Voyage
dans le Pacifique / illustrations de Louis Choris ; texte
intégral de Louis Choris, Georges Cuvier et Aldebert von
Chamisso ; préface de Stéphane Martin. -
Paris : Chandeigne, 2008. - 191 p. :
ill. ;
19x27 cm.
ISBN
978-2-915540-36-9
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Plus
tardives et moins largement connues que celles de Cook, Bougainville ou
La Pérouse, les expéditions menées
dans le
Pacifique par la marine russe durant le XIXe
siècle méritent pourtant l'attention. Ainsi le
voyage du Rurik,
entrepris entre 1815 et 1818 à l'initiative du comte
Romanzoff, sous la direction
du lieutenant Otto von Kotzebue, a fait progresser la connaissance des
îles Hawaii, de la Micronésie, des îles
Aléoutiennes (et du Kamtchatka, de l'Alaska, de la
Californie, …),
ouvert des perspectives commerciales, préparé des
évolutions géostratégiques.
La
relation officielle du voyage, est publiée à
Saint
Petersbourg, à Weimar et à Londres en 1821, mais
il n'existe pas de
traduction française. Deux témoignages
complémentaires permettent une approche originale de
l'expédition.
En
1822, un an après la parution du récit officiel,
le
dessinateur du bord, Louis Choris, fait paraître à
Paris
un recueil de 104 planches lithographiées en couleur,
accompagné d'un texte où il rend compte
à sa
manière des événements ayant
marqué le
déroulement de l'expédition et qu'ont enrichi de
contributions ponctuelles Chamisso, naturaliste de
l'expédition,
et Georges Cuvier.
De son côté
Chamisso
attend 1834
pour consigner ses souvenirs qui seront publiés à
Leipzig
deux ans plus tard.
Les
regards que portent Chamisso et Choris sur les mondes qu'ils
découvrent sont guidés par deux
sensibilités
distinctes, et leur confrontation crée un relief saisissant
qui
accentue l'effet du dépaysement auquel l'un et l'autre ont
été soumis durant le voyage. Louis Choris, le
plus jeune
— il est né en 1795 et a tout juste vingt
ans au
départ de l'expédition —,
écrit
aussitôt rentré à terre, encore dans le
feu du
souvenir ; Chamisso a près de trente-cinq ans quand
il
prend la mer, et il met en forme ses souvenirs seize ans
après
son retour. Quand Choris semble s'amuser des curieux usages en vigueur
à Otdia (Cf. extrait ci-dessous), Chamisso insiste sur l'affection qu'il
porte aux insulaires. L'un semble privilégier l'anecdote
teintée d'exotisme quand l'autre traduit une
expérience
vécue avec ferveur puis mûrie dans le souvenir et
intériorisée.
Mais ce qu'éclaire
imparfaitement le récit de Choris apparaît avec
l'éclat de la vie dans chacune de ses illustrations
— remarquables autant par la précision descriptive que par la
sensibilité d'un œil à l'affut, apte
à
caractériser une physionomie, à saisir une
attitude,
à fixer un mouvement. Rien de ce qui peut retenir
l'attention
lors d'un voyage de découverte n'échappe
à sa
curiosité : populations rencontrées, sites et
habitat,
objets de la vie quotidienne, faune, flore, … Une
rencontre
d'une fraîcheur inestimable, et fidèlement
restituée.
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Habitants
de l'île de
Pâques (pl. XI) |
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EXTRAIT |
Le 8 (20) janvier [1817], nous avons laissé tomber
l'ancre
devant Otdia, la principale île de ce groupe 1,
et qui lui donne son nom. Comme nous l'avions découverte les
premiers, nous crûmes pouvoir lui donner celui du protecteur
éclairé des arts et des sciences, qui avait
entrepris
à ses frais notre expédition ; et en
conséquence, ces îles fûrent
nommées
îles Romanzoff. Otdia est située par
9° 28' 9'' Nord, et
189° 43' 45'' à
l'ouest de Greenwich (192° 04' 0'' de Paris).
Ayant débarqué dans cette
île, nous y avons
trouvé à peu près quatre-vingt
habitants des deux
sexes, y compris les enfants ; c'est la plus forte population
que
nous ayons rencontrée dans ce groupe. Nous avons ensuite
calculé qu'elle ne s'y élève, en tout,
qu'à
cent cinquante personnes.
Nous avons
retrouvé à Otdia, le chef que nous avions vu le 5
du
mois, et qui réside dans cette île. Il se nomme Rarik, mot qui
se prononce aussi Larik.
La coutume d'échanger son nom, comme marque
d'amitié y
existe comme dans la plus grande partie du Grand Océan.
Larik
changea son nom avec M. Kotzebue ; un autre insulaire
nommé
Laghidiak, donna le sien à M. Chamisso ;
chacun de nous prit de même celui d'un insulaire qui se
disait
son ami. C'eût été par exemple,
commettre une
grande impolitesse de donner à M. Chamisso son vrai nom en
présence de Laghidiak, et par conséquent de ne
pas
appeler celui-ci Chamisso dans le même cas.
☐ p. 120
1. |
Radak
ou les
îles Mulgrave des Anglais, aujourd'hui
partie intégrante de l'archipel des Marshall. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Louis
Choris, « Voyage pittoresque autour du monde, en
1815, 1816,
1817 et 1818, sur le brick Rourik (…) »,
Paris :
Firmin Didot, 1822
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- Adalbert von Chamisso, « Voyage autour du monde
1815-1818 », Paris : José
Corti, 1991
- Otto
von Kotzebue, « A voyage of discovery into the South
sea and
Beering's straits (…) » (3 vol.),
London : Longman,
Hurst (et al.), 1821 ; Amsterdam : Nico
Israël, New York : Da
Capo, 1967
- Otto
von Kotzebue, « Le voyage du Rurik :
l'expédition Romanzov à la découverte
du
Pacifique, 1815-1818 » éd. et trad. par Marc
Delpech,
Besançon : La Lanterne magique, 2017
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mise-à-jour : 14
juillet 2017 |
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