Le
monde est dans la tête / Christoph Poschenrieder ;
trad. de
l'allemand par Bernard Lortholary. - Paris : Flammarion, 2012.
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319 p. ; 22 cm.
ISBN
978-2-0812-4747-5
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Considérons
(…) le rôle important que joue l'amour,
à tous ses
degrés et à toutes ses nuances, non seulement au
théâtre et dans les romans, mais aussi dans le
monde
réel (…) ; à toute heure il
vient interrompre
les occupations les plus sérieuses ; parfois il
trouble
pour quelque temps les têtes les plus hautes.
☐ Arthur
Schopenhauer, Métaphysique
de l'amour :
Le Monde comme volonté et comme représentation,
Supplément au Livre quatrième (1844) |
En 1818
Schopenhauer, âgé de trente ans, vient de conclure
Le Monde
comme volonté et comme représentation
dont il souhaite hâter la publication. Lassé par
les
atermoiements de son éditeur, il quitte l'Allemagne pour
Venise
où, muni d'une recommandation de Goethe, il
espère
rencontrer Lord Byron alors en pleine
gloire.
Christophe Poschenrieder imagine les
péripéties du voyage de Dresde
en Italie, puis les quelques mois du séjour à
Venise.
Après s'être débarrassé d'un
cicerone trop
entreprenant, Schopenhauer découvre la ville en compagnie du
chien Ciccio, accable son éditeur de lettres acerbes et
s'expose
aux tracasseries d'une police autrichienne tourmentée par
les
intrigues des carbonari et
autres … brahmanes. Toutes
occasions propres à montrer le philosophe aux prises avec
les
contingences de la vie
quotidienne.
Dans ce registre, l'aventure
amoureuse avec Teresa occupe la première place. On en
retient
une promenade sur la plage du Lido alors que passe un cavalier qui
n'est autre que Byron ; Schopenhauer lui-même a
raconté la scène à son ami le
compositeur Robert
von Hornstein 1.
Combien de lecteurs, une fois parvenus au
terme du roman, souhaiteront-ils lire (ou relire) Le Monde comme
volonté et comme représentation ?
Combien le feront en suivant les conseils de l'auteur :
« lire le livre deux
fois », non sans avoir
lu au préalable De
la quadruple racine du principe de la raison suffisante ;
Essai de philosophie, et
non sans connaître les « ouvrages
principaux de
Kant », non sans « avoir
fréquenté
l'école du divin Platon », ni sans avoir
« reçu le bienfait de la connaissance des Védas » ?
1. |
« J'étais
allé me promener au Lido avec mon aimée, quand ma
Dulcinée s'écria dans la plus grande
excitation : Ecco
il poeta inglese ! Byron
passa devant moi au galop de son cheval et la Donna ne put, de toute la
journée, oublier cette impression. Mon parti fut pris
dès
lors de ne pas remettre la lettre de Goethe : j'eus peur des
cornes. » — cité et traduit par
Théodore
Ruyssen, « Schopenhauer » (1911),
rééd. Paris : L'Harmattan, 2004,
pp. 41-42. |
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EXTRAIT |
Longeant
le bord de l'eau, un cavalier approchait. Le temps de quatre ou cinq
respirations, et Schopenhauer put distinguer le bras tenant la
cravache, et puis comment celle-ci frappait. Quatre autres
respirations, et il sentit la vibration des sabots dans ses coudes et
jusque dans ses épaules. Homme et cheval
passèrent au
grand galop. Des parois du trou dans le sable se
détachèrent de petites avalanches. Teresa
sursauta,
ôta le châle de son visage, plissa les yeux et
regarda le
cavalier s'éloigner.
Eh,
Milordo, eh ! cria-t-elle, comme s'il allait
tirer sur ses rênes et mettre pied à terre.
Regarde donc, c'est Lord Byron.
Il famoso poeta inglese !
Et ça, c'est le meilleur ami de Byron,
dit Schopenhauer.
Il
montrait le chien de berger sans queue qui arrivait haletant avec
quelque retard, fouissant le sable de ses grosses pattes, et qui les
lorgna avec méfiance avant de s'affaler près de
la
carcasse de barque. Teresa considéra le chien un moment et
dit : On attend là jusqu'à ce qu'il
revienne.
Est-ce bien nécessaire ?
C'est nécessaire.
Il se laissa aller sur le dos et se tut, un peu
contrarié.
C'était la première fois qu'il emmenait en
promenade sa
dulcinée vénitienne, il avait
préparé vin,
pain et saucisse (de Carlo), loué une belle gondole avec son
gondolier, choisi pour but le sable doré du Lido
— et
la première extase qui faisait frémir sa dame en
sa
présence était due à Byron.
Un héros a honte de toute plainte, murmura-t-il,
sauf de
la plainte d'amour, car en elle ce n'est pas lui qui gémit,
c'est l'humanité toute entière.
Comment ? dit Teresa. Ne me parle pas en
allemand !
Rien.
☐ pp. 201-202 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Die Welt ist im
Kopf », Zürich : Diogenes, 2010
|
- Arthur Schopenhauer, « Le monde comme volonté et comme représentation »
édition revue et corrigée avec une préface de
Clément Rosset, Paris : P.U.F. (Quadrige), 2014
|
- Théodore
Ruyssen, « Schopenhauer »,
Paris :
Félix Alcan, 1911 ; Paris : L'Harmattan,
2004
- Giuseppe Tomasi
di Lampedusa, « Byron »,
Paris : Allia, 1999
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mise-à-jour : 21 février 2022 |
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