Une
enfance éolienne / Benito Merlino. - Paris : Gallimard,
2011. - 216 p. ; 21 cm. - (Collection blanche). ISBN 978-2-07-013328-4
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Dans l'île douce-amère
où Benito Merlino a passé son enfance, la belle harmonie
d'une nature somptueuse ne laisse jamais oublier la violence des
éléments — mer, vents, volcans.
L'exiguïté des lieux exacerbe les moindres tensions de
voisinage. Et quand le reste du monde se déchire, Alicudi ou
Filicudi en subissent directement les
contrecoups — qu'il s'agisse de la montée du
fascisme ou de la guerre qui ravage l'Europe.Mais Benito
Merlino sait restituer la fraîcheur et, souvent,
l'émerveillement du regard de l'enfant qui a vécu ces
tensions, ces turbulences et ces violences auprès d'un
père farouchement épris de liberté et d'une
mère dont la parole enchantait : « dans son
langage unique, elle avait l'art de transformer la moindre aventure
domestique … en récits épiques dont nous
raffolions » (p. 168) ; une leçon dont
témoignent bien des pages : traversée
mouvementée vers l'île voisine, portraits de
célébrités de l'archipel qui semblent
échappées des mondes de Dante ou de Rabelais, faits
divers sanglants.En arrière-plan se dévoile le
quotidien des îles : la pêche, l'exploitation de la
pierre-ponce, le centre de relégation de Lipari où
séjournèrent, entre autres, Malaparte en 1933 puis, en 1945, Edda Ciano la fille de Mussolini. ❙ | Musicien,
scénariste, réalisateur, marionnettiste, traducteur,
Benito Merlino a enregistré une trentaine de disques en tant
qu'auteur-compositeur-interprète. Originaire des îles
Lipari, il est l'auteur d'une biographie de Fellini (Gallimard, 2007). |
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EXTRAIT |
Le soir (…) Grand-père avait annoncé : — Ce soir nous irons voir cette diablerie moderne. Ce soir-là, on projetait Tarzan l'homme-singe avec Johnny Weissmuller au théâtre Elena. En rentrant, la Nonna avait dit :
— Il faudrait qu'Umberto et les filles apprennent
à bien parler l'italien. On devrait les envoyer à
l'école Santa Lucia. Ils ne peuvent pas grandir comme des
sauvageons, ils doivent s'instruire. Gaetano l'avait regardée d'un air outré et lui avait répondu :
— C'est à l'école de ces cupides bigots
que tu comptes en faire des savants ? Mes enfants ne doivent pas
devenir des bêtes de somme au service des fascistes. Ils doivent
rester libres comme le vent ! — Et ils se nourriront de vent et de ta bêtise.
— Oui, c'est toujours la même chose. L'argent et
l'église, l'église et l'argent. Du reste, j'ai
demandé au commissaire l'autorisation de partir à
Filicudi où la pêche est meilleure. Ici, il n'y a plus
rien à faire. Nous habiterons la petite maison de pêcheur
de mon père. — Mais tu es fou ! Tu vas encore nous faire déménager ?
— Le médecin-major du Château m'a promis
de m'aider. C'est le seul homme bon et honnête parmi toute cette
racaille. Tu verras que les enfants seront mieux là-bas. Et nous
aussi. Sa décision était
définitive et n'admettait aucune réplique. Il comptait
enfin réaliser son vieux rêve de vie libre avec sa famille.
☐ pp. 67-68 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « La harpe éolienne », Châtenay-Malabry : Alteredit (Ailleurs est ici), 2003, 2006
- « Les
îles éoliennes » photographies de Nello
Raffaele et Monique Rosenthal, Paris : Acanthe (De l'Europe et des îles), 2005
- « Îles vagantes », Paris : L'Harmattan (Écritures), 2015
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mise-à-jour : 4 juillet 2017 |
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