La vierge et le taureau / Jean
Meckert. - Paris : Presses de la cité, 1971. -
283 p. ; 20 cm.
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On
m'avait envoyé à Tahiti pour ramener des cartes
postales
de cocotiers et de vahinés et j'ai découvert
là-bas un peuple sans droits, pris en main par des
militaires.
☐ Jean
Meckert, cité par Daniel
Margueron |
Apprécié par André Gide,
publié chez
Gallimard à l'instigation de Raymond Queneau puis
enrôlé à la Série noire
par Marcel Duhamel, Jean Meckert (1910-1995) n'a cessé
d'écrire 1
par conviction, exigence de liberté et de justice sociale.
Ses
intrigues policières ont retenu l'attention de
cinéastes
tels Yves Allégret, André Cayatte ou Georges
Lautner,
mais le succès ne l'a jamais grisé :
“ je
suis un ouvrier qui a mal tourné ”,
“ je
ne veux pas être traité en écrivain,
c'est une pose
au-dessus de ma taille ” 2.
Le taureau
est un jeune peintre échoué à Tahiti
sur les
traces de Gauguin ; réfugié dans la
presqu'île, il mène une existence
marginalisée au
sein d'une communauté de hippies adeptes du retour
à la
nature. Premier rôle d'une super-production en tournage
à
Tahiti, la vierge
est une star du cinéma américain, de celles qui
hantent
les rêves masculins. “ La vierge et le
taureau ” qui s'ouvre donc sur une rencontre
improbable,
porte un regard sans complaisance sur une île qui subit les
premiers assauts de la mondialisation — irruption du tourisme
de
masse, mercantilisation des échanges, conditionnement et
normalisation des esprits … Mais à
l'époque,
Tahiti est la proie d'autres démons suite à
l'installation du Centre d'expérimentation
nucléaire du
Pacifique. Tout est en place pour que la trame romanesque permette une
vigoureuse dénonciation de basses manœuvres
associant
scientifiques, militaires et services secrets avec la bienveillante
complicité d'une administration
dévoyée.
En 1974, Jean Meckert fut violemment agressé par
des
inconnus en plein Paris. Miraculeusement rescapé, il gardera
pendant vingt ans de lourdes séquelles — et pensera
avoir
payé pour la sincérité de
son
témoignage. Quant au
“ roman ” il a, par
ailleurs, presque totalement disparu des
librairies …
1. |
Sous son nom et sous divers pseudonymes. |
2. |
Cité par Christine Ferniot, «
Le Céline de la Série noire », Lire,
1er avril 2005 [en
ligne]. |
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EXTRAIT |
CORRESPONDANCE MACKENZIE
(Extraits)
On peut effectivement devenir amoureux de ces îles
et de
leurs bienheureux habitants. La vie est très
chère et on
sent peut-être un peu trop que l'ambition des dirigeants des
complexes hôteliers est de recréer ici un
sous-Waïkiki, bazar et béton, onéreux
mausolée des épiciers du grand tourisme sur le
cadavre du
plus gentil peuple de la planète.
Mais la
gentillesse existe encore. On trouve en dehors de la ville, mais aussi
sur le marché de Papeete, des regards qui paraissent
gonflés de bonté, de santé et de joie
de vivre.
Tous ces gens étaient et sont encore
équilibrés, harmonisés à
leur
extraordinaire environnement. Et j'ai la pénible impression
d'assister à un assassinat projeté à
l'extrême ralenti. Il dure depuis cent cinquante ans, et
durera
peut-être dix ans encore, mais l'âme de ce peuple
est
condamnée sans recours, comme aux Hawaï, parce
qu'elle ne
répond pas aux exigences des ordinateurs de
l'hôtellerie,
des compagnies d'aviation et surtout des militaires.
☐ p. 91 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
Depuis 2005, les
éditions Joëlle Losfeld
rééditent une part de l'œuvre de Jean
Meckert ; La
vierge et le taureau ne semble pas inscrit à
cet intéressant programme.
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- Daniel Margueron, « Polars dans les îles des mers du Sud », Bulletin de la Société des Études Océaniennes | 278 | octobre 1998
- Pierre Gauyat, « Jean Meckert, dit
Jean Amila : du roman
prolétarien au roman noir contemporain »,
Amiens : Encrage, 2013
|
→ Le Maitron
— Dictionnaire des
anarchistes : « Jean
Meckert » [en ligne]
→
Jérôme Garcin,
« Jean
Meckert, l'homme sans passé », Le Nouvel Observateur, 5
juillet 2012 [en
ligne]
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mise-à-jour : 2
juillet
2020 |
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