Magie noire / Paul Morand. - Paris : Grasset, 2016. - 221 p. ; 19 cm. - (Les Cahiers rouges, 67). ISBN 978-2-246-86096-9
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| “ si
je vais à Haïti (...) il se peut que je veuille
écrire ou réinventer la vie d’un Mussolini noir
(moderne) ”
Paul Morand, lettre à Carl Van Vechten (29 avril 1927), citée par Jocelyne Rotily in “ Paul Morand au temps du Harlem Renaissance et de la vogue nègre ” [en ligne] | |
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Dans Le Tsar noir, Paul Morand s'inspire de l'occupation d'Haïti par les États-Unis au début du XXe
siècle, et imagine, après le départ des troupes
américaines, la prise de pouvoir d'un jeune garçon qui
rêve de devenir le “ Lénine noir ”.
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DANIEL-HENRI PAGEAUX : En plein XXe
siècle, alors que Haïti connaît depuis 1915
l'occupation américaine, la courte nouvelle de Paul Morand
“ Le tsar noir ” qui fait partie de la suite
intitulée Magie noire
[…] apparaît comme l'une des dernières images
négatives et polémiques d'Haïti, dans le temps
même où se développe en Occident une
négromanie souvent ambigüe (musique, danse et arts
nègres, Joséphine Baker, jazz et negro spirituals). En
racontant l'ascension puis la chute d'un avocat de Port-au-Prince, au
nom caricatural d'Occide, Paul Morand fait coup double : il
instille par touches répétées un solide racisme
anti-noir et dresse un réquisitoire anti-bolchévique,
avec le portrait-charge d'un petit Staline tropical. Occide,
“ une belle brute de mulâtre ”, un
“ nègre peau-fin ” et encore
“ un parvenu de la peau, comme disent les
Blancs ”, est ambitieux, lubrique. Arrivé au pouvoir,
il se fait appeler Wladimir, il se passe le crâne au papier de
verre et se laisse pousser une barbiche pour mieux ressembler à
Lénine … Il débaptise la capitale, la nomme
Octobreville et a le temps d'avoir cent-vingt enfants naturels. Cette
pochade singulière, écrite en trois semaines, entre
Port-au-Prince et Palm Beach (Noël 1927), confirme des positions
politiques dont Paul Morand n'a jamais fait mystère. Mais ici
l'idéologie s'exprime par des moyens […] grossiers.
☐ Notre Librairie, 132, octobre-décembre 1997
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JACQUES ROUMAIN : Devant
la cabale soulevée contre Paul Morand, une question
s'impose : (…) [le] droit de critique, de satire, est-il
réservé aux seuls écrivains nationaux et un
romancier étranger doit-il être par définition un
apologiste ?
☐ “ Défense
de Paul Morand : un écrivain étranger ne saurait
être par définition un apologiste ”, Le Petit impartial, 19 mai 1928, réédité in Œuvres complètes, Madrid, Nanterre : Allca XX, 2003 — pp. 469-471
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EXTRAIT |
Peu
à peu, Occide rêva d'être une sentinelle à
l'avant du monde noir, un canon chargé posé sur la tempe
des États-Unis 1.
Haïti serait le “ négatif ” de
Moscou … À cette idée, son orgueil immense de
nègre trempait dans l'ineffable … En jetant, huit
ans plus tôt, sa bombe sous le club américain, il avait
exercé non pas une vengeance personnelle, poursuivi non pas une
œuvre nationale (comme l'avaient pensé les grands
électeurs de Port-au-Prince qui l'avaient porté à
la présidence — et qui, d'ailleurs, aujourd'hui
regrettaient leur décision) : il avait été,
avant la lettre, un militant bolcheviste.
☐ p. 38
1. | Comme, plus tard, Cuba … |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Le tsar noir », La Revue de Paris, 15 avril 1928
- « Le tsar noir », in : Magie noire, Paris : Grasset (Les Cahiers verts), 1928
| - Paul Morand, « Monsieur Dumoulin à l'isle de la Grenade :
description vraie et pittoresque d'un voyage fait par un citoyen de
Vevey, planteur et peintre amateur, entre les années 1773 et
1782 », Rennes : Éd. maritimes et d'outre-mer,
1976
| - Dominique
Lanni, « Paul Morand, explorateur des mondes
noirs », Paris : Presses de l'université de
Paris-Sorbonne, 2014
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mise-à-jour : 24 avril 2019 |
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