Le roi des Zoulous / Jean-Jacques Salgon. - Lagrasse : Verdier, 2008. - 117 p. ; 22 cm. ISBN 978-2-86432-527-7
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NOTE DE L'ÉDITEUR
: Le 12 août 1988, le peintre noir américain Jean-Michel
Basquiat était trouvé mort, sans doute d’une
overdose, dans son loft de Great Jones Street, la tête
tournée vers le ventilateur. Il avait 27 ans. L’enfant de
Brooklyn, le graffeur de SoHo qui signait sous le nom de SAMO, venait
de traverser les années quatre-vingt et le monde de l’Art
comme une météorite laissant dans son sillage plus de
huit cents tableaux et deux mille dessins qui continuent
d’illuminer le ciel de la peinture d’un éclat
nonpareil.C’est à sa manière digressive,
vagabonde et fragmentaire que Jean-Jacques Salgon nous emmène
à la rencontre de cet artiste, de son univers et de son
œuvre. Attentif aux traces, aux moindres signes qui pourraient
soudain entrer en résonance avec sa propre vie, il reste en ce
sens fidèle à celui qui déclarait un jour à
un journaliste : « Je ne pense pas à l’Art
quand je travaille, j’essaie de penser à la
vie ».Jean-Jacques Salgon est né en 1948 en Ardèche dans une famille dont les origines vivaraises remontent au XVIe
siècle. Fils et petit-fils d’instituteurs, il passe son
enfance et son adolescence à Pont d’Ucel puis à
Aubenas. Il a séjourné en Algérie et en Côte
d’Ivoire. Scientifique de formation, il enseigne la physique.
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| … comme
à la fin d'Electre, lorsque tout est gâché et
saccagé, et que par la voix du mendiant l'aurore s'annonce.
p. 13 |
«
Peintre noir américain », Jean-Michel Basquiat est
né à New York d'une mère originaire de Porto-Rico
et d'un père haïtien. Le récit de Jean-Jacques
Salgon s'attache à la personnalité et au destin de l'enfant rayonnant 1 autant qu'aux éclats (dessin, peinture, …) qui immortalisent son si bref parcours.
En
plusieurs occasions Jean-Jacques Salgon relève les marques de
l'emprise haïtienne sur l'œuvre de Basquiat, souvent
explicite comme par exemple quand est représenté
Toussaint-Louverture, quand sont évoquées les grandes
figures du Vaudou ou la richesse de la filiation africaine et sa secrète énergie — fruit d'une Histoire [qui] imposait l'héroïsme à ceux qui refusaient de s'en déclarer les victimes.Outre ce constat s'impose la remarquable parenté stylistique
qui, bien au delà (ou en deçà) des jeux
d'influence directe, unit la création de Basquiat au puissant
courant de l'art haïtien ; solidement ancrée dans
l'avant-garde artistique occidentale, cette création n'est pas
moins riche de ses racines caraïbes et africaines, enrichissant
d'un geste fulgurant chacun des mondes où elle puise : « c'est avec les yeux des Dieux de l'Afrique qu'il cherchait à voir le visage de l'Occident ».
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EXTRAIT |
Face à cette chevauchée macabre [Riding with Death, 1988]
comment ne pas penser […] à Haïti, l'île
maudite qui avait vu naître les ancêtres paternels de
Jean-Michel (en naviguant sur Internet, j'avais d'ailleurs
trouvé un jour, au bas de la constitution de la
République d'Haïti, celle de 1806,
le nom d'un Basquiat mêlé à ceux des autres
signataires), au Vaudou et à ses cérémonies
secrètes au cours desquelles les dieux et les génies (loas)
sont censés « chevaucher » le corps des
possédés. Parmi les divinités du Vaudou, le
redoutable Baron-Samedi, Baron-La-Croix, génie de la mort et des
cimetières, se trouvait d'ailleurs parfaitement
représenté, avec son haut-de-forme et son habit noir dans
d'autres tableaux de Basquiat tels que The Guilt of Gold Teeth, 1892, ou bien Despues de un Puno, 1987. Le cavalier macabre de Riding with Death
emportait dans son sillage les incantations de Bouckman appelant depuis
les profondeurs touffues du Morne Rouge ses frères esclaves
à la révolte, l'épopée de
Toussaint-Louverture trahi par Napoléon et mourant de froid, la
tête appuyée contre la cheminée, dans sa
geôle du Fort de Joux, l'empereur Dessalines tombant de son
cheval au Pont Rouge, devant Port-au-Prince, le crâne fendu d'un
coup de sabre avant qu'une bande de soudards ne se jette sur lui pour
lui douper les doigts et lui arracher ses bagues, le flamboyant suicide
du roi Christophe mourant « à plat ventre dans son
sang 1 » avec autour de lui ses rêves
de grandeur croulant par pans entiers dans l'incendie de son palais de
Sans-Souci ou bien fuyant, comme des colibris effarouchés, sur
le dos, la tête, ou dans les bras d'une horde de pillards.
☐ pp. 17-18 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- Jean-Michel
Basquiat, « The Notebooks » ed. by Larry Warsh,
Princeton (NJ) : Princeton university press, 2015
- Leonhard Emmerling, « Basquiat », Paris : Taschen (La Petite collection), 2003
- Marc Mayer (dir.), « Basquiat », Paris : Flammarion, 2005, 2010
- [Fondation Beyeler], « Basquiat », Ostfildern : Hatje Cantz Verlag, 2010
- Edwige Danticat, « Welcoming Ghosts », in Create dangerously : the immigrant artist at work, Princeton (NJ) : Princeton university press, 2010
- Michel Nuridsany, « Jean-Michel Basquiat », Paris : Flammarion, 2015
- Pierre Ducrozet, « Eroica », Paris : Grasset, 2015
- Jean-Jacques Salgon, « Ma vie à Saint-Domingue », Lagrasse : Verdier, 2010
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mise-à-jour : 24 septembre 2017 |
| | LONDON : Barbican Art Gallery SEPTEMBER 21, 2017 > JANUARY 28, 2018 |
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