Eloge
historique et philosophique de mon ami / Bernardin de
Saint-Pierre ; préface de Guillaume
Métayer. -
Paris : Payot & Rivages, 2014. -
74 p. ; 17 cm.
- (Rivages poche, 816).
ISBN
978-2-7436-2832-1
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Quand
il embarque pour l'Île-de-France (Maurice) en 1768, Bernardin
de
Saint-Pierre n'est pas seul et il fait de la place dans sa cabine pour Favori, son chien.
Entre l'un et l'autre, l'entente est parfaite. Favori
est paré de toutes les qualités, mais son
appétit
insatiable de conquêtes féminines l'incite
à faire
de fréquentes fugues. Au soir il est de
retour, toujours aussi attachant.
Mais un jour Favori ne rentre
pas. Bernardin de Saint-Pierre ne le reverra plus et croira la rumeur
selon laquelle Favori
aurait été aperçu à Bourbon
(La Réunion).
De cette amitié
exemplaire, l'écrivain témoignera à
deux reprises au moins. Dans cet hommage
ou l'émotion se dissimule derrière l'ironie et la
parodie d'un genre en vogue à l'époque. Dans Paul et Virginie, qui
se passe à l'Île-de-France, Bernardin de
Saint-Pierre met en scène un chien — Fidèle, le chien de
notre case dont on connaît la fin édifiante.
! |
Favori, l'ami
de Bernardin était un épagneul ; c'est
pourtant le portrait d'un fox qui illustre la couverture du livre. |
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EXTRAIT |
Favori
plaisait aux dames, et il les aimait. […] Fatale
complaisance ! À peine Favori eut-il
goûté
l'ivresse de cette cruelle passion, qu'il ne mangeait plus. La nuit, il
ne faisait que se plaindre ; il haletait, il pleurait. On le
ramenait le soir ; mais dès la pointe du jour il
s'échappait, et courait à une lieue de
là.
Dans
une de ces courses, il me fut enlevé, et j'appris par des
marins
que l'on l'avait vu errer dans l'île de Bourbon.
Oh ! Comme
je l'ai vu combattre entre l'amour et l'amitié !
Sortir,
rentrer, se placer à mes pieds, courir comme s'il avait pris
son
parti ; puis revenir, se coucher, baisser la tête,
remuer la
queue : il semblait me dire : Vous me reverrez ce
soir. Il
eût voulu se partager entre les deux sentiments qui
l'agitaient.
Favori,
si vous vivez encore, puissent les Naïades de Bourbon vous
offrir,
dans vos courses, leurs eaux argentées ! Que les
vents des
tropiques agitent vos soies, et rafraîchissent ce
cœur
où ont brûlé les feux de
l'amitié ! Si
quelque fois, du haut d'un rocher, aspirant l'air, vous appelez, comme
jadis, par vos soupirs, votre maître,
hélas ! perdu
comme vous dans un autre hémisphère, puisse
l'amour vous
consoler de sa perte ! Que les jeunes filles de
Bourbon vous
prodiguent les soins les plus doux. Qu'elles se plaisent à
peigner vos longues soies ; qu'elles vous
dédommagent, par
leurs baisers, de ceux que vous aimiez à recevoir du plus
tendre
des maîtres !
Mais, si vous n'êtes plus, cher
Favori, puissiez-vous donner votre nom à quelque
promontoire ! Puissent vos vertus et votre ami le faire passer
à la postérité !
☐ pp. 72-75 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Eloge historique et philosophique de mon ami », in Œuvres
complètes : Études de la nature, tome
quatrième, Paris :
Méquignon-Marvis, 1818
|
- Bernardin de
Saint-Pierre, « Voyage
à l'Isle de France »
texte augmenté d'inédits avec notes et index par
Robert
Chaudenson, Rose Hill (Île Maurice) : Éd.
de
l'océan Indien, 1986
- Bernardin de
Saint-Pierre, « Voyage à l'île
de
France », extraits in Serge Meitinger et Carpanin
Marimoutou
(éd.), Océan Indien,
Paris : Omnibus, 1998
- Bernardin de
Saint-Pierre, « Voyages à
l'île Maurice et La Réunion »
textes choisis et présentés par Elisabeth Audoin,
Paris : Magellan & Cie, 2004
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mise-à-jour : 23
juillet 2017 |
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