Avant
que les ombres s'effacent / Louis-Philippe Dalembert. -
Paris :
Sabine Wespieser, 2017. - 294 p. ; 19 cm.
ISBN 978-2-84805-215-1
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Louis-Philippe
Dalembert
a participé au 6ème Salon du
Livre Insulaire
(Ouessant, 19-22 août 2004) |
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Si
un étranger vient séjourner avec toi, dans votre
pays, ne
le molestez point. Il sera pour vous comme un de vos compatriotes,
l'étranger qui séjourne avec vous, et tu
l'aimeras comme
toi-même …
☐ Lévitique, XIX,
33-34 — cité en épigraphe
p. 207 |
Louis-Philippe
Dalembert raconte la longue fuite du docteur Ruben Schwartzenberg qui,
parce que juif, a du quitter la Pologne (en 1918), puis l'Allemagne (en
1939), puis la France (en 1939 toujours) … avant de
débarquer
un beau jour en Haïti — bout d'île
écrasé de soleil, de misère et de
générosité 1 —
où, au soir de sa vie, il aura
gagné
l'intime conviction de
se retrouver enfin à la maison, après un long
temps
d'errances et de péripéties 2.
Ce
parcours tourmenté puis
apaisé éclaire des
pans méconnus de la vie d'Haïti et de son
peuple :
fiers de leur histoire et de leur combat pour la liberté,
les
Haïtiens n'ont pas hésité à
déclarer
la guerre à Hitler et Mussolini et, surtout, ont accueilli
sans
réserve ceux qui étaient rejetés
partout ailleurs 3.
C'est
donc une élémentaire leçon de
dignité et de
fraternité
que propose ce roman qui respecte dans ses grandes lignes
le cours de l'histoire. Leçon
précieuse quand Français — et
Européens, et Étasuniens —,
reniant leurs
traditions d'accueil et de générosité,
se
barricadent honteusement derrière des murs
érigés
pour tenir à distance la détresse des victimes de
la
violence et de la faim.
1. |
p. 278 |
2. |
p. 215 |
3. |
Rejet dont témoigne le
périple du Saint
Louis, paquebot
convoyant des Juifs en quête d'un refuge à Cuba.
Au terme de sordides tractactions le débarquement des
passagers
est empêché, puis les États-Unis
d'Amérique
et le Canada ferment leurs ports contraignant le navire à
remettre le cap vers l'Europe où les passagers, incertains
du
sort qui leur sera réservé, débarquent
par petits
groupes en Belgique d'abord, puis en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et
en France. |
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LE NOUVELLISTE
19
juillet 2017 |
EXTRAIT D'UNE INTERVIEW DE
LOUIS-PHILIPPE DALEMBERT
RECUEILLIE PAR PÉGUY F.C. PIERRE
[…]
Louis-Philippe
Dalembert :
Le Centre international de documentation et d'information
haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (Cidihca),
que
dirige notre compatriote Frantz Voltaire, a été
à
l'origine d'une exposition intitulée
« Juifs et
Haïtiens, une histoire
oubliée ». Il y est
question de ce geste de solidarité d'Haïti
vis-à-vis
des Juifs européens pourchassés par le nazisme.
Voltaire
a mis à ma disposition des documents très
précieux. Au bout du compte, toutes ces données
historiques m'ont été fort utiles pour
rédiger ce
qui reste un roman, une œuvre de fiction.
Péguy
F.C. Pierre :
Peu de gens sont au courant de cette main tendue aux Juifs par le
peuple haïtien. S'il devait y avoir un autre but à
ce texte
que celui de partager une histoire avec le lecteur, quel
serait-il ?
Louis-Philippe
Dalembert :
Faire connaître cet épisode méconnu de
l'histoire
de la Seconde Guerre mondiale. Dire qu'un petit pays comme
Haïti,
moins de 3 000 000 d'habitants à
l'époque, a
été capable de solidarité et de
générosité. Qu'on n'a pas besoin
d'être
« riche » pour pouvoir aider
l'autre. À un
moment où tant de nos compatriotes et des centaines de
millions
de réfugiés sont rejetés de par le
monde, surtout
par les pays donneurs de leçons de démocratie et
de
droits de l'homme, il était important de le rappeler. En ce
sens, le roman est très actuel. Ce n'est pas un hasard si
j'y ai
consacré tout un chapitre à l'histoire du Saint-Louis, un
paquebot avec à son bord un millier de
réfugiés
juifs allemands, et qui, en 1939, a été
refoulé de
Cuba, des États-Unis et du Canada.
