Tergiversations et
rêveries de l'écriture orale, Te Pahu a Hono'ura
/ Flora Devatine ; préface de Bernard Rigo. - Papeete :
Au Vent des îles, 1998. - 232 p. ; 20 cm.
ISBN 2-909790-69-X
|
NOTE DE L'ÉDITEUR :
Entre poésie et prose, cet ouvrage est un ensemble de réflexions sur
l’écriture. Questions autour desquelles l’auteur, au milieu du gué qui
partage oral et écrit, tourne et tourne encore, comme pour faire tomber
un « pa », mur masquant ou barrant la rive de l’écriture : une manière
d’exhorter les autres membres du groupe à la rejoindre et à effectuer
les rites de passage qui permettraient de sauvegarder la Mémoire, de
lui faire franchir ce gué afin d’atteindre la Terre promise de
l’Écriture. ❙ | Flora
Devatine, née Aurima, est née le 16 octobre 1942 au Pari
(Tautira, presqu’île de Tahiti). Sa longue carrière
est l’image même de son fidèle attachement à
son peuple et sa culture : professeur d’espagnol et de
tahitien au Lycée-Collège Pomare IV (Papeete) de 1968
à 1997, membre de l’Académie Tahitienne
— Te Fare Vana’a — depuis sa
création, en 1972. Elle fut nommée
Déléguée d’État à la Condition
Féminine de 1979 à 1984. Elle est membre
d’associations féminines et culturelles. À cette
riche carrière professionnelle s’ajoutent ses travaux de
poète et de chercheur : en tant que
“ personnalité extérieure ”, elle
fut chargée de cours au Service de la Promotion Universitaire
puis à l’Université française du Pacifique
de 1987 à 1995, y enseignant notamment la poésie
polynésienne. Flora Devatine est la première directrice
(2002-2007) de la revue Littérama’ohi,
Ramées de Littérature Polynésienne, l’un des
fruits d’un groupe “ apolitique
d’écrivains polynésiens associés
librement ”, comprenant Flora Devatine et Patrick Amaru,
Michou Chaze, Danièle-Taoahere Helma, Marie-Claude
Teissier-Landgraf, Jimmy Ly et Chantal T. Spitz. Flora Devatine est
aujourd’hui Présidente de l’Association Groupe
Littérama’ohi. Flora Devatine mène sur tous les
fronts un combat pour la reconnaissance d’une
“ Conscience Polynésienne ”. |
|
SERGE DUNIS : La Polynésie nouvelle
est arrivée ! L'excellente introduction de Bernard
Rigo répète l'expression quatre fois : « en
final », Raphaël Confiant dirait : « en
final de compte » … voici la fin des polyniaiseries.
Comme l'auteur martiniquais couronné par le Prix Novembre,
Flora Devatine délaisse sa langue natale pour nous éclabousser
de sa maîtrise du français, acte de naissance de
sa « Nouvelle-Polynésie » :
avènement de la créolité des antipodes,
« à l'image du peuple lui-même, peuple
patchwork, cosmopolite » depuis l'arrivée de
Wallis en 1767.
[…]
Au carrefour de l'oralité
et de l'écriture, il fallait une oratrice pour oser clamer
telle harangue : « Je veux remonter à
la source de tous les cris ». Tout l'écrit !
Nous voici transportés, en français, dans les joutes
verbales des Maoris, intelligent succédané de combats
plus meurtriers, oral de passage, rhétorique de haut parage,
« laissant tomber les barrières entre les langues,
passant de l'une à l'autre, les tressant, les métissant »,
établissant le lien entre nouveaux venus et tangata
whenua, donnant accès à la cour sacrée.
La Polynésie nouvelle est arrivée !
[…]
|
MOHAMED AIT AARAB : Si l'écrivain
africain Sony Labou Tansi pouvait, à juste titre, affirmer
qu'il écrivait en français et pensait en congolais,
Flora Devatine incontestablement transcrit avec des mots français
une vision du monde qui n'est pas occidentale et qui échappe
au lecteur habitué à une certaine écriture
où le mélange des genres n'est pas de mise.
En 1997, elle s'interrogeait
sur la possible trahison de l'écrivain polynésien
qui choisissait de « s'exprimer dans une autre
langue que celle de sa mère ».
