Révolutions aux
colonies / [Groupe de recherche sur
l'histoire de la colonisation européenne, 1750-1850].
- Paris : Société des études
robespierristes,
1993. - 238 p. ; 24 cm. - (Annales
historiques de la
Révolution française, 293-294).
ISBN 2-908327-40-6
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Après
les expéditions menées en Guadeloupe (sous les
ordres du
général Richepanse) et en Haïti
(général Leclerc) par les armées de
Napoléon, des centaines d'Antillais ont
été
déportés en métropole, à
Brest puis, pour
beaucoup, en Corse. Il s'agissait de briser les forces favorables
à l'abolition de l'esclavage et de consolider le pouvoir de
l'Empire mais, dans la mise en œuvre de ce programme, une
motivation seconde s'est rapidement manifestée :
cet apport
de main d'œuvre corvéable à merci
allait être
mis au service d'un projet
d'envergure visant à parachever l'inclusion de la Corse dans
l'ensemble français en y mettant en
œuvre une politique explicitement coloniale.
Le
sujet est longtemps resté méconnu en raison du
laconisme
des sources et, s'interroge Francis Arzalier, des
« réticences de l'historiographie
française
à mettre en lumière ce qui contredit trop la
légende napoléonienne »
(p. 470).
Une
exploitation méthodique de plusieurs fonds d'Archives permet
d'éclairer l'épisode — de
mesurer son ampleur,
de révéler les objectifs et d'évaluer
leur
efficacité, d'apprécier le régime
appliqué
aux déportés, leurs conditions de vie et de
travail et,
parfois, de connaître le terme de leur parcours. Les bribes
de
quelques destins individuels surnagent : celui, par exemple,
du
capitaine Bernard Chancy, neveu et aide de camp de Toussaint
Louverture, transféré en résidence
surveillée à Ajaccio en janvier 1803 ;
celui de
Cairon, métis, habitant du Cap et partisan de Toussaint
Louverture ; celui de Dupuch, homme de couleur et grand ami de
Pethion, …
Enfin, l'étude évoque la
réaction des Corses aux objectifs et à la mise en
œuvre de ce programme où l'on devine
aisément
le rejet durable de toute forme d'interventionnisme de type
colonial : « les multiples projets de mise
en valeur de
type colonial ont tous échoué, pour des raisons
de
relief, de climat, de résistance des populations :
la
colonisation de la Corse n'aura pas lieu »
(p. 488).
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EXTRAIT |
Les
premiers déportés arrivés à
Ajaccio fin
octobre 1802 sont tous Haïtiens. Dès le 9
février
1803 part de Brest un convoi de 90 « hommes de
couleur
à l'hôpital de Pont[a]nezen et destinés
pour les
travaux en Corse ». La reconquête de la
Guadeloupe est
en cours : 40 d'entre eux en viennent. Il est ensuite
très
difficile de tenir un compte exact des arrivées successives,
que
signalent des correspondances de Brest ou de Toulon : chaque
navire amène en général quelques
dizaines de
prisonniers noirs : ainsi le 8 juin 1803, 34 Haïtiens
« que le général en chef de
l'armée de
Saint-Domingue a condamnés à la
déportation » ; 174
« déportés
nègres »
annoncés le 17 novembre 1803 semblent clore la liste. Aucun
indice ne permet de supposer d'autres arrivées en
1804 :
l'ordre colonial est alors rétabli aux petites Antilles, et
Rochambeau a capitulé à Saint-Domingue.
Le
relevé systématique de tous les
déportés
inventoriés aux Archives Départementales
d'Ajaccio, dans
les listes successives et les actes de décès de
1802
à 1814 nous ont permis de parvenir à un total de
422
Antillais différents, dont 183 Guadeloupéens et
239
Haïtiens. […] [C]es 239
déportés
haïtiens, [c]es 183 Guadeloupéens sont
[…]
très assurément, sous-estimés
largement. On est
loin de l'objectif initial de milliers de
déportés, mais
on peut penser que la Corse a accueilli au moins un demi-millier
d'Antillais en un an.
☐ pp. 477-478 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Jean-Yves
Coppolani, « Des Antillais
déportés en Corse
à l'époque
napoléonienne », Bulletin de
la Société des sciences historiques et naturelles
de la
Corse, 656 | 1989 | pp. 245-254
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mise-à-jour : 24
janvier 2018 |
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