[…]
|
→ texte intégral de
l'interview [en
ligne] |
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EXTRAIT |
Comme
des dizaines de milliers d'autres Haïtiens, il aurait pu
laisser
la vie dans le tremblement de terre. À plus de
quatre-vingt-quinze ans, à un moment où il avait
un pied
dans un cercueil et l'autre sur une peau de banane, comme on dit ici,
ça n'aurait pas été si
grave. Il avait fait
son temps, il avait même dépassé la
date de
péremption. Cela aurait été dommage,
avait dit
Deborah, de s'en aller avec cette histoire qui n'était pas
que
la sienne, mais celle aussi de la famille, de tous ces
rescapés
qui n'avaient pas su, ou pas voulu, la raconter, celle des millions de
disparus anonymes. (…) Peut-être avait-elle
raison, avait
répondu le Dr Schwartzberg. Mais au-delà de ces
gens,
dont la mémoire avait déjà
trouvé
écho dans le monde entier
— même s'il y en
avait encore d'assez haineux pour nier
l'évidence —,
s'il avait accepté de revenir sur cette histoire,
c'était
pour les centaines, les millions de réfugiés qui,
aujourd'hui encore, arpentent déserts, forêts et
océans à la recherche d'une terre d'asile. Sa
petite
histoire personnelle n'était pas, par moments, sans rappeler
la
leur. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu'ils sachent,
en
dépit du manque matériel dont ils avaient de tout
temps
subi les préjudices, du mépris trop souvent
rencontré dans leur propre errance, qu'ils restent un grand
peuple. Pas seulement pour avoir réalisé la plus
importante révolution du XIXe siècle, mais aussi
pour
avoir contribué, au cours de leur histoire, à
améliorer la condition humaine. Ils n'ont jamais
été pauvres en
générosité à
l'égard des autres peuples, le sien en particulier. Et cela,
personne ne peut le leur enlever.
☐ pp. 200-201
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Avant que les ombres s'effacent », Paris :
Points (Grands
romans), 2018
|
- « Et le soleil se souvient »,
Paris : L'Harmattan, 1989
- « L'étoile
de Santiago », contribution au recueil collectif A peine plus qu'un cyclone
aux Antilles, Cognac : Le temps qu'il
fait, 1998
- « L'autre face de la mer »,
Paris : Le Serpent à plumes, 2005
- « Ces îles de plein sel et
autres poèmes »,
Ivry-sur-Seine : Silex, Nouvelles du Sud, 2000
- « L'île du bout
des rêves », Paris :
Bibliophane - Daniel Radford, 2003
- « Vodou ! Un tambour pour les
anges », Paris : Autrement, 2003
- « Mur Méditerranée », Paris : Sabine Wespieser, 2019
|
- Louis-Philippe
Dalembert et Lyonel Trouillot, « Haïti, une
traversée littéraire »,
Paris : Culturesfrance, Philippe Rey,
Port-au-Prince : Presses nationales d'Haïti, 2010
|
- Paola
Ghinelli, « Entretien avec Louis-Philippe
Dalembert », in Archipels
littéraires, Montréal :
Mémoire d'encrier, 2005
- Daniel-Henri
Pageaux (dir.), « Louis-Philippe Dalembert, entre
vagabondage et
humanisme », Paris : L'Harmattan
(Classiques pour demain), 2018
- Elena
Pessini, « Présences insulaires dans
l'œuvre de
Louis-Philippe Dalembert » in, Carmelina Imbroscio,
Nadia Minerva &
Patrizia Oppici (éds.), Des îles en
archipel … Flottements autour du thème
insulaire en hommage à Carminella Biondi, Berne :
Peter Lang, 2008
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Sur
le site « île
en île » :
dossier Louis-Philippe
Dalembert |
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mise-à-jour : 4 mars 2020 |
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