ne vous suffisait plus … s'il
fallait
trouver une raison de mourir. Ou comme s'il vous fallait expier quelque
chose.
☐ pp.
304-305 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Le
grand marin », Paris : Points, 2017
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Le roman de Catherine Poulain est adapté au cinéma par Dinara Drukarova ; sortie prévue en Janvier 2023.
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mise-à-jour : 29 novembre 2022 |
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