[…] Aujourd'hui, ce dilemme semble avoir été
surmonté et la question qui traverse tout le livre est bien
plus celle de l'inspiration et des difficultés de
la gestation littéraire. […] L'écriture
devient paradoxalement un outil pour renouer avec la parole perdue des
Ancêtres et retrouver le « souffle [des] profondeurs antiques ». Car
ce qui hante Flora Devatine est « l'aventure,
dans l'inconnu, de l'écriture polynésienne », une
écriture qui reste toujours à inventer.
[…]
Le livre de Flora Devatine laisse
entrevoir quelques directions vers lesquelles pourrait s'engager
l'écriture polynésienne, mais rien ne semble encore
définitif, tranché, tant il est difficile de :
quitter l'espace
de sa pêcherie
Ou de son fa'a'pu
Pour en conquérir
un nouveau,
Y semer, en substance,
ce qu'il faut de subsistances
Pour entretenir l'avenir
!
|
EXTRAIT |
[…]
Reprendre la tresse des nates
Là où
on l'avait laissée !
Remonter le chemin un peu plus
haut
Que là où
on l'avait quitté !
Reprendre le mur en blocs de
corail
Là où
il s'est effondré !
Déblayer le passage rendu
infranchissable
Dégager le lit d'écoulement de la rivière … !
☐ p. 83
|
|
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - «
Problèmes rencontrés en Polynésie pour la
conservation du patrimoine culturel et le développement des
cultures océaniennes : évaluation et propositions
» (UNESCO, 1977), Bulletin de la Sté des études
océaniennes (Papeete), n° 206, mars 1979
- « Humeurs »
sous le pseudonyme de Vaitiare, Papeete : s.n., 1980
- « La mémoire polynésienne, une création »,
in La Mémoire polynésienne, l'apport de l'Autre, actes du Colloque organisé
par l'association Racines (Musée de Tahiti et des îles,
13-14 mars 1992), Papeete : Racines, 1992
- « Récit d'une
communication avec les esprits hi'ohi'o sur deux
pratiques magiques : la parole et l'écriture »,
in Sylvie André (dir.), Magie
et fantastique dans le Pacifique, actes du Colloque organisé
par l'Université française du Pacifique (Papeete,
1-3 juin 1993), Papeete : Haere po no Tahiti, 1993
- « Rarahu, ou Le mariage
de Loti », in Supplément
au Mariage de Loti, Bulletin de la Sté des études
océaniennes (Papeete), n° 285-287, avril-septembre
2000
- « Te tino ? Le corps ? », in [Laboratoire de recherche en sciences humaines], De l'écriture au corps, Papeete : Au Vent des îles (Bulletin du LARSH, 1), 2002
- « De la confrontation
à l'héritage », in Riccardo Pineri (dir.),
Paul Gauguin, héritage
et confrontations, Actes du colloque international organisé
les 6, 7 et 8 mars 2003 par l'Université de la Polynésie
française, Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Le Nom dans les
langues polynésiennes », in Serge Dunis (dir.),
Mythes et réalités
en Polynésie, II : Éloge du métissage,
Papeete : Haere po, 2003
- « Le Temps-espace », in [Laboratoire de recherche en sciences humaines], L'espace-temps, Papeete : Au Vent des îles (Bulletin du LARSH, 2), 2005
- « Langues, oralité, litterama'ohi : ramées de littérature(s) », in Tahiti : regards intérieurs, textes réunis par Elise Huffer et Bruno Saura, Suva (Fidji) : University of the South Pacific, 2006
- « Three poems »
translated by Jean Toyama, in Frank Stewart, Kareva Mateata-Allain
and Alexander Dale Mawyer (ed.), Varua tupu : new writing
from French Polynesia, Honolulu : University of Hawai'i
press (Manoa), 2006
- « Le charme », in [collectif], Partir sans passeport, Fort-de-France : Desnel, 2011
- « Au vent de la piroguière ; Tifaifai », Paris : Bruno Doucey (L'Autre langue), 2016
- « Le
fleuve caché » poème de Flora Devatine
accompagnant des acryliques d'Annick Le Thoër — coll. Le Livre pauvre (Daniel Leuwers), 2018
| →
Flora Aurima-Devatine, Estelle Castro-Koshy,
« Poétiques, éthique et transmission sur la
toile : l’univers littéraire et le patrimoine
culturel de Flora Aurima-Devatine, Nathalie Heirani Salmon-Hudry et
Chantal Spitz », Anthrovision, 4.1 | 2016 [en ligne] | Sur le site « île en île » : dossier Flora Devatine |
|
|
mise-à-jour : 30 mai 2019 |
| |
|