Terres
promises / Milena Agus ; traduit de l'italien par Marianne
Faurobert. - Paris : Liana Levi, 2018. -
174 p. ;
21 cm.
ISBN 979-10-349-0007-7
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
:
La terre promise, tout le monde la cherche. Pour Raffaele, de retour en
Sardaigne juste après la guerre, elle se situe sur le
Continent. Mais
une fois là-bas, Ester, sa jeune épouse, a le mal
du pays, elle qui
était pourtant si pressée d’en
partir … Alors la famille y retourne.
Leur fille, Felicita, s’adapte aux humeurs locales et
s’initie avec la
même conviction au communisme et au sexe. De ses amours
naîtra
Gregorio, drôle de petit bonhomme qui trouvera sa voie dans
la musique.
Au fil des ans et des rencontres, ils avanceront dans leurs vies
imparfaites, croisant la route d’autres êtres en
quête de bonheur. Pour
tous, Felicita est l’indispensable pivot. Car à
ses yeux les gentils ne
sont pas des perdants et la terre promise est au coin de la rue. Une
saga familiale décalée, portée par une
héroïne qui ressemble comme une
sœur à Milena Agus.
❙ |
Milena Agus vit et enseigne à Cagliari,
où elle est née ; de ses romans elle
dit : C’est
ainsi que je vois la vie, misérable et merveilleuse
… |
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Sans
considération pour les lourds systèmes utopiques,
chacun des
personnages de Milena Agus rêve d'une terre
promise : Cagliari et la
plage du Poetto ou l'Amérique — autant de
promesses d'un bonheur à
portée de main, juste
à côté 1.
Certains ne parviennent pas à saisir cette chance :
née en Sardaigne,
Ester rêve de vivre sur le continent et déchante
aussitôt qu'elle y a
pris pied.
Felicita,
la fille d'Ester, croit fermement à la
possibilité d'atteindre la terre promise — affaire
de volonté :
les tourments du monde ne
l'épargnent pas, mais rien n'érode sa
détermination. Contre les amours
déçues, contre la maladie
— envers et
contre tout, elle résiste, quitte à passer pour
une béate
optimiste :
“ peut-être que je suis un peu
différente, en effet. C'est-à-dire qu'il
m'arrive de penser et d'agir d'une manière pas tout
à fait normale. Du
reste, on dirait que le monde normal, tel qu'il est, ne produit que des
épaves (…). Il faudrait s'entraîner
à penser et à agir d'une façon tout
à fait différente et voir si le monde
change ” 2.
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EXTRAITS |
Seul
Raffaele s'entendait bien avec sa belle-mère. Ils ne se
disputaient qu'au sujet de la mer, que la vieille n'avait jamais vue et
dont elle n'était absolument pas curieuse.
Si elle avait
vécu à l'intérieur des terres,
Raffaele l'aurait
excusée, mais Cagliari et la plage du Poetto, une
étendue
de dunes blanches longue de douze kilomètres,
n'étaient
qu'à une heure de son village. Il était
prêt
à l'accompagner quand elle voulait jusqu'à cette
terre
promise si proche de chez elle. Mais la grand-mère haussait
les
épaules pour signifier qu'elle avait mieux à
faire et
qu'elle se moquait bien de Cagliari et de la mer.
Puis elle tomba
gravement malade. Elle dut alors accepter qu'on l'emmène
chez le
médecin à Cagliari, et son gendre et sa
petite-fille
décidèrent de passer devant la plage du Poetto.
À
l'aller, la grand-mère s'accrocha à son fichu de
laine
noire qui lui servit d'œillères. Mais au retour,
Raffaele,
qui s'était entendu avec Felicita pour la prendre par
surprise,
arrêta la voiture au bord de la route, et tous deux la
traînèrent de force sur la plage, tandis qu'elle
se
débattait en les maudissant.
La voici, la mer, son espace et
son silence infinis. Prisonnière des bras de ses ravisseurs,
la
grand-mère la considéra d'abord d'un
œil
méfiant, hostile, et probablement coupable, car cette halte,
qui
lui semblait aussi inutile qu'extravagante, se faisait aux
dépens de ses devoirs quotidiens.
Puis, le visage
fermé et l'air rogue, elle s'assit,
résignée, sur
le sable. Alors ils la lâchèrent. Ils s'assirent
à
ses côtés sans faire mine de vouloir bouger. Sa
petite-fille, cette cervelle de moineau, lui montrait la mer,
extasiée, en lui disant :
« Grand-mère,
tu n'as pas l'impression d'être arrivée dans un
monde
parfait ? »
☐ pp. 64-65 |
Partis
de Harlem à l'aube, ils arrivèrent à
l'heure du
premier embarquement pour Ellis Island qui émergeait de
l'eau,
nimbée d'une brume violette. Ils durent courir pour ne pas
rater
le ferry. Au bout de la rue se dressait l'étroite silhouette
des
gratte-ciel, nette comme des traits de plume. Environnée de
nuées d'oiseaux, le ferry s'approcha de la statue de la
Liberté et accosta à Ellis Island. Dans le
musée,
ils se reconnurent. C'était ça
l'Amérique, et
Felicita se mit à pleurer. « Toi qui ne
pleures
jamais, l'interrogea Gregorio, pourquoi maintenant ?
— Je ne sais pas. »
En
réalité, elle le savait. Elle avait fondu en
larmes parce
qu'une foule d'images lui était revenue d'un coup. Il y
avait
là, pêle-mêle, la machine à
coudre d'Ester et
son inutile robe de mariée, les faire-parts jaunis
annonçant son mariage avec Sisternes, les papiers salvateurs
des
arrière-grands-parents de Judith fuyant Hitler et le visa
sur le
passeport de Gregorio, La
Grande Encyclopédie du jazz de son
père, le piano du quartier de la Marina à
Cagliari.
☐ p. 151 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Terre promesse », Milano : Nottetempo, 2017
- « Terres
promises », Paris : Liana Levi (Piccolo,
147), 2019
|
- « Mal de pierres
», Paris : Liana Levi, 2006
- « Battement d'ailes
», Paris : Liana Levi, 2008
- «
Mon voisin », Paris : Liana Levi, 2009
- «
Quand le requin dort », Paris : Liana Levi, 2010
- «
La comtesse de Ricotta », Paris : Liana Levi, 2012
- «
Sens dessus dessous », Paris : Liana Levi, 2016
- « Une saison douce », Paris : Liana Levi, 2021
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mise-à-jour : 25 février 2021 |
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