Edouard
J. Maunick, poète métis insulaire / Jean-Louis
Joubert. -
Paris : Présence africaine, 2009. -
94 p. ;
23 cm.
ISBN
978-2-7087-0801-3
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ohé
Caraïbes ! ohé
Césaire !
si
nous échangions nos mornes !
☐ Edouard J. Maunick, Ensoleillé
vif (cité
p. 72) |
Insulaire
de naissance et voué à l'errance par
nécessité intérieure, Edouard J.
Maunick a
construit, sur la tension entre ces deux pôles, une
œuvre
qui lui vaut d'occuper l'une des plus éminentes places dans
la
poésie contemporaine en langue française. L'essai
de
Jean-Louis Joubert présente ce parcours singulier en
éclairant les forces qui l'animent : la parole,
porteuse du
souffle vital ; l'hymne
à la joie d'être métis
(p. 45) et l'aspiration à une
créolité
transocéanique ; l'expérience et le
goût de
l'exil — Maunick s'affirme poète
guetteur d'exil
(p. 50) ;
la célébration
de l'île
(titre du chapitre 6) et, en guise
d'exorcisme, le besoin
de voyager, le rêve de partir
(p. 63) ; la magie des rencontres, où l'on
note le beau dialogue avec Aimé Césaire, du Moi laminaire 1
de l'un au Toi laminaire 2
de l'autre. Neige,
le dernier chapitre, évoque enfin amour et femme. En
écho
à l'invocation du poète :
“ NEIGE TOI
sans fragment possible ”, Jean-Louis Joubert
suggère
en conclusion : “ cette
complétude de Neige fait
d'elle un recours contre toutes les menaces. Le poète
l'appelle
pour conjurer l'exil et surtout la hantise de la
mort ”
(p. 82).
1. |
Aimé Césaire,
“ Moi laminaire ”,
Paris : Seuil, 1982 |
2. |
Edouard
J. Maunick, “ Toi laminaire : Italiques
pour
Aimé Césaire ”, Rose Hill
(Maurice) : Ed.
de l'océan Indien ; Sainte-Clotilde (La
Réunion) : Centre de recherche
indianocéanique, 1990 |
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EXTRAIT |
Les îles sont des escales. On y est
arrivé, parfois
après de longs et douloureux périples, des
voyages au
bout de l'horreur, sans espoir de retour :
traversée au
long cours dans le ventre infâme de bateaux
négriers,
arrachement à l'Inde ancestrale pour venir cultiver la
canne … L'île a proposé son
havre dont on ne
savait pas s'il serait définitif. Le texte d'ouverture
à
l'Anthologie personnelle 1 dit
admirablement ce sentiment que les insulaires sont devenus des
exilés essentiels, partagés pour toujours entre
pays
d'avant et pays d'arrivée : « Nos
ancêtres venaient tous de quelque part ; nous avons
pour
mission de continuer leur exil dans un lieu devenu pays
natal ».
Retenons bien la formulation : « continuer
leur exil ». Toute
l'œuvre poétique de Maunick s'écrit
pour dire le
refus de l'enfermement, l'appel permanent de la mer à de
nouveaux départs. Comme si l'île
générait un
constant besoin de nomadisme. Gilles Deleuze a montré
combien le
nomadisme était constitutif de l'être (post)
moderne. Or
le nomade est moins celui qui change de lieu et prend l'avion tous les
jours que celui qui est habité par tous les lieux du monde,
celui dont l'identité ne s'inscrit pas dans un atavisme
à
racine unique, mais qui laisse se croiser en lui les rhizomes des
appartenances multiples. Le recueil Mascaret 2 dit à
peu près cela dans l'espace d'une strophe :
car la mer nous défend
au lieu-dit de nous-mêmes
n'étaient la prochaine rade
et l'anse ouverte comme ventre
l'exil nous manquerait
le huitième sacrement
Mascaret ou le Livre de la mer et de la mort
L'exil
est le huitième sacrement dans la mesure où il
restitue
l'être humain à sa vocation d'errant
définitif. Ce
qui n'induit pas nécessairement la douleur de l'arrachement
et
de la fracture identitaire. Tous les lieux se conjuguent dans
l'identité de l'exilé : « l'ÎLE
est partout où nous sommes partis »
(Désert-Archipel 3).
☐ pp. 52-53
1. |
Edouard
J. Maunick, “ Anthologie
personnelle ”, Arles : Actes sud, 1989 |
2. |
Edouard
J. Maunick, “ Mascaret ou le Livre de la mer et de
la
mort ”, Paris : Présence
africaine, 1966 |
3. |
Edouard
J. Maunick, ” Désert-archipel (suivi de)
Cantate
païenne pour Jésus-fleuve ”,
Paris :
Publisud, 1982 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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mise-à-jour : 12 avril 2021 |
Né à Flacq (île Maurice) en 1931, Edouard Maunick est mort à Paris le 10 avril 2021. |
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