Paul Gauguin :
Héritage et confrontations [actes du colloque
international organisé les 6, 7 et 8 mars 2003 par
l'Université de la Polynésie française] / textes réunis et
présentés par Riccardo Pineri. -
Papeete : Le Motu, 2003. - 229 p. :
ill. ; 28 cm.
ISBN 2-915105-07-3
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A l'orée du XXe
siècle, trois collectionneurs russes ont
constitué de superbes
collections de peinture française
— Gauguin et plusieurs de ses
contemporains majeurs — qui, aujourd'hui,
font la fierté du Musée de
l'Ermitage à Saint-Petersbourg et du Musée
Pouchkine à Moscou.Albert
Kostenevich 1
présente brièvement ces négociants
dont l'œil et le goût
étaient à la mesure des ressources
financières : Mikhaïl Morozov
(1870-1903), son frère Ivan (1871-1921) et Sergeï
Chtchoukine
(1855-1936).C'est
Mikhaïl Morozov qui lance le mouvement en achetant, du vivant
de
Gauguin, une première toile tahitienne — Te Vaa
(1896). Après sa mort prématurée son
frère Ivan prend la relève ; les
deux frères acquièrent au total onze
œuvres du peintre. Sergeï
Chtchoukine pour sa part en acquiert seize.Alors que
la
peinture de Gauguin reste ignorée, ou
méprisée, de la bourgeoisie aisée
en France et en Europe, les collections Morozov et Chtchoukine
suscitent très rapidement la curiosité et
l'intérêt de l'avant-garde
artistique russe : Vassily Kandinsky, Casimir
Malévitch, Marc Chagall 2,
ou encore Pavel Kouznetsov, Boris Grigoriev, Nathalia Goncharova,
Mikhaïl Larionov, Nikolaï Roerich, …Ces
peintres sont séduits par l'audace formelle de la peinture
de
Gauguin, mais également par ce qui s'y exprime : “ ils y
voyaient une affinité avec les confins de l'empire russe ”
(p. 85). Plus que tout ils se sentaient en accord avec “ le
chantre de la liberté de la création ”
(p. 89). 1. | Albert
Kostenevitch est Conservateur en chef de la peinture occidentale au
Musée de l'Ermitage (Saint-Petersbourg). | 2. | Albert
Kostenevitch a été témoin de
l'émotion de
Marc Chagall redécouvrant “ les toiles
qu'il avait
observées à la Galerie Chtchoukine, et qu'il
retrouvait
transférées dans notre Musée de
l'Ermitage ” (p. 85) |
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EXTRAIT |
Les
onze Gauguin de la collection Morozov sont tous des
chefs-d'œuvres majeurs. Ils recouvrent la période
la plus
importante de la vie de l'artiste : depuis le Café d'Arles (1888)
[…] jusqu'aux plus belles œuvres tahitiennes
[…].
Le premier Gauguin d'Ivan Morozov, les Parau Parau (Conversation),
atteste déjà une nouvelle approche de la
peinture. […] Les Pastorales
Tahitiennes (1892) et Nave Nave Moe (Douces
Rêveries, Eaux
délicieuses) (1894, toutes deux à
l'Ermitage) sont encore plus captivantes. Gauguin estimait que les Pastorales Tahitiennes était
une œuvre si prometteuse qu'il la dédia comme sa
plus
grande réussite à la musique maohi, et qu'il en
retint la
date pour marquer le début de son expression innovante.
Cependant,
si extraordinaire que fût la collection de Morozov, il
existait
à Moscou une collection rivale, plus audacieuse, plus vaste
(comprenant seize tableaux) […], celle de Sergeï
Chtchoukine (1855-1936). […] Son succès le plus
remarquable consiste à avoir assemblé des toiles
de
Gauguin en une collection à couper le souffle, sans conteste
la
plus belle au monde à cette époque ; de
surcroît, cette exposition était
d'accès libre et
gratuit à tous. Citons Yakov Tugenhold, auteur du premier
guide
de la Galerine Chtchoukine en 1923 : « La
Russie et
Moscou enneigées peuvent se vanter d'abriter avec un soin
infini
les fleurs exotiques d'un printemps éternel que la France
— leur mère-patrie — a
dédaigné de cueillir. Ce refuge moscovite compte
non
seulement le plus grand bouquet des œuvres de Gauguin, mais
aussi
leur plus belle sélection ».
Le vaste mur de
la Grande Salle à Manger où figuraient les
œuvres
tahitiennes fut surnommé par les hôtes
de
Chtchoukine l'iconostase,
les
toiles d'or juxtaposées leur rappelant les iconostases des
églises orthodoxes. […] Lors des accrochages,
Chtchoukine
ne respectait pas toujours la chronologie des toiles et il lui arrivait
même d'y inclure les œuvres d'autres
artistes ; mais
il ne procéda jamais ainsi avec Gauguin, car la puissance
décorative des œuvres ne s'accomodait d'aucune
combinaison.
☐ pp. 83-84 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Anne
Baldassari (dir.), « Icônes de l'art
moderne, la
collection Chtchoukine », Paris : Fondation
Louis
Vuitton, Gallimard, 2016
- Anne
Baldassari (dir.), « Icônes de l'art
moderne, la
collection Morozov », Paris : Fondation
Louis
Vuitton, Gallimard, 2021
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mise-à-jour : 28 février 2022 |
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