GILLES LAPOUGE : De [...] La découverte australe par un homme volant, il n'y a pas grand chose à retenir. Restif gonfle son inspiration. Il décrit plusieurs pays utopiques : il en profite pour nous refiler une majestueuse fresque de l'évolution cosmique. Restif suit Morelly et Mercier. Il voudrait créer une utopie capable de tenir compte de l'évolution. Rien de génial dans ces pages. Il faut dire que la tâche est lourde, compliquée aussi, de faire tenir ensemble deux notions incompatibles, le mouvement et l'immobilité. Restif demande alors de l'aide à un homme extrêmement savant, un sage qui s'appelle Noffub — manière utopique de désigner Buffon.

☐ « Utopie et civilisation », Genève : Librairie Weber, 1973 (p. 199)

JACQUES LACARRIÈRE : Ce qui me frappe et me surprend dans cette Découverte australe [...] est moins de voir Restif imaginer, comme tant d'autres, un monde différent, que de l'avoir rêvé si naïf et si vierge. De croire en somme que les antipodes n'avaient pas d'antipodes, qu'ils étaient comme le contraire sans contraire d'un monde fait de désastres, d'injustices et d'approximations, un reflet sans image réelle, une symétrie sans corollaire. Telle semble être l'utopie australe : un monde clos qui ignore toujours son double usé, un monde qui jamais ne rêve du septentrion.

☐ Préface à l'éd. de « La découverte australe (...) », in Francis Lacassin (éd.), Voyages aux pays de nulle part, Paris : Robert Laffont (Bouquins), 1990 (p. 1090).