N'approchez
pas de l'île Dawson / Denis Ducroz. - Chamonix : Ed.
Guérin, 2016. - 343 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-35221-176-1
|
| Il précisa que l'île Dawson était plus un enfer qu'une prison …
p. 80 |
À
l'extrême Sud du continent américain, le détroit de
Magellan, qui offre une route maritime entre les océans
Atlantique et Pacifique, est un inextricable dédale de canaux,
de chenaux et autres bras de mer qui parfois se révèlent
sans issue ; son parcours tortueux, bordé d'imposantes
chaînes montagneuses, est ponctué de milliers d'îles.
Grâce
aux progrès de la navigation, ce site exceptionnel attire de
nombreux aventuriers en quête de dépassement, comme ceux
qu'imagine et met en scène Denis Ducroz : une équipe
de navigateurs et d'alpinistes — andinistes —
qui partent à la conquête d'un sommet inviolé, le
Cerro del Viento. Ce projet exceptionnel bénéficie du
soutien de financiers qui comptent sur d'appréciables
retombées médiatiques.
Mais c'est l'époque
où le général Pinochet règne sans partage
sur le Chili, et fait déporter certains de ses opposants dans
une île de sinistre mémoire — l'île
Dawson, au cœur du détroit. En poursuivant leur
rêve, les aventuriers doivent prendre leurs
responsabilités : l'enfer géographique — le
vent, le froid, la violence des courants, les hauts fonds
insoupçonnables, la menace des glaciers — se double
soudain de l'enfer ourdi par une bande d'assassins.
Et, quand il est trop tard pour fuir et regagner le confort,
l'équipe se déchire : certains tentent de sauver
l'honneur, d'autres sont plus enclins à sauvegarder leurs
intérêts.
|
EXTRAIT |
De
plus en plus lentement, comme refusant la profanation, nous glissons
vers une part de mystère cachée au cœur d'une
forêt flottante. Le spectacle est tel qu'il abolit toute
considération présente. Personne n'a froid. Même
les appareils photos se sont tus, il semble que la rumeur des torrents
suffise à remplir l'espace. L'air est immobile, la
fraîcheur s'installe et la nuit va tomber. Nous ressentons tous
qu'un chapitre entier de l'empoignade universelle entre l'homme et la
mer s'est achevé ici, dans les eaux oubliées d'un monde
évanoui. Ce n'est plus Magellan
l'explorateur qui nourrit notre fantasmagorie, son nom est trop
attaché à l'océan ouvert, aux côtes
inaccessibles. Ici, c'est Coloane
que nous accompagnons, parmi ses marins
déshérités, travailleurs de la mer
piégés par les hauts fonds, drossés par des vents
capricieux, ou hagards dans des nuits éthyliques. Que sont-ils
devenus ces naufragés, rejetés par leur
élément et cernés de côtes
inhospitalières ? Aucun salut par voie terrestre à
travers ces milliers d'îles désertes, noyées en
permanence d'une pluie glacée. Peu d'espoir à attendre de
ce labyrinthe aquatique, entrelacs gigantesque de canaux et de
récifs que la marée sculpte à sa convenance et que
le brouillard dissimule. Le bout du monde.
☐ p. 70 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- Sergio Bitar, « Dawson isla 10 », Santiago de Chile : Pehuén (Testimonio), 1987
- Sergio Bitar, « Dawson isla 10 » trad. di Alvise Masto, Roma : Sandro Teti (Historos), 2015
|
|
mise-à-jour : 11 février 2016 |
| |
|