L'île aux
dames : ébauche pour un roman érotique /
Pierre Louÿs ; préface de Christian
Collinet. - Paris : Éd. 1900, 1988. -
174 p. ; 23 cm.
ISBN 2-7144-4317-6
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En
quelques lignes d'introduction, Pierre Louÿs (1870-1925) dresse
avec rigueur le cadre d'une utopie parfaite et parfaitement
— heureusement ? —
dévoyée :
“ Découverte
en 1623 1
à l'ouest
des Iles du Cap-Vert, par Hercule de […] qui commandait et
conduisait à la Guyane un millier de colons
français sur quatre navires.
Les
deux premiers navires transportaient les colons de
condition avec leurs familles. Le troisième les artisans de
tous métiers, munis de leurs outils. Le quatrième
les putains ; celles-ci, de douze à quinze ans,
fraîches, saines et non vérolées.
La
flotille mouille à l'entrée d'un fleuve. On descend. On
trouve une île d'une végétation
admirable ; pas de moustiques, pas de serpents ; une
race d'indigènes nus, qui accueillent bien les arrivants,
race douce et hospitalière. On décide
de ne pas aller plus loin.
Hercule
est nommé roi. Il fait bâtir d'abord un petit
fortin, puis, maison par maison, la capitale.
Après
un mois, il fait faire l'examen médical de
tous ses sujets et réunit les
vénériens dans le fortin clos, qui saute, comme
par accident, la nuit suivante. Ayant ainsi détruit tout
germe de syph[ilis] et de blenn[orragie], il édicte et
proclame la licence de foutre que l'on trouvera plus loin.
De
là datent les mœurs
particulières de l'île.
Noter
qu'en 1623 le Cabinet Satyrique et le Parnasse
Satyrique sont dans toutes les mains. ”
1. |
Dans l'esprit de Pierre Louÿs,
la référence insistante
à l'année 1623 n'est pas
gratuite ; c'est cette année-là que
Théophile de Viau, auteur du “ Parnasse
Satyrique ”, fut condamné au
bûcher … auquel il put
heureusement échapper. |
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CHRISTIAN
COLLINET
: […]
On notera […] que L'Île
[aux Dames] constitue en partie une parodie
érotique de L'Île Mystérieuse
(1874) de Jules Verne, auteur que Louÿs appréciait
fort. En 1895, n'avait-il pas pris l'initiative d'un hommage rendu par
“ la jeune
littérature ” à l'illustre
romancier pour “ son beau
talent ” ? Mais Jules Verne eût
été passablement ahuri de voir le traitement que
Louÿs avait fait subir à ce roman qui avait
enchanté des générations d'enfants et
d'adultes. On relève cependant, entre les deux
œuvres, certaines analogies qui n'ont rien de fortuit, et
l'une et l'autre commencent identiquement par une chute de ballon sur
une île inconnue. Toutefois, L'Île [aux
Dames] prend à partir de ce moment une direction
sensiblement différente … Sans doute
Louÿs s'était-il avisé que
l'Île Lincoln, sur laquelle avait été
jetés les quatre naufragés de Verne et leur chien
Top, manquait singulièrement de femmes, et que, s'il avait
été à la place des quatre compagnons,
cette absence l'eût fortement incommodé.
Par ailleurs, les
activités d'ingénieur, d'agronome et de
bâtisseeur auxquelles se livrent infatigablement les
héros de Jules Verne ne pouvaient guère
l'intéresser pour ses propres personnages. Aussi
décida-t-il de faire de son île une terre
habitée, bien pourvue en femmes et dont les habitants,
colons ou indigènes, paraissent n'avoir pour unique
occupation que l'exercice de leur sexualité.
On s'explique ainsi que le
roman se présente au début comme un inventaire
circonstancié de L'ïle (que
Louÿs n'a d'ailleurs pas songé à
baptiser), inventaire systématiquement conduit :
histoire, géographie, topographie, coutumes, etc.
[…]
☐ Préface,
pp. 12-13
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Manuel de Gomorrhe [suivi de]
L'île aux dames », Paris : La
Musardine (Lectures amoureuses de Jean-Jacques Pauvert, 77), 2004 — NB : En couverture de
cette réédition, une reproduction de La prière (1930),
photographie de Man Ray.
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mise-à-jour : 2 mai
2005 |

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