Polars dans les îles
des Mers du Sud / Daniel Margueron. - Bulletin de la Sté des
Études Océaniennes [Papeete],
n° 278, octobre 1998. -
[pp. 2-34]. : ill. ; 22 cm.
ISSN 0373-8957
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Avec
« Touriste de
bananes » 1, œuvre à la marge du roman
policier, Simenon a laissé un témoignage fort qui
ne doit pourtant pas éclipser les incursions de ses
confrères dans les eaux polynésiennes. Le premier
mérite de l'étude réalisée
par Daniel Margueron est donc de mettre en lumière les
avatars d'un genre très codifié, quand il se
tourne vers les antipodes.
D'Yvan Audouard 2
à Henri Vignes 3,
le parcours proposé se révèle souvent
pittoresque et donne l'occasion
de relever tous les poncifs du paradis océanien, ou
presque ; exotisme
et dépaysement sont nécessairement au programme.
Mais il arrive qu'un
auteur rue dans les brancards :
“ On m'avait
envoyé à Tahiti, écrit
Jean Meckert, pour
ramener des cartes postales de cocotiers et de vahinés et
j'ai
découvert là-bas un peuple sans droits, pris en
main par des militaires. A son retour, il écrit
un livre sans concession, intitulé La Vierge
et le Taureau qui parut
en 1971 4.
C'est sans doute le roman le plus corrosif et le plus radical de cette
littérature, la charge acide la plus violente non seulement
contre
l'armée, mais contre le système militaro-policier
mis en place pour
contrôler les habitants de la
Polynésie. ”
Le
second mérite de Daniel Margueron est de permettre une
lecture
historique de l'évolution du genre. Depuis les premiers
“ romans
tahitiens ” de Simenon 5,
les îles heureuses du Pacifique ont connu la seconde guerre
mondiale,
la construction d'un aéroport international, l'essor du
tourisme de
masse et l'avènement du Centre d'Expérimentation
du
Pacifique ; tous événements aptes
à renouveler l'inspiration des
spécialistes du polar.
Plus récemment
enfin, Daniel Margueron
met en lumière l'émergence d'une nouvelle
génération. Pas plus
qu'auparavant les auteurs ne sont d'origine polynésienne
mais, c'est
nouveau, ils vivent, ou ont vécu plusieurs
années, en Polynésie. Les
clichés exotiques se font discrets, laissant place
à une écoute plus
attentive de la société locale. Chantal
Kerdilès par exemple vit en
Polynésie depuis 1982 ; dans
“ Voyance sous les tropiques ”
6
son héroïne “ mène
moins une
enquête au sens policier du terme qu'une étude de
mœurs ”.
De Simenon à
Chantal Kerdilès ou Christian Serres 7,
ces œuvres ont en commun de ne pas réduire
l'île à un champ clos — une
forteresse coupée du reste du monde —
comme l'avait fait Agatha
Christie dans les “ Dix petits
nègres ”,
expérimentant une méthode
efficace mais réductrice où
l'insularité joue un rôle déterminant
dans
l'intrigue et dans sa résolution. A l'inverse, le
“ polar des mers du
Sud ” montre une île ouverte,
exposée à tous vents et …
vulnérable. Une
métaphore ?
1. |
Deux rééditions
récentes : Paris : Gallimard (Folio, 1236),
1997 ; Paris : Vertige Graphic, 1998 |
2. |
« Le Vertueux
à Tahiti », Paris :
Plon, 1965 |
3. |
« On complote ...
même à Tahiti »,
Paris : Arthème Fayard, 1962 |
4. |
« La Vierge et le Taureau »,
Paris : Presses de la Cité, 1971. Daniel Margueron
évoque la rédaction du roman (aujourd'hui presque
introuvable), sa publication et ce qui s'en suivit ;
derrière les pans d'une ombre persistante se devine
la trame d'un véritable polar. |
5. |
« Le roi
du Pacifique », Paris : J.
Ferenczi, 1929 |
6. |
« Voyance sous les
tropiques », Papeete : Au vent des
îles, 1997. Chantal Kerdilès avait
précédemment publié
« Chiens
d'atoll », un recueil
de nouvelles (1992, réédité
en 1998) et « Itinéraire
polynésien », un
récit autobiographique (1995,
réédité en 1998). |
7. |
« Une partie de jeu de
l'oie », Colomiers : chez l'auteur, 1997 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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- André
Gain, « Aux
jardins des mers » éd.
augmentée établie par Daniel Margueron,
Papeete : Otaha, 2002
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mise-à-jour : 21
juin 2016 |
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