Voyage autour du
monde 1815-1818 / Adalbert von Chamisso ; trad. de l'allemand
par Henri-Alexis Baatsch ; préface de Jacques Brosse.
- Paris : José Corti, 1991. - 329 p. : carte ;
22 cm. - (Domaine romantique).
ISBN 2-7143-0410-9
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| Banni
(…) de la société des hommes, j'allais, en
compensation, me réfugier dans le sein de la nature que j'ai
toujours aimée ; la terre s'ouvrait devant moi
comme un riche jardin, l'étude allait devenir la force
directrice de ma vie, et la science le but de celle-ci.
☐ Peter Schlemihl (1814) |
Chamisso (1781-1838),
qui a enrichi la littérature européenne en créant
l'énigmatique figure de Peter Schlemihl — l'homme qui
a perdu son ombre — 1, était un botaniste de
renom. C'est à ce titre que fut acceptée sa demande de participer
à l'expédition autour du monde conduite par Otto von
Kotzebue, lieutenant de la marine impériale russe. De retour, il
s'irrite des inexactitudes et de la sécheresse de la relation
officielle (à laquelle il a apporté sa contribution, dans
les limites de sa mission) ; mais ce n'est qu'en
1834 qu'il entreprend un récit personnel qu'il veut “ purement humain ”, “ montrant
l'homme parmi les hommes ”.Une multitude d'îles marquent la course du Rurik,
des Canaries et du Cap-Vert aux Aléoutiennes et au détroit de Behring, en passant par
l'île de Pâques, les îles Hawaii, Marshall, Caroline,
etc. Aux Tuamotu, Chamisso et Louis Choris, le peintre de l'expédition, débarquent sur un atoll :Le
16 [avril 1816] dans l'après-midi, le cri “ Terre ! ” nous mit en joie. L'attente est
extrême quand de son propre gré, aimerais-je dire, et non
sur l'ordre du timonier une terre surgit à la surface du miroir
et prend peu à peu forme devant nous. Le regard cherche
avidement la fumée, le pavillon flottant qui annonce l'homme
à l'homme qui le cherche. Si de la fumée
s'élève, le cœur se met à battre
étrangement. Mais sauf une vaine curiosité, ces tristes
écueils ont bientôt perdu tout intérêt. Ce
fut pourtant une grande fête quand il fut décidé le
20 de tenter un débarquement sur la petite île Romanzov
[Tikei, Tuamotu], riche en palmiers. Le capitaine ordonna au lieutenant
Sakharine de s'enquérir du lieu d'accostage et à moi de
l'accompagner. Plein de joie et d'espoir, je pris place dans le
canot ; nous poussâmes des deux. (…) Nous
parcourûmes joyeusement la forêt et nous explorâmes
l'île. Nous déchiffrions toutes les traces humaines,
suivant les chemins que ces hommes avaient tracés, nous
retournant dans les huttes abandonnées qui leur avaient servi de
gîtes. Je comparerais volontiers ce sentiment à celui que
nous éprouverions dans la demeure d'un homme qui nous est cher
mais personnellement inconnu ; c'est ainsi que j'aurais
pénétré dans la maison de campagne de Goethe, que
je me serais déplacé dans son cabinet de travail.
☐ « Voyage autour du monde », pp. 114-115
Chamisso
est-il jamais revenu de ce voyage ? Des années plus tard,
Alexandre de Humboldt le dépeint sans indulgence : “ Le pauvre Chamisso est à peine capable de se
traîner dans les rues de Berlin et il veut une subvention pour un
voyage aux Marquises ”. 1. | Au terme du conte, Peter Schlemihl désormais voué à
parcourir le monde fait halte en Indonésie d'où il
regrette amèrement de ne pouvoir se frayer un passage vers
l'Océanie : “ la Nouvelle-Hollande
m'était fermée, ainsi que la mer du Sud avec ses
îles de zoophytes, … ”. |
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EXTRAIT |
Dans mon enfance, Cook avait
levé le rideau qui dissimulait un monde encore séducteur
à la manière des contes et je ne pouvais me représenter
autrement cet homme extraordinaire que comme une lueur, un peu
comme son bisaïeul Cacciaguida apparut à Dante dans
le cinquième ciel. J'étais du moins le premier
encore à entreprendre depuis Berlin pareil voyage. Il
semble que maintenant cela ressortisse aux exigences d'une éducation
soignée, l'entrée dans le monde, et l'on se propose
déjà, en Angleterre, de lancer une malle qui pour
une modique somme conduira les oisifs de par le monde sur les
traces de Cook.
J'ai souvent déjà
eu l'occasion de donner à des amis plus jeunes un conseil
qu'aucun pourtant ne voulait suivre. Si je rentrais d'un voyage
scientifique, dont il me faudrait dresser une relation, leur
disais-je, je ferais dans mon récit complètement
taire le savant en moi, et je ne viserais qu'à rendre
présents au bienveillant lecteur et ce pays étranger,
et ces gens étrangers, ou, bien plus encore, moi-même
dans cet environnement étranger.
☐ Avant-propos, pp. 32-33
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - «
Reise um die Welt mit der Romanzoffischen Entdeckungs-Expedition, in
den Jahren 1815-1818, auf der Brigg Rurik, Kapitän Otto von
Kotzebue », Leipzig : Weidmann, 1836
- « Reise um die Welt », Halle : Projekte-Verlag Cornelius, 2008
- « Voyage
autour du monde 1815-1818 » trad. de l'allemand et
présenté par Henri-Alexis Baatsch, Paris :
Le Sycomore, 1981
| - Adalbert von Chamisso, « Salas y Gomez » in Histoire merveilleuse de Pierre Schlémihl, ou L'homme qui a vendu son ombre, suivie d'un Choix de poésies par Auguste Dietrich (1888), Plan-de-la-Tour : Ed. d'Aujourd'hui, 1982
| - Otto
von Kotzebue, « A voyage of discovery into the South sea and
Beering's straits (…) », London : Longman,
Hurst (et al.), 1821 ; Amsterdam : Nico Israël, New York : Da
Capo, 1967
- Otto
von Kotzebue, « Le voyage du Rurik : l'expédition Romanzov à la
découverte du Pacifique, 1815-1818 » éd. et trad. par Marc Delpech,
Besançon : La Lanterne magique, 2017
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