Jacques
Stephen Alexis, ou Le voyage vers la lune de la belle amour
humaine / Michel Séonnet. - Toulouse : Pierres
hérétiques, 1983. - 175 p. : ill. ;
25 cm.
ISBN 2-86748-001-9 |
MORBRAZ (PHILIPPE BERNARD) : Ce livre étrange paru en 1983, Jacques Stephen Alexis ou Le voyage vers la lune de la belle amour humaine
se présente, à mon sens, comme le prototype d’une
“ écriture haïtianisée ”.
Cette singularité n’a d’ailleurs pas
échappé à Frankétienne, qui, à sa
manière, y fait référence dans D’un pur silence inextinguible, premier mouvement des Métamorphoses de l’Oiseau schizophone,
(…) : “ Dans le voyage des pierres rituelles
vers le pays des lunes hérétiques, le ciseleur de
métaphores sculpta le visage de la Belle Amour humaine.
Alexé de merveilles, il traversa joyeusement la
virtualité vertigineuse des faux miroirs ” (1).En
effet, Séonnet se glisse dans la peau d’un
“ compose ” ou d’un
“ simidor ”, tireur de contes, collègue en
Caraïbe du griot africain. Alexis, dans son Romancero aux étoiles,
avait déjà confié le flot de la parole au
neveu et disciple du “ Prince des composes ”, le
Vieux Vent Caraïbe. À lui maintenant de
“ rivaliser d’invention ” en
s’inspirant des contes et mythes haïtiens pour redonner vie
aux personnages créés par Jacques Stephen. Séonnet
va convoquer une foule de témoins pour célébrer la
grandeur de son maître-écrivain. Il va créer un
livre-conte dans la grande tradition orale, un flot de poésie
parlée, chargé de la fantaisie surnaturelle du
réel-merveilleux, piqueté d’humour, pailleté
d’amour, entrelacé de rêves, émerveillant les
petits, humectant la paupière des anciens, fixant sur la
pellicule de notre imaginaire le charme d’un cliché
d’une Haïti onirique. Quatre longues veillées seront
nécessaires à l’évocation :
“ Naissances ”, “ Exils ”,
“ Retours ” et “ Haïti,
enfin ? ” avec ce néfaste point
d’interrogation qui demeure comme une plaie qui ne veut pas
cicatriser. La dernière question de cette ultime
veillée : “ Mort où est ta
naissance ? ” paraphrase d’une part le titre
d’un roman de l’académicien, historien
français du christianisme Daniel-Rops, mais surtout la question
existentielle proférée par l’apôtre Paul dans
sa première “ lettre aux Corinthiens ”
(15-55) : “ Mort où est ta
victoire ? ”. Le “ Compose ”,
fort versé en art de syncrétisme, jongle ainsi
très habilement avec les pages du Livre qu’il soumet
à la frénésie des tambours, à la transe des
danses, au sang versé du coq.(…)Voilà
un livre magnifique, un bonheur de lecture, malheureusement
épuisé, y aurait-il dans la salle un éditeur
amateur de belles pages ? (2)☐ Mardi 2 Mars 2010 [en ligne]
1. | Frankétienne, “ D'un pur silence inextinguible ”, p. 77 (Vents d'ailleurs, 2004). | 2. | Vœu prochainement exaucé : le titre reparaîtra en 2022 aux éditions de L'Amourier. | | |
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Michel
Séonnet est né à Nice en 1953. Il a longtemps
accompagné le travail d'Armand Gatti dont il a publié et
préfacé les œuvres aux Éditions Verdier. Il
a mené des actions publiques d'écriture et de
création dans de nombreuses villes et particulièrement
avec des personnes en difficulté. — Maison des écrivains et de la littérature |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Jacques Stephen Alexis, « Compère
général soleil »,
Paris : Gallimard, 1955, 1982, 1992 ;
Port-au-Prince : Éd. des Antilles, 1994
- Jacques Stephen Alexis, « General Sun, my brother »
translated and with an introduction by Carrol F. Coates,
Charlottesville : University press of Virginia, 1999
- Jacques Stephen Alexis, « Les arbres musiciens »,
Paris : Gallimard, 1957 ; Port-au-Prince :
Éd. Fardin, 1986
- Jacques Stephen Alexis, « Romancero aux étoiles », Paris : Gallimard, 1960 ; Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 194), 1988
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| Sur le site
« île
en île » : dossier Jacques
Stephen Alexis |
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mise-à-jour : 13 décembre 2021 |
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