Matahoata, arts et société aux îles Marquises / sous la
dir. de Carol Ivory. - Arles : Actes sud, Paris :
Musée du Quai Branly, 2016. - 319 p. : ill. ;
28 cm. ISBN 978-2-330-03800-7
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Matahoata, Arts et société aux îles Marquises 1 — « A
travers 350 pièces et œuvres, l'exposition
[organisée au Musée du quai Branly du 12 avril au 24
juillet 2016]
retrace le parcours civilisationnel et esthétique de
l'archipel avant son contact avec les premiers explorateurs et
jusqu'à ses récentes manifestations
contemporaines » 2 ;
Carol Ivory, commissaire de l'exposition, précisant : « Le parcours de l’exposition,
volontairement chronologique, dresse un panorama artistique complet des
îles Marquises, de l’art classique des premiers temps en
passant par l’impact de l’arrivée des missionnaires
et de l’administration coloniale sur les arts et les
évolutions que cela a entraîné, jusqu’aux arts
vivants actuels. L’exposition est divisée en trois axes
retraçant les trois périodes citées : les
îles Marquises avant leur contact avec l’Occident, les
évolutions et mutations des arts suite à la colonisation
occidentale et enfin la résurgence artistique à partir de
la fin du XXe siècle » 3.
Pourtant,
ni l'exposition ni le catalogue — qui accompagne et
éclaire son parcours — ne s'attardent sur le temps
qui, aux îles Marquises, a précédé les
premiers contacts avec l'Occident et l'essor inexorable de la
colonisation politique et religieuse. Certes il y est fait allusion
dans plusieurs contributions de l'Introduction aux îles Marquises qui
constitue la première partie du catalogue (mythes et cosmogonie,
organisation sociale et chefferies, …) et, par ailleurs, Carol
Ivory présente une évocation succinte des arts et de la
culure aux Marquises à la fin du XVIIIe siècle ; mais ces incursions dans le passé peinent à satisfaire la curiosité 4 et ne peuvent prétendre fournir un éclairage, même de synthèse, sur l'âge classique de la société marquisienne.
C'est donc sur les XIXe-XXe
siècles que porte principalement le regard des organisateurs
dont l'objectif latent semble avoir été de saisir les
évolutions à l'œuvre au fil de la colonisation et
d'analyser les interactions entre colonisateurs et colonisés.
Dans cette perspective, le catalogue met en scène un dialogue
parfois chaotique et tendu entre les objets
présentés dans l'exposition, les souvenirs laissés
par les acteurs de la colonisation et le regard, parfois
décalé, de témoins exceptionnels (Melville, Loti,
Gauguin) mais trop peu pris au sérieux — de même que
l'on peut regretter l'écoute très parcimonieuse
accordée aux beachcombers
qui étaient pourtant en première ligne pour observer les
effets de la rencontre entre les nouveaux venus et les habitants de
l'archipel. Quant à l'impact de ces bouleversements sur la
production artistique, la conclusion proposée peut sembler
légère : « le nouveau style apparu
à la fin du XIXe
siècle est un témoignage de la capacité du peuple
marquisien à puiser dans l'héritage du passé et
à le transformer pour l'adapter aux besoins du temps
présent » 5.
Le dernier temps du parcours de l'exposition court de la fin du XXe siècle au début du XXIe
siècle ; il y est donc question des arts pratiqués
aujourd'hui dans l'archipel, et des objectifs que s'assignent les
artistes/artisans contemporains : certains tentent de s'inscrire
dans la tradition, d'autres se tournent vers l'avenir et le
marché 6.
Entre ces deux démarches se devine la persistance des tensions
qui ont traversé la société marquisienne tout au
long du XIXe
siècle. Une autre voie est brièvement
évoquée — celle d'un dialogue où,
tout en assumant sans réserve leur héritage culturel, les
artistes marquisiens accueilleraient le monde ouvert d'aujourd'hui,
soit un appel pressant et argumenté à des
« rencontres improbables entre l'ancien et le
nouveau » 7.
