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[Guillaume
Le Bronnec] avait vu défiler aux Marquises tout ce que les
instituts de recherches de l'un et l'autre monde y envoyaient
d'archéologues, d'ethnographes, de chercheurs de moustiques,
d'oiseaux ou de papillons, de pêcheurs et de biologistes
marins.
Il avait aidé de son mieux tous ces seigneurs de la science,
et
s'était instruit à leur contact. … Il
était
d'ailleurs aussi généreux que savant.
☐ Patrick O'Reilly, notice
nécrologique de Guillaume Le Bronnec,
Journal
de la Société des océanistes
[en
ligne], 1968 | 24/24 | pp. 127-128 |
Peu de temps après avoir
débarqué à Atuona en mai 1951,
l'ethnologue suédois Bengt Danielsson fait la connaissance
de Guillaume Le Bronnec, un Breton installé depuis une
quarantaine d'années aux Marquises “ au
milieu d'une grande cocoteraie, dans une maison spacieuse et
confortable ”. Guillaume Le
Bronnec n'est pas un colon ordinaire, au contraire : “ sa bibliothèque, comprenant
aussi bien des romans que des ouvrages scientifiques, en quatre
langues, occupait une pièce entière. Sans aucune
malice, je dirais qu'à juger de l'état dans
lequel se trouvait sa plantation, l'heureux propriétaire
d'une telle bibliothèque consacrait certainement plus de
temps à cultiver son esprit que ses
terres. ”
Pour Bengt Danielsson,
Guillaume Le Bronnec va se révéler le meilleur
des intercesseurs entre l'Europe et les îles Marquises ; il
va également lui transmettre un précieux
témoignage, minutieusement recueilli, sur les deux
dernières années de la vie de Paul Gauguin. Pour
la première fois, on est en mesure de dépasser le
mythe romanesque mais imprécis et brouillon qui s'est
développé sur la foi des témoignages
de Segalen, puis de
l'écrivain anglais Robert Keable et de Renée Hamon.
Guillaume Le Bronnec n'arrive
aux Marquises qu'en 1910, sept ans après le
décès de Gauguin, sept ans aussi après
le bref passage de Segalen ; mais c'est pour y faire sa
résidence définitive, apprendre à
connaître les lieux et leur génie, nouer des
relations durables avec les Marquisiens et les colons ; mieux, pour y
fonder une famille. Le temps devient alors un précieux
allié, et il peut mener une enquête objective
auprès de tous ceux qui ont connu Gauguin, suivi les
péripéties de sa vie, l'ont
apprécié ou se sont heurtés
à lui : Nguyen Van Cam (Ky
Dong), P. Guilletoue, Tioka, Haapuani, Tohotahua, et de
nombreux autres.
Guillaume
Le Bronnec a pris le temps d'écouter ses interlocuteurs, et
se borne à transcrire leurs propos ; il ne s'interpose pas,
ne juge pas, et sa relation n'est jamais anecdotique.
C'est pourquoi Bengt Danielsson incita Le Bronnec à publier
les principaux apports de son enquête, ce qui fut fait en 1954 1.
Plus tard, cette rencontre décisive avec Guillaume Le
Bronnec poussa Bengt Danielsson à poursuivre et approfondir
sa réflexion sur la vie et l'œuvre de Gauguin en
Polynésie : l'édition originale de “ Gauguin
à Tahiti et aux îles Marquises ”
est parue à Stockholm en 1964.
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L'article a été repris
ultérieurement dans La Gazette des Beaux-Arts
(Paris, janvier-avril 1956). |
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