Agatha Christie

Dix petits nègres

Le Livre de poche - Policier, 954

Paris, 1963

bibliothèque insulaire

   
îles noires
îles désertes
Dix petits nègres / Agatha Christie ; trad. de l'anglais par Louis Postif. - Paris : Le Livre de poche, 1963. - 243 p. ; 17 cm. - (Le Livre de poche, Policier, 954).
Tout cela ressemble étrangement à un roman policier … des plus émouvants …

p. 65

“ Ten Little Niggers ” … le titre original a été très rapidement et violemment critiqué, pour des raisons évidentes — le préjugé racial s'y exprime sans retenue. Des corrections ont donc été effectuées pour la publication aux Etats-Unis : “ And There Were None ” en 1940 1, puis “ Ten Little Indians ”  2 (1964). En 2020, la France s'aligne — une traduction révisée porte un nouveau titre “ Ils étaient dix ” ; dans le texte l'île est rebaptisée (“ île du Soldat ”), et le mot “ nègre ” est systématiquement remplacé ou supprimé.

Ces changements refoulent une image qui court d'un bout à l'autre du roman — où la couleur noire caractérise le mal qui sommeille dans toute âme : “ une autre sorte de Nègre … le fou inconnu et en liberté ” (p. 101). Comme dans la vie la plus banale, chacun des dix invités présents sur l'île tente de blanchir ses propres turpitudes en stigmatisant le responsable de la menace qui hante l'île. L'auteur met en scène un jeu de miroir entre chaque petit nègre qui se sent traqué, et l'autre sorte de Nègre qui sème la mort — l'un d'entre eux, leur semblable.

Le huis-clos insulaire accentue la tension et l'inquiétude. Mais l'île 3 offre un autre atout, déterminant, dont Agatha Christie exploite pleinement les ressources : séparés du reste du monde, les personnages ne disposent d'aucun retrait, d'aucun repli où fuir leurs responsabilités. Chacun est seul face à ce qu'il tente de fuir ; mais “ on n'échappe pas à sa conscience ” (p. 94).
       
1. Quelques décennies plus tard, c'est ce titre qui subsiste aussi bien aux Etats-Unis qu'en Grande-Bretagne.
2. Les dix petits nègres d'Agatha Christie proviennent d'une comptine américaine qui brodait sur les mésaventures de dix petits indiens.
3. Agatha Christie aurait été inspirée par Burgh Island dans le Devon où elle avait fait plusieurs séjours dans un hôtel prisé des classes aisées.
EXTRAITS        L'île du Nègre ! Tout récemment, on ne parlait que de cela dans les journaux ! Toutes sortes d'insinuations et d'étranges rumeurs circulaient au sujet de ce coin de terre entouré d'eau. Sans doute n'y avait-il rien de vrai là-dessous. En tout cas, la maison, construite par les soins d'un millionnaire américain, était, paraît-il, le dernier cri du luxe et du confort.

p. 8
       L'île du Nègre ! On en avait beaucoup parlé dans les journaux … à propos d'une actrice de cinéma … ou bien n'était-ce pas plutôt un millionnaire américain ?
       Somme toute, une île ne coûte pas les yeux de la tête … cela ne convient pas au goût de tout le monde.
       L'idée d'habiter une île paraît très romantique, mais une fois installé là, on ne tarde pas à en constater les désagréments et on est trop heureux de s'en débarasser.

p. 12
       L'île du Nègre. Il se rappelait y avoir été dans son enfance. Une sorte de rocher nauséabond hanté par les mouettes, à quinze cents mètres environ de la côte. Cette île devait son nom à sa ressemblance à une tête d'homme … aux lèvres négroïdes.
       Drôle d'idée d'aller bâtir une maison là-dessus ! C'est horrible de vivre dans un îlot quand souffle la tempête. Mais les millionnaires sont tellement capricieux !

p. 18
       Pour la première fois, ils contemplèrent l'île du Nègre, surgissant de la mer au sud et éclairée par le soleil couchant.
       Surprise, Véra s'écria :
       « Mais nous sommes encore très loin ! »
       Elle se l'était imaginée très différente, toute proche du rivage, couronnée d'une magnifique maison blanche. Mais aucune habitation ne se présentait au regard. On apercevait seulement une énorme silhouette rocheuse ressemblant vaguement à un profil de Nègre. Son aspect lui parut sinistre et elle frissonna.

p. 25
       Le seul mot « île » possède une vertu magique et évoque en votre esprit toutes sortes de fantaisies. En y abordant, on perd tout contact avec le reste de l'univers. Une île représente à elle seule tout un monde ! Un monde d'où, peut-être, on ne revient jamais.

p. 35
       Le général songeait :
       « Bruit monotone … endroit paisible … L'avantage d'une île, c'est l'impossibilité pour le voyageur d'aller plus loin … On est arrivé au bout du monde … »
       Brusquement, il s'aperçut qu'il ne désirait plus s'éloigner de cette île.

p. 75
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Ten Little Niggers », London : Collins Crime Club, 1939
  • « And Then There Were None », New York : Dodd, Mead, 1940
  • « Ten Little Indians », New York : Pocket Books, 1964
  • « Dix petits nègres » trad. de l'anglais par Louis Postif, Paris : Librairie des Champs-Elysées (Le Masque, 299), 1940
  • « Dix petits nègres » nouv. trad. par Gérard de Chergé, in L'Intégrale, Tome 6 (1938-1940), Paris : Librairie des Champs-Elysées (Les Intégrales du Masque), 1993
  • « Ils étaient dix » trad. révisée par Gérard de Chergé, Paris : Ed. du Masque, 2020
  • Pierre Bayard, « La vérité sur Dix Petits Nègres », Paris : Les Éditions de Minuit (Paradoxe), 2019
  • Marie-Paule Raffaelli, « L'île du nègre d'Agatha Christie sous les vagues du mystère, de la folie et de la mort »  in Alexandra W. Albertini et Jacques Isolery (dir.), Le polar insulaire, Paris : Pétra (Fert'îles), 2017 

mise-à-jour : 26 août 2020
Agatha Christie : Dix petits nègres
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