Voyages
extraordinaires / Lucien ; introduction
générale et
notes par Anne-Marie Ozanam ; textes établis,
traduits et
annotés par Jacques Bompaire et Anne-Marie Ozanam. -
Paris : Les Belles Lettres, 2009. -
XX-476 p. ; 18 cm.
- (Classiques en poche, 90).
ISBN
978-2-251-8000-1-1
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Puisque
je n'avais rien de vrai à raconter,
n'ayant jamais rien vécu d'intéressant,
je me suis adonné au mensonge.
☐
Lucien |
Né
à Samosate (sur l'Euphrate), un siècle environ
avant
l'ère chrétienne, Lucien a mené une
vie de
conférencier itinérant, voyageant en Gaule,
à Rome,
en Grèce et en Egypte. Mais il livre peu d'information sur
ces
contrées et affiche même un dédain
marqué
pour les témoignage de voyageurs : « je ne suis
jamais … allé en Lybie, et j'ai bien
fait » (cité
p. XII).
S'il
se soucie peu de partager sa propre expérience, Lucien met
à profit son imagination pour créer de nouveaux
mondes
à sa fantaisie. Les « Histoires
vraies »
où cette veine s'exprime librement prennent leur essor dans
le
sillage de l'Odyssée :
« Un
beau jour, parti des colonnes d'Héraklès et
faisant voile
vers l'Océan du Ponant, je naviguais par vent
favorable » (p. 43).
Très vite, le vent
se lève et, au terme d'une navigation
débridée,
une première île surgit à
l'horizon ; d'autres
suivront.
Ces
îles échappent aux contraintes
imposées par la nature ou la
société ; les
habitudes acquises y sont perpétuellement
déjouées ; les craintes sans
objet et les
espoirs trompés. L'effet comique est assuré, et
Lucien ne
se prive pas d'en jouer ; mais le recul critique est
privilégié. Des siècles plus tard, ce
sera l'un
des principaux ressorts mis en œuvre aussi bien par Rabelais
que
par Thomas More, Cyrano
de Bergerac ou Swift, dont
la dette à l'égard de Lucien est
considérable, et assumée.
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EXTRAIT |
Lorsque dans notre progression nous eûmes
quitté
l'atmosphère parfumée, nous sentîmes
aussitôt
une horrible puanteur lui succéder, comme d'asphalte, de
soufre
et de poix brûlant à la fois ; on aurait
dit l'odeur
infecte et insupportable d'hommes qu'on faisait griller.
L'atmosphère était
ténébreuse et brumeuse
et il en dégouttait une rosée poisseuse. Nous
entendions
le claquement de fouets et la plainte d'une multitude d'hommes.
Nous
n'approchâmes pas de ces îles, sauf de l'une
où nous
débarquâmes et que je vais décrire. Son
pourtour
était escarpé et abrupt, avec des rochers et des
reliefs
arides, sans aucun arbre et sans eau. Cependant, nous nous
hissâmes dans les escarpements, puis nous
avançâmes
sur un sentier couvert de ronces et truffé de pieux. Le
paysage
était d'une grande laideur. Parvenus à la prison
et
à l'endroit des supplices, nous fûmes d'abord
étonnés par la nature des lieux :
partout le sol
portait une floraison de poignards et de pieux. Des fleuves coulaient
tout autour, l'un de boue, le second de sang et le dernier,
à
l'intérieur des autres, de feu : celui-ci
était
très large et infranchissable, il avait des flots qui
semblaient
liquides et des vagues comme la mer, il contenait de nombreux poissons,
semblables soit à des brandons, soit (pour les petits)
à
des charbons ardents ; on les appelait
« lampions ».
Il
y avait un seul accès, étroit, à
travers tous les
obstacles ; le portier qui le gardait était Timon
d'Athènes. Cependant, nous pûmes passer sous la
conduite
de Nauplios pour observer les supplices de nombreux rois et aussi de
nombreux particuliers dont nous reconnaissions certains. Nous
revîmes Kinyras, enfumé par le feu au-dessus
duquel il
était pendu par le sexe. Les guides nous exposaient la vie
de chacun d'eux et les fautes qui étaient cause de
leur
châtiment. Les punitions les plus graves étaient
réservées à ceux qui avaient dit
quelque mensonge
pendant leur vie et à ceux qui avaient écrit des
contrevérités dans leurs ouvrages, entre autres
Ctésias de Cnide 1, Hérodote
et bien d'autres. À les voir, j'avais donc bon espoir pour
l'avenir, car j'avais conscience de n'avoir dit aucun mensonge.
☐ Histoires
vraies B, pp. 119-121
1. |
“ Ctésias
de Cnide (…) écrivit sur le
pays des
Indiens et sur ce qui s'y trouve des choses qu'il n'avait ni vues ni
entendues de la bouche d'un tiers véridique. ”
Lucien, Histoires
vraies A, p. 41 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Histoires
vraies » in Œuvres
complètes, éd. et trad. par
Anne-Marie Ozanam, Paris : Les Belles lettres, 2018
- «
Histoires vraies » in, Œuvres
complètes (tome II), texte
établi et traduit par Jacques Bompaire, Paris : Les
Belles
lettres (Collection des universités françaises,
384),
Paris, 2003
- « Histoires
vraies et autres œuvres » traduction
nouvelle de Guy
Lacaze, Paris : Librairie générale
française
(Le Livre de poche-Classique, 16117), 2003
- «
Voyage dans la lune et autres histoires vraies » traduction
de
Claude Terreaux, Paris : Arléa (Retour aux grands
textes),
2002
- «
Histoire
véritable » traduction par Michel Tichit,
Paris :
Bertrand Lacoste (Parcours langues anciennes), 1995
- « Histoire
véritable » in, Romans grecs et latins, textes
présentés, traduits et annotés par
Pierre Grimal, Paris : Gallimard (La Pléiade), 1993
- «
Histoire véritable » traduction par Perrot
d'Ablancourt,
Arles : Actes sud (Les Belles infidèles), 1988
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mise-à-jour : 17
octobre 2019 |
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