Neige
sur Ballyglass House / John Banville ; traduit de l'anglais
(Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch. - Paris : Robert
Laffont, 2022. - 413 p. ; 22 cm. - (Pavillons). ISBN 978-2-221-25511-7
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| Qui était l'observateur, lui-même ou celui qui lui était brièvement apparu ?
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p. 92 | |
John
Banville semble avoir pris plaisir en écrivant ce roman
où se fondent les deux veines de son œuvre, celle qui a
établi sa première notoriété, et celle plus
récente où, sous le pseudonyme de Benjamin Black, il
s'est essayé au roman noir.
L'amorce du récit ne prête pourtant pas à
rire : l'assassinat et l'effroyable mutilation d'un prêtre
catholique.
Mais le corps du très apprécié père
Tom Lawless a été retrouvé dans la
bibliothèque de la résidence du colonel Osborne, à
“ Ballyglass House, siège héréditaire
des Osborne, de l'ancienne baronnie de Scarawalsh du comté de
Wexford ”. Pour tenter de ne pas envenimer une affaire aussi
délicate, le Chief Superintendent Hackett à Dublin avait confié l'enquête au Detective Inspector
Strafford, protestant originaire du comté de Wexford
— choix judicieux, mais discrètement
contesté : “ flic et protestant …
cette association sonnait mal ”.
L'enquête
progresse, déjouant les manœuvres de l'archevêque — petit vieillard aussi redoutable que Torquemada —, éventant mensonge après mensonge,
jusqu'à démasquer les responsables du crime et dévoiler leurs
mobiles ; et, surtout, jusqu'à mettre en lumière
les effets toujours lourds des turpitudes du passé
— la colonisation anglaise puis l'emprise du clergé
catholique dans toutes les têtes et à tous les niveaux de
la société irlandaise.
Antidote aux petites et grandes horreurs qui
font la trame du roman, John Banville et ses personnages s'attachent
aux présences animales : un rouge-gorge (est-ce toujours le
même ?), des moineaux, pies, grives et merles, une chouette, un
lapin blanc, un chien, des moutons — avec “ leurs
yeux … pleins d'intelligence … qui exprimaient une
résignation stoïque teintée de l'incurable honte que
leur valait leur situation difficile, avatars d'une race ancienne,
ignominieusement poussés sur [une] route de campagne par un
morveux armé d'un bâton ”. ❙ | Né
à Wexford en 1945, John Banville vit à Dublin. Depuis ses
débuts, l'œuvre de cet “ orfèvre des
mots ” a été récompensée par de
nombreux prix littéraires, parmi lesquels le prix Prince des
Asturies 2014 pour La Lumière des étoiles mortes. |
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EXTRAIT |
Dans
ce pays, les prêtres ne se faisaient pas assassiner, c'est tout,
et en tout cas pas dans un endroit comme Ballyglass House.
L'Église Catholique — les autorités en d'autres
termes — jouerait des coudes pour se saisir de ce cas. On
étoufferait l'affaire, on servirait un mensonge plausible
à la population. Mais dans quelle mesure pourrait-on enterrer ces
faits ? C'était toute la question. S'il était facile
d'expédier un jeune trop remuant en maison de correction ou
d'affecter une jeune fille enceinte à la buanderie d'un couvent,
on ne pouvait pas faire comme si la mort d'un curé
n'était rien.
Oui, une drôle d'affaire. Il savait
très bien que c'était pour cette raison que Hackett […],
son supérieur à Dublin, la lui avait confiée. “ La
région et ce milieu n'ont pas de secrets pour vous, lui avait
dit Hackett le matin même au bout du fil. Vous êtes du coin, ils vous parleront. Bonne chance. ”
En l'occurence il lui faudrait plus que de la chance.
☐ p. 46 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Snow », London : Faber & Faber, 2020
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- John Banville, « Le livre des aveux »,
Paris : Flammarion, 1994
- John
Banville, « Le Monde d'or »,
Paris : Flammarion, 1994
- John
Banville, « Infinis »,
Paris : Flammarion (Pavillons), 2011
- John
Banville, « La
guitare bleue », Paris :
Flammarion (Pavillons), 2018
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mise-à-jour : 26 octobre 2022 |
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