1. | Parmi
les nombreux compte-rendus de visite de l'exposition, on peut retenir
celui de Gilbert Lascault, à consulter en ligne sur le site En attendant Nadeau, Journal de la littérature, des idées et des arts. | 2. | Stéphane Martin, Avant propos, p. 11 | 3. | « Arts
et société aux îles Marquises : un regard
éclairé sur la culture » entretien avec Carol
Ivory recueilli par Sylvie Ciochetto, JOKKOO (Bulletin des Amis du Quai Branly), 24, janvier-mars 2016 (p. 13). | 4. | On sait par ailleurs que la plus grande part de ce qui subsistait de l'héritage de l'art classique des îles Marquises a été pillé ou détruit aux premiers temps de la coloniqation. | 5. | Carol Ivory, Les changements intervenus dans la culture et l'art des Marquises au XIXe siècle, p. 195 | 6. | Les termes du débat entre ces deux lignes sont exposés dans la contribution d'Emily C. Donaldson, Le
pays natal, la culture et les « petits
trucs » : l'art marquisien et le marché
extérieur, pp. 289-293 | 7. | Andreas Dettloff, Les graphismes marquisiens à Papeete, laboratoire des rencontres improbables, p. 286 |
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| | Pakoko et Temoana
Dux
grands Marquisiens qui se sont affrontés aux premiers temps de
la colonisation française à Nuku Hiva.
Pakoko est un rebelle ; il sera condamné à mort et exécuté.
Temoana
a joué le jeu d'une relation apaisée avec la puissance
coloniale — manipulé ou manipulateur ?
manipulé et manupilateur ?
Ces
deux figures pourraient illustrer les termes extrêmes entre
lesquels se sont jouées les relations entre les insulaires et la
France. L'exposition et son catalogue auraient, peut-être,
gagné en clarté si ces tensions avaient été
plus clairement présentées et analysées. | Pakoko (coll. Rohr) — p. 233 | Temoana (par A. de Dombasle) — p. 20 |
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SOMMAIRE |
[Avant-propos], Stéphane Martin, Président du Musée du quai Branly [Avant-propos], Georges Toti Teikuupoko, Président de Motu Haka, Directeur de l'Académie marquisienne
❑ Introduction aux îles Marquises
- Milieux naturels des îles Marquises, Jean-Yves Meyer
- Les mythes marquisiens, la cosmogonie marquisienne, Edgar Tetahiotupa
- Matahoata, Teiki Robert Huukena
- Les Ènata : leurs origines, leurs ancêtres et leurs chefferies, Barry V. Rolett
❑ Une première période de contact riche
- Art et culture aux Marquises à la fin du XVIIIe siècle, Carol Ivory
- Architecture et aménagement du territoire, Pierre Ottino-Garanger
- Le tatouage aux Marquises, Marie-Noëlle Ottino-Garanger
- L'univers de la fête : une vision inspirée des premières descriptions des îles Marquises, Jane Freeman-Moulin
❑ Le changement après le contact avec l'Occident
- Les changements intervenus dans la culture et l'art des Marquises au XIXe siècle, Carol Ivory
- Histoire des objets marquisiens des musées français, Véronique Mu-Liepmann
- La représentation du Marquisien au XIXe siècle : un sauvage particulier, Claude Stéfani
- Te Fenua Ènata dans le regard de l'avant-garde parisienne : les Marquises et Paul Gauguin, Elizabeth C. Childs
❑ Les Marquises dans la période contemporaine
- Les Marquises au XXIe siècle, Pascal Erhel Hatuuku
- Le Festival des arts des îles Marquises : Te Matavaa o te Henua Ènana, Carol Ivory et Debora Kimitete
- Les graphismes marquisiens à Papeete, laboratoire des rencontres improbables, Andreas Dettloff
- Le
pays natal, la culture et les « petits
trucs » : l'art marquisien et le marché
extérieur, Emily C. Donaldson
Glossaire Bibliographie Œuvres exposées |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE (quelques contributeurs du catalogue présents sur le site des littératures insulaires) - Pierre Ottino et Marie-Noëlle de Bergh-Ottino, « Hiva Oa, images d'une mémoire océanienne », Papeete, 1991
- Pierre Ottino et Marie-Noëlle de Bergh-Ottino, « Te Patu Tiki : l'art du tatouage aux îles Marquises », Teavaro (Moorea), 1999
- Pierre Ottino-Garanger, « Archéologie ches les Taïpi : Hatiheu, un projet partagé aux îles Marquises », Papeete, 2006
- Elizabeth C. Childs, « Paradise redux : Gauguin, photography and fin de siècle Tahiti », in Degas to Picasso : the painter, the sculptor, and the camera, New Haven, 1999
- Riccardo Pineri, « Andreas Dettloff : signes & traces du sacré = Andreas Dettloff : signs & traces of the sacred », Papeete, 2014
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mise-à-jour : 6 octobre 2016 |
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