Jean-Toussaint Desanti

« La Corse, un territoire philosophique », propos recueillis par Ange Casta in : Ange Casta, avec la coll. de Florence Antomarchi, La parabole corse : rencontres avec l'identité

Albiana

Ajaccio, 1995
bibliothèque insulaire
   
Méditerranée
La parabole corse : rencontres avec l'identité / textes réunis et présentés par Ange Casta ; avec la collaboration de Florence Antonmarchi. - Ajaccio : Albiana, 1995. - 102 p. : ill. ; 28 cm.
ISBN 2-905124-18-0
NOTE DE L'ÉDITEUR : En 1994, pour Arte, le réalisateur Ange Casta a filmé, des heures durant, des paysages et des hommes. La Corse : un espace, un pays, baigné par les flots bleus de la Méditerranée. […] Entre l'image touristique des vacances et celle, médiatique, de la vacance du droit — voire de la République ! — des gens vivent. Ange Casta est allé à leur rencontre, dans l'idée de briser un malentendu.

Le film bouclé, beaucoup de paroles gisaient dans des bandes son inutilisées. Ce livre les récupère et les rend en une vingtaine d'entretiens 1 pour dire un visage de la Corse, autre que celui de la violence. […] Le temps d'un livre, nous découvrirons la Corse comme une parabole de la nécessité d'inventer.

Florence Antomarchi

Une traduction anglaise de l'entretien avec Jean-Toussaint Desanti est parue dans le n° 12 “ Ici la Corse / Corsica calling ” de la revue Méditerranéennes (Ajaccio, été 2001), sous le titre “ Every man's an island ”, trad. du français par Robert Waterhouse.
       
1. Avec, outre Jean-Toussaint Desanti, Nando Acquaviva, Jean-Paul de Rocca Serra, Edmond Simeoni, Toni Casalonga, Alexandre Mondoloni, Lucien Colombani et Paul-François Giudicelli, Jérôme Ausilia, Roger Maestracci, Marie-Noëlle Versini, Jacques-Henri Balbi, Antoine Massoni, Ugo Casalonga, Achille Martinetti, Luc Bronzini de Caraffa, Ghjuvanna et Georges Guirronet, Charles Santoni, la famille Saïdi, Jean-Jacques Paoli, Philippe Franchini, Antoine Salvatori, des étudiants, des clients du café de Bucugnà, …
EXTRAIT

Ange Casta : Quelle place la Corse a tenu dans votre vie et dans votre pensée ?

Jean-Toussaint Desanti : C'est le lieu où je suis né, où mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et ceux qui les ont précédés sont nés. C'est le lieu dans lequel je me sens né. Où j'ai pris racine. Ma profession, ma vocation, c'est d'être philosophe, c'est arrivé assez tôt — vers l'âge de 19 ans — et c'est arrivé en Corse. Simplement parce que c'est là que j'ai commencé à lire des philosophes. Dans quelle mesure le fait de me sentir de cette origine m'a-t-il porté vers une certaine forme de philosophie … ? Je peux parler de l'insularité, l'insularité qui est l'unité d'un enfermement et d'une ouverture. La mer nous enveloppe et elle est aussi le chemin. Or un chemin qui ouvre et ferme, ça pose problème. D'une part, il faut prendre pied et donc s'y trouver. Et d'autre part, il faut y prendre essor, et s'en aller. A la fois s'en aller et rester. C'est tout le problème de la philosophie qui consiste à prendre en charge l'environnement du monde dans lequel on est, avec ses voisinages, avec ses rapports qui se construisent toujours et qui donnent sens à ce voisinage, qui permettent de le penser, de lui donner un corps. Et d'autre part il faut l'élargir, essayer de comprendre le rapport à un autre monde que ce voisinage qui ne cesse jamais d'être là. Et plus vous vous en irez, plus le voisinage viendra avec vous. Vous êtes obligé, à ce moment-là, de penser ce rapport. L'insularité vous donne à penser.

[…]

AC : L'insularité, on peut la vivre ailleurs que dans une île ?

JTD : La peau qui nous enveloppe, c'est notre île, notre insularité. Nous ne pouvons pas en sortir, elle nous accompagne partout. Nous sommes tous insulaires au sens propre. Nous sommes obligés de montrer nos sentiments sur notre peau et de lire, sur la peau des autres, leurs sentiments. Nous sommes toujours dans ce rapport à la fois d'exclusion et d'intériorité. L'intérieur et l'extérieur se tiennent. La notion de frontière doit être pensée entièrement, elle n'est pas une ligne de séparation, mais une relation mobile.

[…]

AC : Qu'est-ce qui a construit cet attachement très fort que vous avez à ce pays qui est le vôtre, la Corse, à ces racines, à cette identité ?

JTD : C'est la terre, l'air, la mer. Les gens que j'ai connus. La lumière. Et quelque chose qui concerne la philosophie : la précision des formes. Les formes, chez nous, sauf au grand soleil, sont précises. Chaque fois que j'y pense, j'entends un verset fameux d'Homère qui parle des bergers : c'est la nuit, la lune se lève, les hauts promontoires se dessinent, les collines et aussi les golfes se dessinent et, dit Homère, “ le cœur du berger se remplit de joie ”. Simplement parce que les choses se dessinent. Or, quand les choses se dessinent, cela veut dire aussi qu'elles se dévoilent, dans cette lumière. C'est cela qui est décisif du point de vue du désir de philosophie. C'est le désir de la forme qui échappe à la brume.

[…]

pp. 10-11

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Dominique Desanti et Jean-Toussaint Desanti avec Roger-Pol Droit, « La liberté nous aime encore », Paris : Odile Jacob, 2001, 2004
  • Georges Ravis-Giordani (éd.), « Jean-Toussaint Desanti : une pensée et son site » actes du colloque de Bastia (juin 1997), Fontenay-aux-Roses : ENS éditions (Hommages), 2000

mise-à-jour : 4 septembre 2020

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