Fragments vénitiens / photographies de Martine Delerm ; textes de Philippe Delerm. - Paris : Seuil, 2021. - [168] p. : ill. ; 19x25 cm. ISBN 978-2-02-147899-0
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Sous
la forme d'un rendez-vous annuel depuis 20 ans, Venise a pris une place
à part dans la vie et l'œuvre de Martine et Philippe
Delerm. C'est la face cachée de la ville, loin des sentiers
battus, qu'ils nous proposent de découvrir à travers des
textes et des photographies minimalistes et intimistes. Une Venise en
couleurs, une omniprésence de l'eau, une consistance
singulière de décor en décor, comme dans un
théâtre d'images ou comme des tableaux abstraits, les
photographies de Martine Delerm accompagnées par le texte
poétique de Philippe Delerm qui nous fait entrer de plain pieds
dans la magie de la cité des Doges, dans la magie des sensations
qu'elle provoque et de son quotidien enchanté. ❙ | Martine
Delerm est illustratrice et fut professeur de français.
Agrégée de lettres, passionnée de
théâtre et de photos, Martine Delerm est l'auteur d'une
quarantaine d'ouvrages. | ❙ | Philippe
Delerm voue son écriture à la restitution d'instants
fugitifs, à l'intensité des sensations d'enfance. |
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Rouge
brique, vert d'eau : les photographies vénitiennes de
Martine Delerm travaillent avec obstination ce registre contrasté, toujours ou presque dans un plan visuel borné,
sans point de fuite. Murs aveugles. Portes condamnées.
Fenêtres aux volets clos. Parfois l'ombre d'une grille projetée au sol
paraît vouloir interdire à d'éventuels marcheurs la sortie d'un labyrinthe
dont toute vie s'est retirée. La lagune est hors de portée et, plus loin encore, la mer ouverte.
Les courts textes de Philippe
Delerm, au contraire, relèvent la profusion des signes de vie.
S'il s'interroge — “ où sont
passés les travailleurs ? ” — c'est
après avoir noté la petite causette du balayeur avec le vendeur de journaux. Ailleurs il s'émerveille de la sensation marine, de l'ampleur de l'espace qui, dans le souvenir, laissent comme un goût d'aventure.
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EXTRAIT |
Une femme qui court
Une
femme qui court, par crainte de rater le vaporetto. C'est
drôle : la précipitation de ses pas sur les dalles,
son affolement donnent juste la note qu'il fallait pour éprouver
toute la sérénité de Sant'Elena. Car il y a
quelque chose à troubler ici. Une paix infinie, blottie contre
les Giardini. Une terrasse de café, un kiosque à journaux
tout près de l'embarcadère, un mini-terrain de foot
où les enfants du quartier jouent en liberté, tous les
éclats de voix sont bémolisés par l'ombre des
arbres si hauts — on est à l'ombre de la vie, ici.
Les frondaisons dessinent à l'horizon une ligne de protection
comme une main déployée au-dessus des yeux pour se
préserver de trop de lumière. Là-bas, si loin,
où il faut deviner l'entrée du Canal Grande. À
Sant'Elena, il n'y a pas d'heure, et pas de bateau à manquer.
☐ Philippe Delerm |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Philippe Delerm, « La bulle de Tiepolo », Paris : Gallimard, 2005 ; Gallimard (Folio, 4562), 2007
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mise-à-jour : 22 février 2022 |
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