Le
phare, voyage immobile / Paolo Rumiz ; trad. de l'italien par
Béatrice Vierne. - Paris : Hoëbeke, 2015.
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165 p. ; 23 cm. - (Etonnants voyageurs).
ISBN 978-2-84230-527-7
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Sur
l'île, je me trouve peut-être devant cette chose
qu'on
cherche à tout prix à nous cacher et qui pourrait
nous
sauver du naufrage : le sens de la limite.
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p. 11 |
NOTE DE L'ÉDITEUR :
Paolo Rumiz n’en est pas à son premier
voyage … Pourtant il s’apprête,
au printemps
2014, à vivre le plus étonnant d’entre
eux. Son
premier voyage immobile. Isolé dans un phare
perché sur
un rocher au milieu de la Méditerranée, avec pour
seuls
compagnons les gardiens.
Et soudain le sentiment
d’être libéré, sans agenda,
sans horaires,
sans aucune connexion avec le monde, enfin loin de tout mais
curieusement peut-être aussi au centre de tout. Un nouvel
univers
où plus rien ne ressemble à rien, où
même
les étoiles ne semblent pas être à leur
place.
Se
consacrant à l’exploration de son minuscule
environnement,
un kilomètre de long sur deux cents mètres de
large, il
raconte la nature, le cri des oiseaux, le silence des poissons. Il
décrit le bâtiment où il loge, la
lanterne du
phare. Il parle tempêtes, orages, vents et fait partager le
quotidien des gardiens, ceux d’aujourd’hui mais
aussi ceux
de jadis.
C’est avec une indéniable volupté
que ceux qui rêvent d’île
déserte et de vie
d’ermite se laisseront entraîner dans ce voyage
immobile
tout en délicatesse, empathie et érudition 1.
1. |
Le voyage immobile
avive
la mémoire et fait surgire à profusion
îles, phares
et livres — de Richard Burton, Catulle,
Hérodote,
Antonio Mallardi ou Stevenson ; Horcynus Orca
de Stefano D'Arrigo, Moby Dick d'Herman
Melville, Omeros de
Derek Walcott … |
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ARMANDO
ALEXIS
: […]
S’arracher
au vacarme de la terre ferme permet quelques réflexions. Un
réseau complexe de lumières faites pour venir en
aide aux
navigateurs exige une certaine idée du monde :
“ Il exclut les jalousies protectionnistes et
considère la mer comme un pont. ”
[…]
☐
Le Monde diplomatique, juillet
2015 [en
ligne]
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EXTRAIT |
Comme
tous les Turcs, [le capitaine] souffrait de claustrophobie, parce que
la mer Égée était
entièrement aux mains des
Grecs. Cette limite maritime, à un mètre de
l'Asie
Mineure, lui communiquait une faim d'archipel que rien ne pouvait
rassasier. En passant entre Cythère et le cap Matapan, avec
la
Crète à deux heures à peine, notre
bateau s'est
dirigé vers Santorin et mon vieux Stambouliote en fin de
carrière, fumant une cigarette sur la muraille, avec une
immense
mélancolie, a commencé à distiller ses
souvenirs
de mer. Ont alors surgi Pantelleria, l'île de Sein en
Bretagne,
Linosa la solitaire, la petite Adalar, au sud de la partie asiatique
d'Istanbul. Et aussi mon île, sauvage et
inhabitée, avec
sa tour de lumière d'une hauteur
phénoménale sur
la mer infinie.
Le phare est venu se rappeler à mon bon
souvenir une vingtaine d'années plus tard, à
Marseille.
Tout en me grisant de parfums, ail, menthe, romarin, j'ai
lié
conversation avec un jeune homme du nom de Lionel, qui était
serveur dans un restaurant du côté des Calanques
et qui
avait été cuistot à bord de cargos
pendant une
dizaine d'années. Il m'a parlé de mille recettes
et
contaminations culinaires qu'il avait chipées ici et
là
en voyageant ainsi. Puis, je ne sais plus comment, l'entretien a
porté sur une île. Il l'appelait
“ le royaume
englouti des poissons ”, en raison de ses fonds
incroyablement poissonneux, mais il ne se rappelait plus son nom.
Toutefois, précisait-il, “ il y avait un
phare ”, à pic, qui comme le rocher des
sirènes, attirait tous ceux qui passaient près de
lui.
J'ai prononcé un nom et il a ri :
“ Oui !
Voilà notre île. ”
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pp. 112-113 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Il
ciclope », Milano : Feltrinelli, 2015
- «
Le phare, voyage immobile », Paris : Gallimard
(Folio, 6626), 2019
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Alessandro
Scillitani, « L'ultimo faro, il viaggio immobile di
Paolo Rumiz », Artemide
Film, 2014
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mise-à-jour : 17
juin 2019 |
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