Quel
trésor ! / Gaspard-Marie Janvier. -
Paris : Fayard,
2012. - 364 p. : ill., cartes ;
22 cm.
ISBN
978-2-213-67081-2
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A
croire Stevenson, son premier
roman — et le plus fameux —, L'île au
trésor, s'est
nourri d'une carte imaginaire ébauchée dans un
instant de
désœuvrement par son beau-fils, Lloyd
Osbourne ; mais
cette carte, jointe au manuscrit, aurait été
égarée par l'éditeur, contraignant
Stevenson
à en reproduire les traits de mémoire.
En
supposant un écart entre le document original et sa
recréation par Stevenson telle qu'elle figure en
tête de
l'édition originale du roman (Londres, 1883), Gaspard-Marie
Janvier imagine qu'à l'occasion d'une vente
organisée
pour liquider la succession des descendants de l'éditeur, la
carte dessinée par Lloyd Osbourne refasse surface. Sont
alors
ravivées bien des convoitises, et relancées les
spéculations sur la localisation de l'île, voire
sur
l'existence d'un
trésor … toujours à
découvrir !
Sur cette lancée le
récit,
pris en charge par trois voix successives, brouille les
repères
devenus familiers ; au soleil caraïbe se substituent
les
brumes écossaises ; au
« claquement des
voiles » se substitue le « vent
des
hélices ». Mais ne manquent ni les
« îles perdues », ni
les
« trésors
cachés », ni les
« chansons de marins sous les
étoiles ».
Et sans dissimuler la dette envers son formidable
prédécesseur, Gaspard-Marie Janvier offre au
lecteur un
voyage insolite au cœur d'une originale communauté
insulaire.
Treasure island
s'ouvrait sur un poème To
the hesitating purchaser que démarque,
sur la quatrième de couverture de Quel trésor !
un poème A
l'acheteur hésitant.
De l'une à l'autre de ces adresses se marque le passage du
temps
et la respectueuse distance prise à l'égard d'un
insurpassable modèle.
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EXTRAIT |
Dans
ce hautain royaume de mer, au centre du tourbillon ailé des
seigneurs du ciel, j'étais le seul
pigeon … un vrai
pigeon de basse-cour, aux ailes coupées.
Il
ne sert à rien de raconter par le détail comment
j'improvisai un abri et m'organisai les premiers jours d'exil, cela
ferait un livre lamentable. Les récits de
naufragés
solitaires sont tous les mêmes : faux, mensongers,
apocryphes. Quand on se trouve réellement seul sur une
île, on est dans la mouise, la vraie. Gugà n'est
qu'un
caillou à l'ouest, le plus excentré de l'archipel
hébride. Dans ces parages où la tempête
s'abat d'un
moment à l'autre, je n'avais pratiquement aucune chance de
voir
arriver un bateau. Par beau temps, je discernais les lointains reliefs
de Harris au-delà desquels les phares et les ports assurent
désormais une sécurité raisonnable. La
mission
historique des Stevenson avait bien porté ses fruits, mais
j'étais seul, ironiquement, à ne pouvoir les
goûter.
Les
nuits ? froides, affolantes. Le vent s'insinuait dans tous les
interstices de la hutte de pierre sèche que je
m'étais
approximativement construite. C'était un tas de roches plus
qu'un logis, au sommet duquel j'avais déposé la
caisse.
J'étais certes à peu près confortable
par temps
clément, au chaud sous ma couette naturelle
— il
m'avait fallu rapporter des kilos de plumes puantes à
pleines
brassées —, mais le toit fuyait par les
bords. Je me
réveillais trempé quand il pleuvait,
c'est-à-dire
chaque nuit, les perturbations se succédant.
☐
pp. 147-148 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Robert
Louis Stevenson, « Treasure
island », London : Cassell, 1883
- Robert
Louis Stevenson, « L'île au
trésor » trad. de l'anglais par André Laurie
(Jean-François Paschal Grousset, natif de Corte),
Paris : Jules Hetzel, 1885
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- « L'île
au trésor »
d'après le roman de Stevenson, adaptation et
scénario de
Christophe Lemoine, dessins de Jean-Marie Woehrel, Paris : Le Monde,
Grenoble : Glénat, 2017
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- Robert
Louis Stevenson, « La Chaussée des
Merry Men » trad. de l'anglais par Mathieu
Duplay, Paris : Gallimard (Folio 2€, 4744), 2008
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mise-à-jour : 31 octobre 2022 |
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