Patrick Lemoine

Fort-Dimanche, Fort-la-Mort (nlle éd. revue et augmentée)

Fordi 9

Freeport (N.Y.), 2006

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île-prison
Haïti
parutions 2006
Fort-Dimanche, Fort-la-Mort [nlle éd. revue et augmentée] / Patrick Lemoine. - Freeport (N.Y.) : Fordi 9, 2006. - 307 p. ; 22 cm.
ISBN 0-9675895-0-9
9ème édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007
livre sélectionné

Patrick Lemoine a été incarcéré de 1971 à 1977 sous le régime des Duvalier (père puis fils) avant d'être exilé ; il vit aujourd'hui aux Etats-Unis.

Son récit est dédié à ses compagnons de détention dont beaucoup n'ont pas survécu : « A Fort-Dimanche 1, j'ai assisté à l'extermination d'une génération, à un génocide discret, connu des rares survivants. J'ai fait le vœu de garder vivante la mémoire de mes camarades disparus et de dénoncer la terreur instaurée par un régime démoniaque, en espérant ainsi prévenir la répétition de tels faits ».

1.« Sous le régime des Duvalier, Fort-Dimanche était une prison infâme où étaient incarcérés les prisonniers politiques et de droit commun. Ceux qui ont survécu à la détention ont expliqué que les prisonniers étaient battus et que bon nombre d'entre eux ont succombé aux tortures ou sont morts d'inanition. Selon divers témoignages, les cadavres des prisonniers ont été enterrés aux alentours de la prison. » — République d'Haïti, Rapport de la Commission Nationale de Vérité et de Justice, Chapitre V - 1.1.
EXTRAIT

2 juin 1975.

Une date tragique dans la vie du Fort. Durant cette seule journée, on enregistra neuf décès. A notre grande surprise, Fritz Degazon, alias Castro, mourut subitement. Après prières et chants, nous frappâmes à la porte en criant comme d'habitude :

La mort … La mort … La mort …

Aussitôt, comme en écho, des voix d'une autre cellule annoncèrent que l'un des leurs venait de rendre l'âme. Une heure après, le refrain :

La mort … La mort … La mort …

fut repris par une troisième cellule. Plop Plop partait à peine avec le cadavre, qu'un quatrième décès était déclaré. La journée se passa ainsi, des coups rageurs, contre les portes et les murs, s'ajoutant aux hurlements : 

La mort … La mort … La mort …

Après la neuvième annonce, la panique s'empara de la prison. Tous les prisonniers se mirent à hurler dans une lugubre cacophonie :

Au secours. Au secours.
La mort ! La mort ! La mort !
Anmwe, anmwe. Nap mouri … Yap touye nou … Tanpri Bondye sispann … Nou mande gras … Aba Duvalier. Aba Jean-Claude.

Je fus certain que nos cris arrivèrent jusqu'à la HASCO, à trois kilomètres du Fort, et nous étions persuadés que nos bourreaux allaient intervenir pour nous éliminer une fois pour toutes. Mais il n'y eut aucune réaction.

Neuf morts en une seule journée ! Les militaires responsables n'eurent même pas la décence de nous envoyer le médecin de la prison. Pour toute réponse, nous reçûmes le lendemain un plat convenable de nourriture.

Le nombre de morts s'élevait maintenant à une trentaine depuis le début de l'année.

Extrait lu par Patrick Lemoine pour l'émission Encre noire, reproduit in Catherine Le Pelletier (éd.), « Encre noire, la langue en liberté », Petit-Bourg (Guadeloupe) : Ibis rouge, 1998

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Patrick Lemoine, « Fort Dimanche, Fort-la-Mort », Montréal : CIDIHCA ; Port-au-Prince : Regain, 1996
  • Patrick Lemoine, « Fort Dimanche, Dungeon of Death », Freeport (New York) : Fordi9, 1999

mise-à-jour : 21 août 2007

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